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Ce que PEUR veut dire

Buzzati8.JPG

Avec François Bon en partage. Reading Rando (4)

 

Les verticale des anciennes pluies, scrutées de derrière la vitre dans l’impatience  de nos enfances, avant de partir loin, relaient dans Peur  les verticales des cordes urbaines entre lesquelles zigzaguent un saxo tâtonnant et un violon titubant, et quel rapport avec les verticales de roc et de glace ?

Je dirai : paysage mental, murs de New York ou de l’Aiguille du Fou, souvenir des villes, paysages où transi d’angoisse  on lève la tête dans le matin glacial, Manhattan ou l’Aiguille du Trident  – ma seule PEUR panique un matin de roche rouge et de glace il y a juste vingt ans avec mon ami R. fracassé vingt jours après au Mont Dolent -, et voici :

Que je repars ce matin avant l’aube, par grand beau se levant, avec  Peur de François Bon et de ses musiciens au walkman, prêt à gravir ce couloir d’effroi, un pas sur l’autre, entre les hauts piliers comme de gratte-ciels – On avait traversé des villes sans personne -, et la neige glacée crisse comme les instruments de Peur,  mais les crampons s’accrochent comme les tampons aux parois de verre des villes de fer et de béton :

On progresse,  le couloir est à la fois paroi trouée de fenêtres comme les buildings hallucinés de Buzzati, et cela:

Quand on ferme les yeux pour souffler, les verticales basculent et voici les ravines bleutées devenues allées de cimetière - Tu marchais dans la maison des Morts -, tout devient Labyrinthe aux yeux fermés un instant, tes morts te pèsent et te soupèsent puis tu entends une voix pure, peut-être le jeune poète de Rilke – Nous manquons d’invocations sorcières –, enfin tes yeux clairs se rouvrent  et retrouvent les horizons de plus en plus larges à mesure que tu montes vers le ciel grand ouvert, la PEUR aiguise les marches mais de la surmonter te sort de l’impasse et de là-haut tu vois mieux ce qui te manque et qui te manque, à qui tu manques  – Et comment on est venu on sait pas, et où tu vas t’en sais rien ? – mais  de moins en moins de PEUR tout en haut du couloir d’angoisse, à monter on surmonte la PEUR, et voici :

Rando15.jpgL’arête atteinte, l’équilibre entre deux vertiges, étroite rue où danser – Là-bas murs et seringues, voilà pour manger, trajets tracés, tous les bruits du monde -, ici l’ouvert par delà l’obscur et l’indistinct :

Vaincue la PEUR à  l’instant, dis-tu, au jour partagé, songeant à eux, mais qui t'attendent demain là-bas - l'angoisse et l'effroi retrouvés tôt l'aube…

 

LirePeur.JPGCette divagation de rando suit les séquences lues (François Bon en diseur d’extrême sensibilité) de Peur, sur ses textes (cités ici en italiques)  et des compositions de Dominique Pifarély (au violon, sur de magnifiques variations), avec François Corneloup (sax baryton), Eric Groleau (batterie) et Thierry Balasse (électro-acoustique).

Peur. 1 CD chez Poros éditions, 2008.

Le texte intégral de Peur peut se télécharger sur internet : http//www.publie.net/peur/

Image: peinture de Buzzati ainsi légendée: Quando la grande montagna all'improvviso diventa la nostra vita, la nostra città, la nostra vecchia casa, l'antica nostra tomba.

Commentaires

  • immense merci, Jean-Louis, 1, parce que ça m'intimide beaucoup de te savoir parti sur la neige en nous conférant responsabilité de t'accompagner, 2 mais surtout pour ce dialogue dans le texte, et y être ensemble

    je me permets reprendre dans le blog du violoniste http://pifarely.net/wordpress/?p=358 suis sûr que Dominique sera touché aussi

  • ... Très impressionné aussi de vous accompagner sur les pentes abruptes. Et merci de déplacer ce "Peur" hors des villes, dans une autre résonnance.

    Dominique

  • On repart, Dominique et François, quand vous voulez, mais cette fois avec vos instruments live. Les choucas et les lynx aimeront. Merci de vos signes amicaux. Je reviendrai sur le CD dans le journal qui me subit. Bonne vie a tutti.

    Jls

  • Je viens d'aller lire et télécharger sur le site de François Bon, les 41 pages de
    " Peur - Un fragment de nuit "
    D'abord / Paysage / Présent / Villes / Phrase / Morts / Peur
    et dans ce dernier texte "Peur", je retrouve avec émotion des traces de ce qui s'écrivait il y a presque deux ans dans l'atelier de François, son atelier d'écrivain dont le lecteur pousse la porte comme il pousserait celle d'une lutherie regarder travailler le luthier.

    Merci Jean-Louis Kuffer de cette impressionnante "Reading Rando" après laquelle on ne peut que se procurer le CD pour le plaisir du texte écrit par François et pour les créations musicales de Pifarély avec Corneloup au sax baryton, Groleau à la batterie et Balasee à l'électro-acoustique.

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