PRIX FEMINA
Roman-exorcisme déjà plébiscité par le public, Où on va papa ? justement récompensé.
Bien connu pour une vingtaine de livres souvent marqués au sceau d’un humour doucement grinçant, du Pense-bêtes de Saint-François d’Assise à l’autobiographique Il a jamais tué personne mon papa, en passant par Le petit Meaulnes et ses récentes Histoires pour distraire ma psy, Jean-Louis Fournier, ancien complice de Pierre Desproges sur La minute nécessaire de Monsieur Cyclopède, a créé la surprise de cette rentrée littéraire avec un roman-récit d’une tonalité plus grave puisqu’il y est question de son parcours de père aux côtés de Mathieu et Thomas, ses deux garçons nés avec un lourd handicap moteur et cérébral et ne pouvant communiquer qu’en « lutin », selon l’expression de leur père fantaisiste…
Loin d’édulcorer le mélange d’accablement et de révolte qui l’a frappé, l’auteur d’Où on va papa ?, paru chez Stock, trouve les mots justes, sourire jaune en coin, pour dire ce qui a été vécu, notamment sous le regard souvent cruel des autres, avec ces enfants « différents » qui ont « de la paille dans la tête » et dont l’un, Mathieu, mourra « droit » à quinze ans après qu’on aura tenté de l’opérer pour le redresser. Et Fournier, déchirant, de préciser que c'est « aussi triste que la mort d'un enfant normal»…
Tendre et terrible, le livre de Jean-Louis Fournier, fort bien accueilli par la critique, fait déjà un véritable tabac en librairie, ayant passé largement le cap des 100.000 exemplaires et sans doute promis à un succès hors norme. Les jurés du Goncourt doubleront-ils la mise ? Modeste, l’auteur déclarait l’autre soir à la télévision que sa présence parmi les papables de deux grands prix, et plus encore le plébiscite du public, suffisait à le combler.
L’émotion est également au menu du prix Femina « étranger », attribué à Chaos calme (paru chez Grasset), vaste roman tenant du tour de force en cela qu’il ne s’y passe rien que d’intérieur dans la tête de son protagoniste, riche et pimpant homme d’affaires soudain terrassé par la mort de sa femme et reportant, sur sa fille, tout son désarroi. Déjà gratifié du prestigieux prix Strega en Italie, adapté au cinéma par Antonio Grimaldi avec Nanni Moretti dans le premier rôle, le livre de Veronesi est certainement l’une des meilleures lectures de l’été dernier. Enfin. Notons que c’est au comédien Denis Podalydès qu’est revenu le prix Femina de l’essai pour Voix off, paru au Mercure de France, suite élégante de variations autobiographiques ou le comédien se montre aussi à l’aise à l’écrit qu’à l’oral…