Présenté à Locarno en première mondiale, La fille de Monaco, le dernier film de la réalisatrice française, pétille, non sans observations pertinentes sur le désir et ses ivresses, ses égarements et ses incidences sociales.
D'aucuns réduisent la comédie, au cinéma ou au théâtre, à un sous-produit frivole, alors que le genre, frottant d'humour les tribulations humaines, nous a valu maintes merveilles, de Molière à Billy Wilder ou Dino Risi. Sans atteindre ces sommets, Anne Fontaine nous revient avec un film à la fois enjoué et mordant, dont l'apparent clinquant ne fait pas oublier l'angoisse de vieillir d'un brillant avocat ni ne flatte l'arrivisme cynique d'une Miss Météo en mal de gloriole.
- Quelle idée de départ vous a-t-elle lancée dans l'écriture de La fille de Monaco?
- Le sujet du film est le désir, que j'ai déjà exploré, auquel je tenais pourtant à revenir en développant un personnage qui ne serait pas un séducteur ordinaire mais un prédateur verbal: à la fois un type qui séduit les femmes par la parole et qui, par sa fonction sociale, est l'interprète de la vie des autres. La figure du brillant avocat s'imposait doublement...
- A partir de quel moment avez-vous pensé à Fabrice Luchini?
- Le visage de Fabrice, qui est un ami de longue date, m'a accompagné dès le tout début. Je voyais en effet un homme brillant mais fragile, et d'un âge propice au retour sur soi de la comédie, correspondant à une période où on a construit sa vie. Le premier couple que j'ai imaginé n'était pas un homme et une femme, mais de deux hommes: à côté du «cerveau» un peu chancelant dans son corps, je voulais un type granitique, et c'est ainsi qu'est apparu son garde du corps, incarné par Roschdy Zem, le gars «qui assure» en apparence et n'en a pas moins lui aussi une sensibilité qui se découvre. Le lien qui se développe entre eux tient à la fois de l'amour et du maternage... Il fallait en somme conjuguer «une vérité» et «une nature»...»
- Et comment la «fille» vous est-elle apparue?
- Je l'ai pas mal cherchée! Il me fallait une jeune femme qui fasse bien ressortir l'opacité du désir, d'une part, et qui pète de santé, si j'ose dire, qui «surplombe» le protagoniste au double sens du terme, étant physiquement plus grande et psychologiquement plus gonflée. Comme c'était la première fois que je traitais ce genre de personnage, j'ai eu de la peine. Sur quoi Fabrice Luchini m'a parlé de la présentatrice de la météo sur Canal+, qui pourrait convenir selon lui. J'ai un peu hésité, car Louise n'avait aucune formation de comédienne, puis elle m'a convaincue du fait qu'elle avait en elle ce mélange de présence sensuelle et de réserve, de rouerie et de tendresse, de bêtise triomphante et de féminité plus complexe...
- Comment Fabrice Luchini a t-il abordé son personnage?
En premier lieu, il a été troublé. Le personnage de Bertrand, au premier regard, ne correspond pas à l'image ordinaire qu'on se fait de lui, et pourtant il a cédé à mon insistance et pour donner, je crois, toutes les nuances comiques et émouvantes d'un vrai personnage de comédie.
- Qu'est-ce pour vous qu'une comédie?
- C'est, et je l'entendais bien ainsi, un divertissement, mais celle qui m'intéresse suppose un décalage, avec un fond de vérité et de gravité. Vous savez qu'un avocat engagé dans un grand procès cesse toute activité sexuelle. Or l'irruption de la superbe créature dans la vie de Maître Beauvois, alors qu'il doit se concentrer sur sa seule affaire, est un élément de comédie, comme celle de Christophe, le garde du corps, quand il prétend «sécuriser le territoire» d'un homme aspirant à se retrouver seul...
- La fille de Monaco est également une charge sur l'arrivisme médiatique et la télé-réalité...
- Là encore, la comédie joue sur le décalage entre ce que vit l'avocat, qui le bouscule très intimement, et l'utilisation que la jeune effrontée veut faire de lui pour devenir elle aussi une star. Le côté complètement artificiel de Monaco, genre Las Vegas méditerranéen, avec lequel contraste