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Une amitié salvatrice

3b93e7b8a20243e84fa826f5e7677e4e.jpg Serge Merlin porte Le neveu de Wittgenstein de Thomas Bernhard avec une intensité sensible prodigieuse.
L’extraordinaire émotion théâtrale que nous vaut ces jours la représentation du Neveu de Wittgenstein de Thomas Bernhard dans l’interprétation tantôt désopilante et tantôt bouleversante de Serge Merlin, touche, à partir de la perception tragi-comique de notre chère et putain de condition humaine, à tous les registres de l’expression, de la douceur délicate à l’invective explosive, en passant par les nuances pathétiques ou grotesques d’un récit que la pudeur de l’écrivain fait avancer masqué.
On réduit souvent Thomas Bernhard à sa posture (indéniable) d’imprécateur, alors que c’est aussi un inégalable chroniqueur de sa vie et de son époque fracassées, dont les récits « autobiographiques » récemment réunis en un volume (notamment L’Origine, La Cave, Le Souffle, Le Froid, Un Enfant *) cristallisent la substance douloureusement compulsive et la formidable musique.
Le neveu de Wittgenstein, sous-intitulé Une amitié, se rattache à cette confession d’un enfant du XXe siècle marquée par les relents du nazisme et le désastre de l’après-guerre autrichien, la tuberculose et la rage folle d’échapper à la mouise et à le crétinerie récurrente des philistins ; surtout : par l’émotion partagée avec quelques «êtres vitaux » dont le grand-père, une femme jamais nommée et, ici, un rejeton rejeté de la milliardaire clique des Wittgenstein, passionné de musique et de littérature, d’art et de philosophie. Si ce récit, publié en 1982 et dont le déclencheur remonte à 1967 dans un hôpital viennois où l’auteur séjournait pour l’ablation d’une tumeur au thorax, n’est pas explicitement destiné au théâtre, sa tournure de monologue à vrilles plus ou moins frénétiques en fait un objet vocal et dramatique aux ressources exceptionnelles, ainsi que le prouve Serge Merlin de toute l’âme de son corps dans la version scénique que lui ont finement retaillée Bernard Levy, par ailleurs metteur en scène, et Jean-Luc Vincent, dans une scénographie et des lumières magnifiquement accordées de Giulio Lichtner et Jean-Luc Chanonat.
abdb0e5e1bb6bdfda8f7bc65bb41d244.jpgDès la première évocation des retrouvailles de Thomas Bernhard et de son ami Paul Wittgenstein, respectivement encagés au Pavillon Hermann du service de pneumo-phtisiologie de la Baumgartnerhöhe, et dans le Pavillon Ludwig de l’asile psychiatrique du Steinhof, séparés par un grillage plein de trous, le rire se mêle à l’effroi et à l’émotion plus tendre. De la même façon, le comique, parfois énorme (la charge contre les promenades à la campagne et la nature en général, ou le morceau d’anthologie sur les prix littéraires qui sont autant d’occasion pour les philistins de « chier » sur la tête des artistes), l’effroi (la solitude de Paul le paria, ou le désespoir de Thomas le suicidaire) et l’émotion (la fin déchirante où Thomas se reproche sa lâcheté devant la mort annoncée de Paul) se fondent en unité dans la musique de cet hymne joyeusement funèbre à l’amitié et à ce qui nous sauve de tout ce qui pèse sur le corps de nos âmes...
Lausanne, Théâtre de Vidy, Le neveu de Wittgenstein. Coproduction Chaillot/Vidy. Salle de répétition, jusqu’au 18 novembre.Tlj à 19h30, dimanche à 18h30. Lundi relâche. Durée 1h3o. Loc : Payot librairie et 021 619 45 45
(*) Thomas Bernhard. Gallimard, coll. Biblos, 505p.

2169e3f05b6ec2af29fdeab7e41e5a80.jpgImages: Mario del Curto

Commentaires

  • Il y a une photo de classe où l'on voit Hitler et Wigttenstein ensemble ...

  • Ce n'est pas de ce Wittgenstein qu'il s'agit à vrai dire, mais de son neveu. Quant au jeune Adolf, c'est plutôt le père de Ludwig, le mécène, qu'il rêvait de séduire...

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