Charlotte, vie ou théâtre ? de Richard Dindo
Entre 1939, à Villefranche-sur-Mer où ses parents l’avaient envoyée pour la protéger, et l’été 1943, à la fin duquel elle fut déportée à Auschwitz avec son compagnon, Charlotte Salomon a consigné « toute sa vie » dans un ensemble de 769 dessins à la gouache qu’elle confia à un docteur français en lui recommandant d’en prendre soin. Cette œuvre étonnante, aujourd’hui déposée au Musée juif d’Amsterdam, revit dans un film de Richard Dindo datant de 1992, disponible sur DVD.
Comme une sorte de chronique dessinée, Vie ou théâtre, ainsi que Charlotte intitula elle-même l’entreprise « extraordinaire ou folle » qu’elle devait réaliser pour échapper à sa tentation du suicide (sa grand-mère venait de l’accomplir en se jetant par la fenêtre, comme sa mère des années plus tôt), déploie une frise magnifiquement vivante et émouvante, d’une force d’expression plastique rare.
En découvrant cette merveille, je me suis rappelé les dessins au quotidien de Joseph Czapski, avec lesquels ceux de Charlotte ont une ressemblance saisissante – tous deux tenant ainsi comme une sorte de journal enluminé où les mots inscrits comptent aussi beaucoup.
De son enfance à Berlin - entre une mère dépressive et un père chirurgien, qui se remaria avec une cantatrice après le suicide de son épouse -, aux premières manifestations antijuives de 1933, c’est en effet tout un théâtre, à la fois intime et collectif, parfois émouvant et parfois violent, qui s’anime sous nos yeux. Richard Dindo rappelle lui-même quel fut le destin de l’artiste, en entremêlant ensuite les gouaches de celle-ci et, en contrepoint, les images des lieux et des gens évoqués au fil de ce récit de vie « pour mémoire ».
Richard Dindo. Charlotte, vie ou théâtre ? DVD La Sept/Vidéo, Mémoires juives.