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Ballades du désamour

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Love, 17 nouvelles bluesy de Philippe Testa

Sous un titre qui évoque à la fois celui d’un album-concept, un sigle de pub ou une inscription taguée sur un mur, Philippe Testa publie son deuxième livre, après le kaléidoscope de notes de voyage de Far-West/Extrême-Orient, paru en 2004: un recueil de dix-sept récits relevant plus, à vrai dire, du croquis ou de la tranche de vie que de la nouvelle achevée. Ce qui les unit est une tonalité douce-acide et un climat général de déglingue affective, sur fond de relations oscillant entre la non-rencontre et la fatigue de l’autre, la solitude et l’incompréhension réciproque. L’auteur y cristallise des observations aiguës, voire incisives, sur le monde qui nous entoure, au fil d’une narration claire et rapide. A préciser qu’à chaque récit est couplé un morceau de rock ou de blues, dont l’écoute est censée « accompagner » la lecture. Ainsi Voyage astral, premier titre du recueil où il est question de la non-rencontre d’un garçon persuadé qu’il « doit » connaître telle fille croisée dans la rue, laquelle beauté ne rêve que de s’accomplir dans les sphère spirituelles du New Age, va-t-il de pair avec Voulez-vous d’Abba…
Le Mote de Sonic Youth accompagnera, dans la foulée, l’un des meilleurs récits du recueil, Un petit pas pour l'homme, un pas de géant pour l'humanité, où l’auteur observe l’évolution de l’amour-passion d’un quadra pour une adorable nymphette qui débarque dans sa vie avec son vide sidéral de môme vague que rien n’intéresse et qui reste plantée devant la télé. Et l'auteur de noter: « Il voulait ne jamais être séparé d’elle, il voulait l’étrangler, il ne savait plus ce qu’il voulait »...
Il est beaucoup question de désamour dans Love, entre dialogues de compères sur ce qui foire avec leurs petites amies, et confidences de celles-ci se retrouvant de leur côté pour détailler l'empêtrement médiocre de leurs jules. Debbie, dans une fête, croit rencontrer un type pas comme les autres (il a une façon intense de regarder le ciel étoilé), qui ne voit en elle qu’une possible extraterrestre. Et les malentendus de se multiplier d'une situation à l'autre. Plusieurs des couples observés se défont parce qu’on vit dans l’instant et la jouissance égoïste, à l’enseigne d’une espèce d’infantilisme ou de repli narcissique qui exclut tout pari sur l'avenir et quelque fondation que ce soit; enfin la solitude est un leitmotiv du livre, liée au vide de l'échange ou à l'atonie, à l'avachissement de l'homme téléphage. 
Parfois aux confins de la charge satirique, comme dans le récit évoquant la rencontre d’une veuve et d’un poisson rouge (Un monde presque parfait), Philippe Testa reste le plus souvent dans l’empathie tendre-acide, peignant ses personnages à petites touches, souvent rehaussées de dialogues sonnant juste. Le tableau d’ensemble rappelle un peu, en beaucoup plus elliptique, voire mince, les observations d’un Carver ou, pour le climat social, d’un Houellebecq, mais l’on reste souvent sur sa faim en dépit de la qualité de la narration et du trait. Celui-ci par exemple, dans Himalaya où l’on voit l’employé Julien, du type très terre à terre, saliver auprès d’une Elodie qui lui préfère le fringant Niels combien plus romantique et dégourdi: « Julien aurait souhaité posséder une télécommande qui zappe les gens aussi facilement que les programmes TV»... Dans le même ordre de notations, Philippe Testa rend très bien compte de ce qu’on pourrait dire la mécanisation des affects ou la standardisation des comportements, qui n’excluent pas pour autant les sentiments à vif…
Philippe Testa. Love. Editions Navarino, 123p. Lausanne, 2007

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