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L'éclusière

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Du bief aval, on surveillera l’écluse.

J’avise un frêne, où l’ombre était si vaste
que toute sieste y eût été propice
à l’or natif d’un poème accouché sans effort.
Mais il faudrait d’abord apprivoiser ce rythme lent,
cette scansion sourde et sereine qu’on lit
aux barres de mesure des arbres riverains.

(Le monde était cohérent, dans le temps, et l’on savait
qu’il y a des barres, entre molaires et crochets
des chevaux de halage, où appuie le mors,
qui écume, à l’effort, et bouillonne,
à peine moins que le courant qu’une vanne libère.
Eh oui ! Mais c’était autrefois ! Il n’y a plus
de braves percherons sur le bord du canal.)

Et puis, l’éclusière est comme apparue
Sur l’ouvrage : on dirait, du frêne, un centaure,
qui se cabre en poussant le levier.
J’approche; elle ne voudra pas de mon aide,
Attachée au royal privilège qu’elle a
De prendre de très haut l’étrangère en bateau
Qu’elle fera monter, d’un palier, vers le ciel.

 

Ce poème inédit de Pierre-Alain Tâche est paru dans la dernière livraison du Passe-Muraille, no 70, juillet 2006.

Leonor Fini, La fin de la terre, 1949.

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