Artaud sur la Toile
A La Désirade, ce 24 novembre (soir) – J’avais repris les œuvres de l’énergumène pour lire de mes yeux les mots éclatés d’Artaud le Mômo, et j’ai lu « L’esprit ancré / vissé en moi / par la poussée psycho-lubrique / du ciel /est celui qui pense toute tentation / tout désir / toute inhibition », j’ai lu « o dedi / a dada orzoura / o dou zoura / a dada skizi », j’ai lu « o kaya / o kaya pontoura / o ponoura / a pena /poni », je me suis rappelé ces mots sortant des babines du grand bambin couillu babolant dans son corps tournoyant, au théâtre l’autre soir, et j’ai repris au vol « C’est la toile d’Araignée pentrale / la poile onoure / d’où–ou la voile, /la plaque anale d’anavou », et j’ai lu encore «(Tu ne lui enlèves rien, dieu / parce que c’est moi. Tu ne m’as jamais rien enlevé de cet ordre. /Je l’écris ici pour la première fois, /je le trouve pour la première fois », et j’ai noté ces mots : « Je l’écris ici pour la première fois/je le trouve pour la première fois », car c’est cela même Artaud pour moi, Comme Van Gogh ou comme Louis Soutter, tous trois foudroyés à consommer tout cru à pleine langue et les dents dans la viande des mots, d’ailleurs je zappais et lisais maintenant : « On peut parler de la bonne santé mentale de Van Gogh qui, dans toute sa vie, ne s’est fait cuire qu’une main et n’a pas fait plus, pour le reste, que de se trancher une fois l’oreille gauche, dans un monde où on mage chaque jour du vagin cuit à la sauce verte ou du sexe de nouveau-né flagellé et rage, te que cueilli à sa sortie du sexe maternel ».
Je lisais ces mots écrits à l’instant pour la première fois, puisque lus comme ça pour la première fois par moi, et je pensais à la Toile, poile onoure ou pentrale peu importe, mais à l’Araignée, et je voyais Artaud dans la Toile, le sceptre levé : « La pointe extrême du mysticisme, /je la tiens maintenant dans le réel et dans mon corps, /comme un balai de cabinets », me disant : qu’est-ce que cela change ?
Qu’est-ce que cela change Internet ? J’envoie à l’instant Louis Soutter sur l’Internet, il titube, il rouspète, mais il a ses plumes et son encre chourée au bureau de poste voisin (il y a encore des postes à la poque de la poile onoure ou pentrale) et mon compère Antonin (l’autre, l’ancien comédien lui aussi devenu nécrivain) qui m’écrit des SMS ou des Mails à chaque bouquin que je lui intime de lire me répond : sûr qu’Artaud le Mômo campe sur la toile - même qu’il y a son trou noir où ces mots flamboient : « L’intelligence est venue après la sottise/laquelle l’a toujours sodomisée de près – Et après »…
Et après il y avait l’objet à la pointe extrême du regard de Van Gogh, et téléphone ou pas, il y avait la douleur à la pointe extrême du regard de Louis Soutter, et fax laser ou pas il y a ce fou d’Artaud qui dit tout et le contraire de tout mais qui le dit et le vit et ce cri échappe à toute connivence de ma part ou de la tienne, il dit au flic du Dôme qui veut le copiner : « Pas de tutoiement, ni de copinage, / Jamais avec moi,/ pas plus dans la vie que dans la pensée », et ça c’est partout qu’il le dit, il n’y a qu’à lire, l’Internet n’est rien, les machines ne baisent pas le corps, c’est le corps qui baise l’esprit et l’esprit rend gorge : « Le ciel du tableau est très bas, écrasé, violacé, comme des bas-côtés de foudre. La frange ténébreuse insolite du vide montant d’après l’éclair. Van Gogh a lâché ses corbeaux comme les microbes noirs de sa rate de suicidé à quelques centimètres du haut et comme du bas de la toile. Suivant la balafre noire de la ligne où le battement de leur plumage riche fait peser sur le rebrassement de la tempête terrestre les menaces d’une suffocation d’en-haut. Et pourtant tout le tableau est riche. Riche, somptueux et calme le tableau »…
Commentaires
J'ai posé hier la question d'Artaud et d'Internet, puis vous avez coupé mes commentaires soi-disant trop violents. J'ai manqué d'humour me dites-vous. Croyez-moi, il n'était pas question de plaisanter. Je ne retrouverai pas mes mots d'hier, ils sont perdus, mais en voici d'autres qu'aujourd'hui cette note me rappelle :
http://amainsnues.hautetfort.com/archive/2005/11/23/camp-de-la-mort.html
La parole baisant la machine, joli spectacle :
http://amainsnues.hautetfort.com/archive/2005/10/12/tod-bande.html
Pardon de vous avoir coupée. Mais je me demande, moi, ce qu'aurait pensé Artaud de l'usage que vous faites de cette image...
"alors t'es pas ancore gari
tou crois encou aux zesprits.
Jou vous dit que lo vie est malade
lo vie est très malade."
Et voilà comment je vois dans la parole d'Artaud de quoi comprendre "Le camp de la mort" et "Tod bande" ci-dessus cités, voilà comment je vois par sa parole la grande messe noire et blanche de l'internet :
"des envoûtements
d'un ordre spécial
mais
MAJEUR
qui capitalise, si je puis dire,
la vie,
qui draine toutes les forces spirituelles dans une direction telle que tout ce qui est le corps est réduit à néant
et qu'il ne reste plus qu'une certaine
vie psychique
entièrement libérée
mais si libre
que tous les phantasmes
de l'esprit,
du pur esprit
peuvent s'y donner libre cours
et que c'est là qu'a lieu
la sinistre et torrentielle expansion de la vie diluvienne et antédiluvienne
des bêtes obsessionnelles
qui est tout ce contre quoi
nous luttons
parce que l'infâme vie sexuelle est derrière les libres expansions de l'esprit
et que
c'est cela
que la consécration
et
l'élévation de la messe
ont
sans le dire
LIBÉRÉ.
Il y a une nauséabonde floculation de la vie infectieuse de l'être "
Ceci dit, je ne vous en veux pas d'avoir coupé mes commentaires, ça peut arriver. Mais vous savez pourquoi votre anonyme ami vous a demandé de le faire ? Parce que je disais la vérité, une vérité qu'il ne supporte pas. S'il avait de quoi être vraiment fier de sa pratique d'internet (puisqu'il s'assimilait à "Toto" n'est-ce pas), pourquoi ne signerait-il pas de son nom ? Sa pratique est nihiliste.
Eh oui, le diable est légion et porte tous les noms, il se multiplie pour diviser, se masque pour mentir, ça ne date pas d'hier...