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Ce rire à la folie

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(Kasperliana, 2)
L’intensité sans pareille de sa présence se ressentait par défaut quand il les avait quittés et qu’ils se retrouvaient là tout cons à se demander ce qui leur était arrivé pour qu’à l’instant ils se sentent à la fois si pleins et si vides, ils (ou elles si tu préfères), s’étaient retournés une dernière fois dans la ruelle de cette nuit-la ou n’importe où d’où il venait de disparaître, et les choses restaient là sans lui , les choses inexplicables, les choses abruties quand on ne les regarde pas vraiment, le navire de Swift qui a disparu dans la nuit libérée par son rire, et c’est d’ailleurs de cela que vous aviez parlé avec Kasperl avant qu’il ne se retire de la Grappe d’or comme il y était entré - comme en douce serait l’expression la plus exacte-, ce rire à la Swift qui fait parfois mourir tant il est plein de toute la splendeur odieuse et de la cruauté délicieuse des choses de la vie - et ce soir là précisément Kasperl leur avait rapporté ce que son occulte compère Shmuel lui avait narré à propos du garçon scié de rire à la lecture du roman de Vargas Llosa, littéralement explosé de rire quand , à la représentation de la Passion du Christ au théâtre municipal Saavedra, à La Paz , la croix se met à trembler, dont le crucifié s’exclame tout soudain « je tombe, putain je tombe! », et le rire du jeune homme se met à proliférer alentour au kibboutz de Yaad Hanna, Kasperl reprend texto les mots de son compère Shmuel, « Le rire du jeune homme, qui venait de naître dans un théâtre d’Amérique du sud, à trois mille cinq cents mètres d'altitude, deux décennies avant que la nuit n’assombrisse la cime des cyprès et des arbres de Judée du kibboiutz Kvar Avraham, ce rite universel qui rend si truculent, la peau de banane, ce cinéma muet mental de seize images par seconde, avait provoqué la plus miraculeuse des mécaniques humaines »…
Tonio riait comme on pète et Jackie pouffait, pliée, tandis que le rire gagnait toutes les tables de la Grappe d’or où la belle Camerounaise s’activait en se gondolant à son tour, et Shmuel y allait de sa lancée : «Jamais rire ne fut plus puissant, porté par le caquètement des poulets et des dindes, par le meuglement des vaches, le hurlement des chiens sauvages, porté à travers les collines desséchées du territoire de Menashé, de Jisr al-Zarqa, jusqu’aux ruines de Césarée, jusqu’à son aqueduc qui longe le sable et la mer, les eaux jaillissantes et le rougeoiement du ciel, aux confins de Sdot Yam »…
Notre rire aussi avec Bona et sa Marie Lumière, Bona qui me montrait sur son portable la maison construite de ses mains au-dessus du fleuve Congo et dont tous les ouvriers agricoles s’étaient mis à se désopiler, le rire de Bona quand il avait rencontré cet enfoiré de Tonio, le rire de Marie Lumière quand j’avais débarqué au 69 Burnaby Steet à quelque pas de la salle de musculation désaffectée – vision de boutique bombardée aux gisantes haltères couvertes de poussière – où tu pouvais rencontrer Mister Muscle Great Britain avant les années de dépression -, ce même rire dont parlait Shmuel « destiné à faire plier les puissants et abattre cent portes de forteresse, de sépulcres et de sépultures », ce même rire qui fait dévier les drones russes au-dessus des chaumières d’Ukraine, « le rire libre, gratuit, celui qui n’a d’autre ambition que d’être un orgasme de l’esprit et des boyaux, de congédier dans la volupté le réel, la tragédie, la mort et son attente angoissée ; ce rire collectif était étoilé de milliers de nuances. Une polyphonie symphonique qui possédait toutes les clés pour ouvrir la ville comme une figue mûre et sucrée. Jérusalem fut surprise dans son sommeil peuplé de rêves messianiques », etc.

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