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  • Transerelle

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    Dans le mot transerelle il y a le mot transe, mais c’est d’une ardente et pensive traversée qu’il s’agit plus que d’agitation fébrile à grand bruit. Ainsi l’eau de la nuit, le long de la pelouse se préparant au silence solitaire, juste bordée de froissements d’ailes, par delà les empierrements, et de lointains ploufs de plongeons assourdis de nettes rousses ou de foulques, reflète-t-elle, entre le bastion médiéval et l’arbre flottant, comme une portée de lignes d'une mélodie à la fois mouvante et émouvante dont émane par douces vagues une odeur de mer intérieure, et c’est une entrée messagère de passages...
     
    Image JLK: île de Mario.

  • Celles qui n'en font pas un plat

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    Celui qui reproche à sa bru de manquer de sens politique / Celle qui reproche à son beau-père de manquer d’humour matinal / Ceux qui font ça entre eux et même en famille / Celles qui en ayant vu d’autre n’y voient pas plus de mal que ça / Celui qui était dogmatique à 22 ans et en sourit à 122 ans / Celle qui n’a jamais invoqué mai 68 pour en imposer à ses nouveaux catéchumènes / Ceux qui ont fondé l’Amicale surréaliste des Libres Associations / Celles qui ont intégré la tolérance du pulsionnel dans leur pack d’estimation à vue de nez / Celui qui reproche à son mari d’être aussi vétilleux que leurs belles-mères réciproques / Celle qui fouine dans le profil Facebook de la surfeuse sexy très recherchée des followers scandinaves / Ceux qui ont tellement d’amis qu’ils n’y pensent même plus / Celles qui voyagent par procuration sur Instagram avec des échappée via Google Earth / Celui qui ne comprend pas que Graziella ne se solidarise pas avec les Ouïghours / Celle qui estime qu’il y a trop de Suédois en Thaïlande / Ceux qui descendent en Espagne retrouver leurs potes montés du Portugal / Celles qui comparent l’Europe à un vaste camping jamais en manque d’eau potable / Celui qui monte sa tente en deux minutes comme c’est annoncé dans la pub et ensuite n’arrive pas à dormir à cause de l’infidélité de Monique / Celle qui affirme que tout est relatif même Dieu si t’y réfléchis / Ceux qui ayant vu le Paradis en rêve se disent au réveil que vivre avec Pamela est grave plus cool / Ceux qui ne croivent qu’à ce qu’ils voivent / Celles qui ont des ressorts de bonté qui ne grincent (presque) jamais, etc.
     
    Gouache JLK: variations sur la grâce, etc.

  • Sweet Memories

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    Pour Sophie et Florent, avec une dernière pensée à la mémoire de Lawrence Ferlinghetti (1919-2021)

    L’avant-veille au soir j’avais écrit, sur les hauts de Nobhill où nous créchions dans une chambre kitsch à l’enseigne de l’Hôtel de France, cette espèce de balade bluesy que j’avais intitulée Young memories en m’efforçant de la dégager de tout marshmallow nostalgique; la lumière était à l’embellie de printemps et nous revenions, avec Lady L., d’une longue virée circulaire sur les eaux et par les rues, le matin jusque vers Sausalito dont le nom m’évoquait tout un folklore peace & love, à la proue d’un ferry flottant qui avait viré par-delà le pont suspendu, sous les méplats herbeux à casernes orangées du Presidio d’où étaient partis les appelés du Vietnam, et ensuite dans le fracas oscillant du tramway remontant jusqu’au quartier gay de Castro où des ados de soixante ans se bécotaient encore dans leurs barbes; et l’après-midi s’était éternisé dans le dédale étagé de la librairie City Lights à l’aura plus-mythique-tu-meurs dont le programme survivant annonçait la venue en lecture du poète juif new yorkais David Shapiro qui venait de publier en ce lieu même In memory of an Angel - et pourquoi n’y aurait-il point aujourd’hui encore d’anges à Frisco ? m’étais-je demandé dans notre Chevy de location faisant route le lendemain vers Monterey et Big Sur, autres légendes et loin des parades clinquantes d’Atlantic City et de son Ubu à prénom de canard de cartoon ?

    Ensuite la poésie rock and blues de nos jeunes années, relancée par quelques vers du centenaire Lawrence Ferlinghetti régnant toujours sur son arche de City Lights sauvée de tous les déluges, m’était revenue par bribes :
    Poets, come out of your closets,
    Open your windows, open your doors,
    You have been holed –up too long
    In your closed words,
    la poésie de toutes les déroutes nous avait escortés sous les arbres en voûte des hauts de Carmel, je nous chantonnais d’autres vers du vieux veilleur qui me ramenaient de vertes images des nouvelles de Brautigan ou des litanies de Bob Dylan,
    The world is a beautifil place to be born into
    if you don’t mind happiness
    not always being
    so very much fun
    if you don’t mind a touch of hell
    now ant then
    just when everything is fine
    because even in heaven
    They don’t sing
    all the time -
    nous montions droit au ciel vers les collines pelées au vert olive me rappelant les crêtes siennoises du côté d’Asciano, et bientôt ce serait la redescente vers les plaines vivrières à Latinos trimant dur dans les champs de tomates et d’asperges, vers San Luis Obispo, et partout s’égrenaient les noms de la conquista et les murs chaulés de blanc pur, les clochers des petites missions catholiques et apostoliques de la côte Ouest où les surfeurs plantaient leurs camps volants sous le soleil recommençant de chauffer à blanc; et maintenant, vautré sur un canapé chamarré d’un salon-bar aux ornements psychédéliques jouxtant la salle de concert de la House of blues de San Diego, j’entendais les paroles reprises par cœur par les kids des kids du temps de Woodstock: Mother do you think they’ll drop the bomb?

    Et tu croyais que t’allais, Little Boy , échapper à la tombe ? murmurais-je dans mon sofa défoncé, à lire sur mon smartphone la bio complète du Good Will, mon vieux barde de bonne volonté qui me rappelait que l’Ariel androgyne des Doors avait viré Falstaff avec les années, et tout a côté les kids des anciens kids de l’été 69 reprenaient en douce chorale les paroles répétées par cœur du to be or not to be des générations nouvelles – et pourquoi pas à la mémoire de cette gueule d’ange-là du nom de Jim Morrison ?

    °°°

    Je me serais attardé des heures, je serais resté des jours dans le dédale de City Lights, me disais-je en lisant, sur mon smartphone, la bio de Shakespeare signée Stephen Greenblatt, tandis que roulaient, tout à côté, les vagues du Tribute to Pink Floyd que déployait je ne sais quel groupe descendu de Los Angeles dont aucun membre n’avait l’âge d’avoir entendu les Doors à Woodstock à l’été 69, mais à l’instant je me sentais sans âge, à la fois proche et très loin des eaux diluées de ce rock planant d’où surgissait parfois, de loin en loin, telle ou telle mélodie qui me faisait me lever et rejoindre la compagnie - j’étais là n’y étais pas: plus je lisais Will le magnifique et plus j’abondais dans le sens de Greenblatt qui s’opposait, vertement et pièces en mains, à la version d’un Shakespeare grand lettré sans rapport avec le théâtreux jugé miteux de Stratford, je venais de me « faire » les 37 pièces enregistrées par la BBC et je sentais, je savais qu’un Shakepeare de cabinet, un Shakespeare de cour et de bibliothèque, un Shakespeare qui n’avait pas riboté et cahoté avec une troupe de cabots ne pouvait avoir fagoté ces personnages, et les reines et les rois, les gueux et les mégères et la nature surnaturelle, sans les avoir ingérés par osmose combien charnelle, et me revenaient une fois encore les mots du beatnik chenu,
    Poets, come out of your closets,
    Open your windows, open your doors,
    You have been holed –up too long
    In your closed word,
    et dans la foulée m’a ressaisi le souvenir de cet autre barde que fut Allen Ginsberg, tel jour de telle autre année, à Paris, nanti de son minuscule harmonium portatif et psalmodiant, de concert avec son compère Phil Glass, devant une foule à la fois médusée et ravie… et du coup je me rappelle que la première vision poétique est venue au beatnik Allen par cet autre barde, autre William de surcroît, que fut l’incommensurable Blake, et voici que d’un souvenir l’autre me revient que le poème Howl de Ginsberg fut primitivement édité par City Lights Books, tout de même qu’En mémoire d’un ange de David Shapiro, en anglais dans le texte, dont les douces ballades bercent la douleur de ce bas monde, et l’autre ange portier, Jim l’enivré, de murmurer en écho :
    Pardonne-moi mon père car je sais ce que je fais :
    je veux entendre le dernier poème du dernier Poète…
    Je ne sais, pour ma part, ce que disent les poèmes, mais je sais qu’eux le savent les yeux fermés.

    Et je sais que le dernier poète n’est jamais celui qu’on croit, me disais-je en nous revoyant, avec Lady L. , dans la lumière poudroyant de lyrique poussière de la librairie City Lights, et je me foutais bien que Shakespeare ne fût pas celui qu’on croyait mais un autre, comme le vieil Homère aux doigts de rose était un autre encore, me répétais-je sur le divan crevé du salon-bar de la House of Blues de San Diego où j’éclusais une énième bière dorée avec le trentenaire adoré de notre fille en fleur aînée, et les jeunes rockers endossant les vieilles peaux de Waters & Gilmour s’en donnaient à cœur joie de relancer comme pour la première fois ce qui avait été vécu et revécu, comme je relisais L’Iliade ou Le Roi Lear lus relus et relus des millions de fois par les kids de tous les âges émus ou pas, et de là-bas, de la scène enfumée de lumières me parvenait la chère rengaine me rappelant je ne sais quels vers de je ne sais quel dernier poète :

    Remember when you were young,
    you shone like the sun
    Shine on you crazy diamond,

    et les yeux fermée je me laissais bercer et me remémorais tant d’autres poèmes de derniers poètes étoilant leurs lumières sur les villes des librairies de partout, du Palimugre à Cracovie, ou de Séville à City Lights, et tel soir, par delà les années, tel kid ou sa girlie peut-être, me disais-je enfin, retrouveraient dans mes papiers cette espèce de ballade bluesy qui m’était venue cette année-là sur les hauts de Nobhill et que j’avais intitulée Young Memories :

    Nous avions vingt ans d'âge
    et le vent jeune aussi,
    la nuit au sommet de l'île
    nous décoiffait et sculptait nos visages
    de demi- dieux que partageait
    l'amoureuse hésitation,
    sans poids ni liens que nos
    ombres dansantes
    enivrées au vin de Samos,
    les dauphins surgis de l'eau claire,
    nos impatiences enlacées,
    un consul ivre sous le volcan
    et le feu du ciel par delà le dix-septième parallèle...

    Et partout, et déjà,
    défiant toute innocence,
    les damnés de la terre
    plus que jamais déniés;
    et si vaine la nostalgie
    de nos vingt ans,
    en l'insolente injonction de nos rebellions.

    C'était hier et c'est demain,
    et nos vieilles mains sur le sable
    retracent en tremblant les mots
    qui se prononcent les yeux fermés
    au secret des clairières.

     

    (À La Désirade, ce 28 août 2019)

     

    Ce texte a paru dans la revue Instinct Nomade, disponible en librairie et sur commande.

     

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  • À grand film, grand livre et demi

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    On le sait depuis quelque temps, et cela se vérifie d'un clic sur Netflix: que Le Pouvoir du chien (The Power of the dog), le nouveau film de Jane Campion, avoisine le chef-d'oeuvre avec un mise en scène et une interprétation, des images et une bande- son d'une intensité dramatique et d'une beauté extrêmes . Ce qu'on sait moins, c'est que cette merveille de sensibilité, d'intelligence psychologique et de puissance expressive est la transposition, à la fois fidèle et très elliptique, d'un extraordiaire roman de Thomas Savage, dans lequel les éléments du drame sont évidemment beaucoup plus développés, les personnages plus étoffés et l'arrière-plan historique et social plus explicite aussi. René Girard eût été saisi par cette illustration du mimétisme amoureux à double triangulation lancinante. Chapeau les cow-boys, et révérence à dame Rose...
     
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  • L’âme sœur

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    Le chef-d’œuvre « japonais » de Fredi M. Murer. (Re)déclaré plus grand film de l'histoire du cinéma helvétique par l'Académie du film suisse. À revoir et revoir sans doute.

    L’Ame sœur de Fredi M. Murer, disponible sur DVD, a été dit « le meilleur film de l’histoire du cinéma suisse », ce qui est fort possible même si son confinement dans le « cinéma suisse » me semble, pour ma part, insuffisant. Je le placerais plus volontiers, quant à moi, au nombre des chefs-d’œuvre du 7e art de l’après-guerre, toutes catégories confondues, et je me disais l’autre soir, en le revoyant, que c’était une sorte de film japonais que cet ouvrage enté sur un thème – l’inceste - de la tragédie grecque, et traité avec une radicalité absolue, du point de vue de la forme, image et verbe fondus en pure unité.
    Or rencontrant Fredi M. Murer la semaine dernière dans son antre zurichois  de la mythique Spiegelgasse, pour évoquer Vitus, son nouveau film, et lui parlant de cet aspect « japonais » de Höhenfeuer (titre original de L’âme sœur), le réalisateur m’a répondu en riant que son film avait bel et bien été perçu comme tel au Japon même, où il a rencontré un succès considérable, avant d’évoquer sa parenté avec La légende de Narayama d’Imamura…
    L’âme sœur est un grand film d’amour tragique, liant un adolescent muet et sa sœur aînée dans une famille de paysans de montagne vivant entre traditions archaïques et modernité perlée. Rien de pittoresque dans les Alpes de Murer, qui a interdit toute figuration style carte postale à son chef op’ Pio Corradi, et rien de régionaliste dans cette famille d’Helvètes alors même qu’ils s’expriment en dialecte uranais à couper au couteau. La fatalité illustrée – la pauvreté et l’endogamie – n’y a rien de dogmatique ou de littéraire non plus, mais s’incarne littéralement à la fois dans la nature sauvage et le naturel des protagonistes, dont le plus jeune reste proche des grands fonds et va retrouver à un moment donné les rituels d’une sorte de chamanisme des hautes terres.
    A cela s’ajoute un trait omniprésent dans le cinéma de Murer, à part la patte d’un grand peintre sur pellicule : une immense tendresse qui enveloppe tous les personnages, sans exception, portée jusqu’au sublime dans les dernières scènes du film où le garçon devenu père incestueux, qui a retourné l’arme de son padre padrone furieux contre celui-ci, ensevelit ses parents (la mère a été foudroyée par la mort de son conjoint) dans la neige de cet outrepart utopique d’un rêve éveillé où il est le seul à ignorer que la vie ne sera jamais possible…

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    Fredi M. Murer. L’âme sœur. DVD Impuls. En Bonus, interview du réalisateur. 
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    Extrait du Storyboard de Fredi M.Murer

  • Ceux qui restent bienveillants

     
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    Celui qui a des peluches de réserve à offrir aux méprisants / Celle qui sourit à l’injure matinale que lui crache sur le palier sa voisine cheffe de projet / Ceux qui «revisitent» les Béatitudes de Notre Seigneur / Celui qui a un cœur de biche malgré ses bracelets de force et son goût pour le Hard Métal / Celle qui gagne à être connue selon la Bible / Ceux qui ouvrent des magasins de douceurs dans les pays émergents encore marqués par la rude influence des intègres autoproclamés Seuls Justes / Celui qui donne sa langue au chat qui préférerait un doigt de porto / Celle qui peint une girafe polyphonique sur le mur du son / Ceux qu’on dit gentils faute de voir que ce sont aussi de bons goyims / Celui qui se dit open minded en dépit de sa psychorigidité / Celle qui est bien plus bonne qu’elle ne le croit elle-même / Ceux qui sont aimables et même tendres par pure paresse vu que l’agressivité fatigue, etc.