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  • Le Temps imparti

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    À propos du temps perdu à jacasser et de ce que nous maitrisons. Ce que devrait nous inspirer l'éclat de rire d'un enfant ou la douceur veloutée des oreilles de notre chien...
     
    Ce dimanche 24 janvier. - Évoquant, ce matin de beau dimanche bleu aux cimes étincelantes de neige glacée, l’éventualité de vivre mille ans, à propos de ce que prétend certaine chercheuse de l’université de Cambridge citée par Rutger Bregman selon laquelle la première personne millénaire à venir serait probablement déjà en vie, je tombe d’accord avec Lady L. sur le fait qu’à la proposition de s’y essayer nous déclinerions tous deux poliment.
    La mère de ma bonne amie a dépassé les 90 ans, et s’en trouvait bien en sa vivacité d’esprit et sa générosité bien distribuée, mais à la toute fin, les forces déclinantes de sa machine grippée l’ont incité à lâcher prise, ce qui a provoqué sa dernière chute et son ultime coma.
    De la même façon, le vieux Czapski de 95 ans, aveugle et fatigué, dit à ses amis qu’il priait Dieu de le laisser se retirer en douce, ce qui lui a été accordé pendant son sommeil par l’Être suprême bien luné.
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    FAUX DÉBAT. – Les prétendus débats relatifs à la « gestion de la pandémie » font rage, et l’incitation à une « vraie discussion » lancée sur Youtube par un certain Dr Louis Fouché plutôt sympa dans son rôle de « rassuriste », m’a intéressé hier soir le temps d’une heure à l’écouter argumenter contre les mesures prises par le gouvernement français en la matière, et à me renseigner ensuite je me suis rendu compte, avec retard, que ce brillant parleur, soutenu par le Dr Raoult et prônant la liberté des médecins traitants et le droit des patients à choisir leur traitement – rappelant dans la foulée la prise de conscience des sidéens mal conseillés en d’autre temps – avait été déjà largement loué, comme un gourou, et conspué, comme un dissident, par les uns et les autres dans ce qui n’est pas un débat mais un dialogue de sourds sur les réseaux sociaux, dans les médias et dans la rue, où tout le monde a ses raisons et ne voit chez l’autre que des torts.
    Or le bon sens de Lady L., quand je lui ai parlé de mon intérêt pour le discours de ce Fouché moins sanguinaire que le mitrailleur de Lyon, lui fait a hausser les épaules en invoquant une typique « affaire française » et poursuivre le déchiffrement d’un plan de tricot compliqué en langue anglaise.
    Sagesse de Gaïa, me suis-je dit en me rappelant que j’avais interdit à sa mère, de son vivant, de « philosopher » avant dix heures du matin dans notre maison commune de l’Impasse bien nommée, après que je lui eus filé les œuvres complètes de Sénèque…
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    PAS LE TEMPS. – À propos d’une vie transhumaine ou des vains débats en des lieux inopportuns (la discussion sur Internet ou sur les plateaux de télé me semble décidément mal barrée), ma sage bonne amie en voie de perfectionner, en complicité avec sa fille aînée, sa pratique du point de jacquard et ses multiples déclinaisons, préférée à la jacasserie mondiale, me dit qu’on n’a « pas le temps», et je surabonde au moment de me remettre au temps de la peinture et de persister à tenir mon Cher Journal comme le faisaient les dames de l’entourage de Léon Tolstoï (et le patriarche lui-même), ou le cher Amiel, ou l’irascible Paul Léautaud, mon souci étant de plus en plus de rendre compte de ce que nous vivons tous les jours à l’attention particulière de nos deux petits-fils, Anthony (quatre ans cette année) et Timothy (deux ans en juin) qui en feront ce qu’ils voudront.
     
    TRANSMETTRE. – Dans le dernier rêve de ma nuit passée, je me trouvais avec Dimitri dans le dédale de mon immense bibliothèque, lui déclarant que j’avais décidé, après l’avoir offerte gratuitement à diverses institutions - lesquelles ne m’ont même pas répondu ou fait comprendre que la place leur manquait – que j’en concluais que nul ne méritait ce cadeau massif et que, laissant à nos héritiers le soin de le conserver dans un mausolée ou un hangar à bateaux, je m’en tiendrai pour ma part à, à la façon de Fran Lebowitz, à offrir à chacune et chacun qui le désirerait et me le demanderait poliment, tel ouvrage ou telle édition plus rare, valant cent sous ou dix mille francs, à proportion de son enthousiasme amoureux – seul critère à mes yeux de bonne transmission.
    Pour sa part, Dimitri ne s’est guère occupé de transmettre sa bibliothèque de la maison sous les arbres, mais la Bibliothèque de Dimitri, nouvelle collection conçue à l’enseigne des éditions Noir sur Blanc, regroupant les meilleurs titre de son fabuleux catalogue, transmet bel et ben le meilleur des « œuvres » de notre ami.
     
    LE TOUT ET LA PARTIE. – Le charmant Théo, guitariste et chanteur de blues pacifiste dont le père neurochirurgien, Henry Perowne, domine la narration de Samedi, le roman d’Ian McEwan que je lis et annote tous les soirs avec la plus vive attention, estime non sans candeur que le détail personnel vaut mieux que la masse collective, hésitant ainsi à suivre le troupeau des manifestants se regroupant, à ce moment de l’histoire, dans les rues de Londres pour s’opposer à la participation de l’Angleterre à l’intervention en Irak, et son père hésite lui aussi mais pour un autre motif : à savoir qu’il a soigné un Irakien torturé par les sbires de Saddam et sait très précisément, pour s’être documenté, ce que représente le régime sadique de celui-ci tout en se demandant si les Occidentaux vont vraiment améliorer le sort du peuple irakien, etc.
    Or, partageant en somme cette préférence accordée à ce que nous vivons et maîtrisons aux idées générales et aux gesticulations plus ou moins narcissiques de la foule, je caresse les plus jolies oreilles de la race canine, veloutées et d’un brun profond, de notre Snoopy dormant paisiblement tandis que je savoure mon premier café du matin et que Lady L. passe en revue, sur Instagram , les diverses images de la beauté du monde, etc.
     
    Images: Philip Seelen, JLK, Robert Indermaur.

  • Que le rire sauvera le monde

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    À propos des pédophiles entrés en force au Capitole, de la sottise vaniteuse des riches et de l'envie malvenue d'un peu tous, avant le déboulé de deux bambins bons pour la joie...
     
    Ce samedi 23 janvier. - À certain(e)s des 4018 ami(es) répertorié(e)s sur mon profil Facebook qui s’inquiéteraient de me voir scotché à une série de téléréalité aussi débile que L’Empire du bling, au lieu de me concentrer, par exemple, sur les Pensées de Pascal, je réponds en citant précisément celles-ci à la page 848 de mon exemplaire en Pochotèque sous le titre de Vanité : « Qu’une chose aussi visible qu’est la vanité du monde soit si peu connue, que ce soit une chose étrange et surprenante de dire que c’est une sottise de chercher les grandeurs, cela est admirable »
    De fait je trouve « admirable », pour utiliser la même antiphrase que Pascal, qu’on ne cherche pas mieux, en l’observant et la décrivant, à discerner l’extravagante et sotte vanité du «monde» incarnée par les milliardaires asiates de la Cité des Anges, ou par les Kardashian et leurs émules russes ou arabes, par le clan Trump et autres démocrates riches à millions, qui n’a d’égale en sottise que l’envie mondialisée du Client jadis observé par le bienheureux Alexandre Vialatte, étant entendu que ladite vanité inclut les magazines de mode et les consommateurs de magazines de mode, autant dire tout le monde à des degrés divers qui salive de concupiscence à la vue en vitrine de telle parue de diamants ou de telle fourrure arrachée à l'innocente zibeline, de telle Rolex ou de telle Rolls, etc.
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    GISANTS DU MATIN. – Je constate une fois de plus ce matin, et le note mentalement, que les premiers instants de l’éveil, à peine dégagés de la scénographie magique des rêves, sont les plus poreusement ouverts aux associations d’images et d’idées fertiles, et j’en fais la remarque tout haut à Lady L. couchée à mes côtés et déjà en train de parcourir le monde au moyen de sa tablette à plus large écran que mon smartphone, éclatant soudain de rire à la vision du « meme » qui circule dans le monde entier, figurant un Bernie Sanders en mitaines devant le Cervin – mon Cervin dont j’ai entrepris la figuration picturale en 100 exemplaires.
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    Or l’entendant prononcer ce néologisme étrange de « meme », je lui demande d’en vérifier l’origine de l’usage, ce qu’elle fait aussitôt au moyen de la même tablette que je la vois manipuler avec une pointe d’envie, mais non : je dispose déjà d’un laptop Mac-pro de moyenne taille et d’un I-Mac à grand écran sur lequel je rédige tous les jours mon Cher Journal...
     
    FAIRE AVEC. – La première sentence, empruntée à M. Stéphane Montabert, qui m’est revenue ce matin à l’esprit et que j’ai répétée à haute voix à l’attention de Lady L., nous a fait rire de concert, et quel plus beau concert que celui du rire, la phrase fameuse étant : « Les pédophiles sont entrés en force au Capitole ».
    Cela aussi semble un fait insignifiant, si l’on n’y fait pas attention, alors que j’y vois, comme l’emblème de la sottise vaniteuse représentée par les Kardashian & Co, la cristallisation d’une bêtise simplificatrice millénaire dont les slogans politiques ou publicitaires saturent le nouveau langage de la tribu humaine, qu’il me paraît intéressant de répertorier et de citer plaisamment pour en rire.
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    Je répète donc à nous en tordre les çôtes: « Les pédophiles sont entrés en force au Capitole »...
    Ce n’est pas rire de cette déviation fâcheuse de la machine désirante qu’est la pédomanie prédatrice (appelée pédophilie par abus de langage) que de se gausser de cette formidable expression de la connerie ambiante (« Les pédophiles sont entrés en force au Capitole »), car rire de celle-ci est signe de santé forestière, au sens où aurait pu l’entendre ce vieux sage de Thoreau dans sa cabane du fond des bois, qui n’aurait pas moins ri des pantins lustrés de L’Empire du bling.
    Or nos bambins Anthony et Timothy vont débouler tout à l’heure à la Maison bleue dont les parquets de bois de chêne sont si propices au patinage, nous rions au nez des Autorités fédérales qui voudraient interdire aux enfants de chanter dans nos garderies (c’est noté dans l’édition de 24 heures d’hier) et là, Lady L. rentrant de sa balade matinale avec Snoopy, faut que j’aille me raser même si j'entends bien - faisant avec la pandémie - me garder d'embrasser nos choubidous de trop près, etc.

  • Plutôt que dénoncer: décrire

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    À propos de L'Empire du bling, virée par Netflix chez les milliardaires chinois de Californie, et de l'idéologue franco-suisse ultra droitier Stéphane Montabert célébrant Trump et le mouvement Q-Anon...
     
    À la Maison bleue, ce vendredi 22 janvier. – Une irrépressible envie de sortir mon revolver m’est venue à deux reprises, hier, d’abord en découvrant, lancé sur mon vélo d'appartement pour mes dix kilomètres quotidiens d’exercice, le premier des huit épisodes de L’Empire du bling, série consacrée à l’humble vie quotidienne des (plus ou moins) jeunes milliardaires chinois de Los Angeles, et ensuite à la lecture, sur le site de l’ultradroite romande Observateurs.ch, des divers propos d’un Monsieur Stéphane Montabert, sévissant aussi parmi les blogueurs de 24 Heures, où l’élection de Joe Biden est assimilée à un coup d’État, tout à fait dans la ligne des complotistes à la sauce de Q-Anon, n’en finissant par ailleurs d’injurier mes chers confrères journalistes en ses envolées verbales; et puis non : je me suis dit qu’au lieu des armes prisées par ces lugubres zombies je me contenterais de décrire ceux-ci et de citer texto leur jactance.
     
    COMME TCHEKHOV. – Je m’en suis fait une éthique personnelle, que j’oppose à la pratique pléthorique et quasi obsessionnelle de la dénonciation vertueuse de gauche (Mediapart) autant que de droite (Contrepoints ou Boulevard Voltaire), sans parler du nouveau tribunal populacier des médias multiples et des réseaux sociaux : décrire les faits et citer les dits avec précision, en laissant la conclusion à chacune et chacun.
    Mon ami Anton Pavlovitch Tchekhov avait montré l’exemple au temps des prêcheurs pacifistes à la Tolstoï et des flagellants orthodoxes à la Dostoïevski : si tu es écrivain et qu’il te chante de décrire des voleurs de chevaux, nul besoin à la fin, si tu as vraiment fait le job, de dire qu’il est mal de chourer des canassons. J’ai développé cette thématique dans le cinquième chapitre de mon dernier libelle, Nous sommes tous des zombies sympas, intitulé Nous sommes tous des délateurs éthiques, et comprenne qui voudra bien.
     
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    L’OBSCÉNITE PORNO CHIC. – En huit épisodes à valeur de roman-photo glamour convoquant une vingtaine de zombies asiatiques zonant entre les villas de Bel-Air (à droite en montant depuis Sunset Boulevard) et les suites présidentielles de Los Angeles ou de Vegas et même Paris (France, pas Texas), L’Empire du bling m’aurait paru, en mes vingt ans plutôt gauchistes, l’abomination de la désolation.
    Découvrir, avec le mannequin-gigolo Kevin, qu’une paire de pompes que lui offre son amie Anne, héritière de marchand d’armes, est griffée Dior et vaut plus de 2000 dollars, ou que Kane la jolie frappe milliardaire de Singapour, se paie sans moufter une soupe aux produits de la mer hyper-rares à hauteur de 15.000 dollars le sachet, m’aurait fait gerber et déplorer, en petit rebelle moralisant que j’étais , mais aujourd’hui plus du tout et pas par cynisme mais par souci d’exactitude pour ainsi dire ethnologique.
    Je vais donc sortir l’un de mes sept carnets à motifs d’éléphants (cadeaux de notre fille benjamine à chacun des ses retours d’Asie lointaine) et noter très précisément tout ce qui, dans L’Empire du bling, ressortit à telle anthologie du toc de luxe le plus caractérisé (jusqu’à ce crucifix signé Chanel) et, pour les dits et comportements, de la plus clinquante vulgarité.
     
    CONTRE LA CENSURE. - Un article tout récent signé Stéphane Montabert, paru conjointement sur le site Observateurs.ch et sur son blog perso hébergé par 24 Heures, et que j’ai trouvé intéressant de copier/coller sur mon profil de Facebook, a été illico censuré pour inadéquation avec les codes de la plateforme, et je le déplore.
    Je ne vais pas faire le vertueux à l’envers : il m’est arrivé, aussi, de virer des commentaires de mon profil, que j’estimais injurieux pour des tiers (récemment encore, à propos de l’avocat Marc Bonnant dont le seul énoncé du nom viole certaines bonnes consciences), mais s’agissant des propos, même contestables, d’un idéologue du néolibéralisme présidant la section locale d’un parti gouvernemental (l’UDC de Renens, en région lausannoise), je désapprouve pour le même motif que je désapprouve la censure de Mein Kampf ou du charmant Lolita de Vladimir Nabokov.
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    Je trouve au contraire utile, sinon agréable, de citer M. Montabert dans le texte, et voici par exemple ce que je lisais hier sur ses deux supports principaux : « Aujourd'hui, Joe Biden vient de prêter serment au Capitole, démontrant qu'en 2021, aux États-Unis, il est possible de voler une élection présidentielle grâce à la fraude électorale, et de devenir Président dans la foulée ».
    Or n’est-ce pas son droit d’écrire cela, comme d’autres prétendent que la terre est plate sans être censurés ?
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    Je note ensuite le fait que M. Montabert taxe les défenseurs de l’élection de « négationnistes » ou Joe Biden de «vieillard sénile», classant ses partisans « gauchistes » qui jubilent aujourd’hui en deux clans : ceux qui haïssent l'Amérique et qui n'y vivent pas, et ceux qui haïssent l'Amérique et qui y vivent », avant de célébrer les quatre ans de Trump marqués par des «records boursiers, la baisse des impôts et la hausse des petits salaires, la fin du matraquage climatique et l’indépendance énergétique », constituant, je note, « une éclaircie entre deux nuages de tempête ».
    Je note ceci encore : « Mark Zuckerberg, patron de Facebook, postait en 2016 depuis l'île pédophile de Jeffrey Epstein. » Et M. Montabert d’en conclure: « Les pédophiles sont entrés en force au Capitole ».
    Puis, à propos de la censure exercée par Facebook, que je désapprouve en ce qui concerne M. Montabert, je note que le réseau social Parler, concurrent de Twitter, et « respectant, la liberté d'expression» selon M. Montabert, a été lui aussi censuré « au point que nos confrères romands du Matin jubilent: Parler serait "utilisé par l'extrême droite... »
    Enfin de conclure ceci que je me fais un devoir citoyen, comme on dit, de noter : « Donc suivant le même raisonnement des gens d'extrême- droite lisant Le Matin, ce journal doit être interdit. Mais ce qui tient lieu de journalistes en Romandie n'est même pas capable de penser aussi loin »…
    Pour ma part, n’ayant jamais été, pendant plus de 20 ans à l'enseigne du grand quotidien local 24 Heures, qu’une espèce de chroniqueur mondain ès littérature et arts variés, mais sûrement pas un journaliste à la hauteur des exigences de M. Stéphane Montabert, libéral français naturalisé suisse, collaborateur pléthorique de la Revue militaire suisse et laudateur du mouvement conspirationniste Q-Anon, je me borne à noter…

  • La chair innocente

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    Le murmure des dieux, film-choc de Tatsushi Omori

    On voit d’abord des buffles cheminant lentement dans la neige, puis le regard se perd dans le poudroiement céleste des flocons évoquant autant de minuscules pétales, sur quoi l’écran se remplit de deux personnages assis côte à côte, un prêtre en soutane et lisant son bréviaire à haute voix tandis qu’un jeune homme à l’air grave le masturbe avec application.

    Cinéma,littérature
    Ainsi commence The whispering of Gods, premier long métrage du réalisateur japonais Tatsushi Omori présenté à Locarno en 2006 avec les précautions d’usage : « Le film comporte des images qui peuvent heurter la sensibilité de certains spectateurs », etc.
    Si « rien » n’y est réellement exhibé, cet aperçu des pratiques sexuelles sévissant dans un monastère catholique de campagne, dont le recteur abuse régulièrement des novices pour finir par se faire sucer par un chien, peut en effet choquer par la brutale crudité de situations extrêmes, mais son propos est loin d’être gratuit, qui « travaille » la perversité liée à l’obsession sexuelle entretenue par l’interdit, entre pédérastie et viol de vierges.
    Tiré d’une nouvelle de Mangetsu Hanamura, le film développe la figure centrale de Rou (magistralement interprété par Hirofumi Arai), jeune homme qui revient au monastère après avoir commis un double meurtre gratuit, qu’il confesse au supérieur du couvent en espérant que celui-ci, saint homme qui l’a toujours considéré comme un enfant « élu » sans savoir ce qu’il subissait en ces murs, reconnaisse l’énormité de son péché. Confronté au déni du pardon, l’adolescent va pousser, à travers le viol d’une religieuse du couvent, et jusqu’aux confins de ce que les théologiens tiennent pour le péché mortel par excellence, à savoir le péché contre l’esprit, son exploration du mal au terme de laquelle il ne trouve à vrai dire que l’amour, au cours d’une scène de fellation absolument « innocente», à l’opposé de toutes celles qui lui ont été imposées de force, se déroulant au milieu d’une batterie de poules affolées.

    Cinéma,littérature
    D’une intensité poétique lancinante, jouant sur le contraste entre la saleté morale et la pureté des corps, ce film est à la fois dérangeant et passionnant par sa façon d’illustrer, par delà toute perversion, l’amour réellement incarné, luisant comme le « brin de paille » de Verlaine au milieu de l’ordure.

    Cinéma,littérature

  • Le gamin

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    À propos de la mort apparemment absurde d’un garçon de dix-neuf ans, ce dernier dimanche au temps super. Des normes de sécurité et ce qu’on en fait pour le fun...
     
    Ce mardi 19 janvier.- Je me suis réveillé ce matin en pensant au gamin, comme je l’appelais hier soir en parlant de sa connerie avec Lady L. Elle m’avait évoqué la première l’avalanche survenue ce dimanche à peu près mille mètres au-dessus de notre balcon lacustre, citant la piste du Diable qu’il m’est arrivé de dévaler naguère, sur quoi je me suis renseigné plus précisément pour apprendre que quatre jeunes skieurs sauvages, ce magnifique dernier dimanche, ont été soufflés par une avalanche de neige fraîche à l’aplomb des rochers de Naye, dans un entonnoir vertigineux où ils s’étaient risqués au mépris des prescriptions claires répétées ces derniers jours par les instances responsables de la sécurité en montagne, et c’est ainsi que le gamin s’est retrouvé enseveli sous plusieurs mètres de neige dont les sauveteurs l’ont finalement arraché pour le transporter en hélico à l’hôpital où il a succombé à ses blessures en cet affreux dimanche dont ses parents et ses potes survivants ne se remettront probablement jamais malgré le temps censé guérir toutes les blessures, etc.
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    HORS NORMES.- Mourir comme ça pour le fun relève de la connerie pure à pleurer, et j’ai bel et bien réprimé hier soir un bref sanglot en me figurant la fin atroce de ce gamin étouffé et fracassé, tout comme, un autre dimanche super où nous devions partir ensemble, mon ami Reynald s’est disloqué dans les séracs du Dolent bien nommé après qu’il se fut risqué tout seul sur la dernière pente glaciaire de la paroi jetant ses feux glorieux sous le soleil dominical - petits cons dérogeant aux sacro-saintes normes élémentaires de sécurité, non mais tu percutes ?!
    Et comment que je « percute » , pour parler le volapük des kids, même si j’ai toujours été plus regardant en matière de normes de sécurité que nos malheureux lascars, mais quoi de plus normal que de se fiche des normes à dix-neuf ans, surtout en période d’obsession sanitaire et sécuritaire généralisée ?
     
    ET APRÈS ? - Le gamin ne saura jamais ce qui l’attendait, qui nous attend . Tu crois que le vaccin va nous sauver ? Vous pensiez crânement que la pente tiendrait, mais le défi et le déni sont soumis aux même lois de la gravitation en temps idéal que sous l’orage ou la guerre des mondes, et demain reste incertain, pauvres gamins que nous sommes...
     
    Images: Peinture JLK, Rochers de Naye, Reynald au Mont-Rose, Mont Dolent

  • Éloge de la douceur

     
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    À propos de l'inévitable révolution à venir, à l'enseigne du "changer la vie" de Rimbaud, qui se fera tout tranquillement par les bonnes gens découvrant la vie belle...
    Ce lundi 18 janvier. – L’insomnie m’a inspiré cette fin de nuit, entre quatre et six heures du matin, une réflexion quelque peu délirante sur le thème à la fois vague et précis du fameux «changer la vie » de Rimbaud, qui se ferait non par la force ou la contrainte mais par la douceur et réellement profitable à tous et à tous égards, sur quoi m’est venue, avant de retrouver le sommeil et un rêve plus fou que ma rêverie (j’étais au sommet d’une montagne en compagnie d’un samouraï), une espèce de poème noté fissa en sept minutes, que j’ai intitulé Au doux parler.
     
    CRISTAL DU SONGE. – Je n’aime pas parler de « poèmes » à propos de mes bouts rimés, et j’exclus tout commentaire lorsque je les publie sur Internet, comme il en irait d’objets trouvés sur une grève qu’il serait à mes yeux déplacé de qualifier de « bons » ou de « mauvais », pas plus qu’il n’est sensé de critiquer un tesson en bien ou en mal.
    Il est vrai que je compte les pieds de mes vers, mais c’est juste affaire de rythme et de sonorité, l’apparition du premier et l’enchaînement de ceux qui suivent relevant plus de l’instinct verbal ou du subconscient que de l’artefact, mais il en va à mes yeux de la poésie comme de la pensée, qui découlent, comme le disait le disgracieux Paul Verlaine au verbe (parfois) de pur cristal, «de la musique avant toute chose», et cela rejoint le Rimbaud des Illuminations qui me touche (parfois) au plus profond pour je ne sais quelle raison.
    Donc voilà pour ma « musique » de ce matin :
     
    Au doux parler
    Le style nouveau de la douceur,
    le fameux dolce stil;
    si dice: dolce stil nuovo,
    rétablit la valeur
    de la douce chanson des mots...
    À l’insane jactance en cours,
    au discours des chaos,
    le style subtil au jour le jour
    oppose l’harmonie
    labile des oiseaux...
    Tu es telle mon hirondelle,
    dans le torrent des airs,
    en joyeux tourbillons,
    que les vers en ribambelles
    à leur tour jailliront ...
    Au fond du ciel est un mobile
    secret et radieux,
    dont la grâce efface la trace,
    tout au plaisir présent
    d’un murmure volubile...
     
    CONTRE PASCAL. – En toute modestie quasi onirique, non moins qu’enfantine, je me disais ce matin, entre deux sommeils, que l’Éloge de la douceur auquel j’aimerais me consacrer en mes derniers temps impartis serait un recueil de notations pratiques, politiques ou poétiques qui prendraient en somme le contrepied des Pensées de Pascal que je suis en train de relire, plaidant - contre toute apparence -, pour la bonté fondamentale de la créature humaine moyenne, la restauration d’une confiance universelle en celle-ci (moyennant son propre effort de changer de vie) et le décri de la théologie exaltant les bienfaits de la douleur et les méfaits d’un Dieu mauvais.
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    Tout sublime qu’il soit en sa langue de colombe à fiel verbal de vipère, Pascal me semble en effet d’une dureté à côté de laquelle un Voltaire fait figure d’aimable compagnon, même si je déclinerais l’offre de passer mes vacances avec l’un ou l’autre, ou à la rigueur aux eaux avec Voltaire, mais à distance.
    À vrai dire il y a de l’ayatollah chez Pascal, qui dit à peu près ce que proclament les fanatiques d’un Allah janséniste : que le monde est immonde et que plus on le hait et plus on est digne d’être aimé et sauvé - ce genre d’insanités…
     
    DE BONS CONSEILS. – Or c’est tout en douceur que j’envisage ma révolution mondiale, patiemment adaptée à toutes les populations et peuplades, et sans contrainte aucune, en rupture totale de persuasion clandestine, cartes sur table et chiffres à l’appui, en conseillant d’abord à chacune et chacun d’évaluer ce qui ne va pas dans sa vie et, à supposer que ce soit le cas, pourquoi et comment en changer dans la mesure de ses possibilités et en aimable connivence avec son proche entourage et ses voisins de palier; et sans tarder passer à l’action, agir en conséquence, changer de job s’il ne te plaît pas vraiment, changer d’époux s’il te bat, te changer toi-même si tu bats tes enfants, ainsi pour commencer et ensuite continuer en ne faisant que se conformer à ce qu’il y a en chacune et chacun de bon qu’on feignait jusque-là d’ignorer, poil au nez.
     
    Peinture: Thierry Vernet. PP LK/JLK.