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Le Grand Tour

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37. Souriez, vous êtes en Tunisie…
 
Le jour s'est levé ce matin sur un décor himalayen de neige ourlée et de nuances de gris soyeux sur fond de camaïeu bleu- noir, après quoi les tendres adieux à Lady L. sur le quai Ouest, le tagadam feutré du train, le retard de l'avion passé à relire Pensées sous les nuages de Philippe Jaccottet, et le ciel, et la mer, et la nuit, les étoiles en dessus de Carthage et le retour terre à terre de l'interminable piétinement au Contrôle policier, m'ont ramené, trois ans après les folles espérances et les désillusions, en ces lieux où m'attendait, déjà furieux de ce que le contretemps ait ruiné notre projet de soirée avec son frère devenu ministre, mon ami Rafik le scribe vitupérant ensuite en crescendo - de quoi me réjouir vraiment !
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De fait, la colère de Rafik Ben Salah me plaît, tant elle exprime la bonne rage de qui refuse l'inacceptable. Or, lui qui m'annonçait il y a peu de temps encore « quelque chose en train de changer », lui qui a poussé son frère à accepter le poste de ministre qu'on lui proposait, lui qui est revenu au pays après des années plombées par la dictature, m'accueille en déployant un tableau des plus accablants tandis que, sur la route du centre ville, des chauffards nous dépassent de tous les côtés comme pour justifier son ire !
« Tu vois ces flics: ce seront les premiers à griller le prochain feu rouge ! Et quand des islamistes parquent n'importe où au pourtour d'une mosquée, pas une contravention ! C'est le bordel ! Sauf qu'un bordel est mieux tenu ! »
Et d'aligner les griefs visant la dégradation générale des comportements, la muflerie croissante, le manque d'éducation de ses lycéens (les quinze qui daignent venir en classe sur une soixantaine d'inscrits) auxquels il doit interdire de manger pendant le cours, ou cette récente descente de police visant un centre culturel de Carthage, après les flambées de violence entretenues par les salafistes dans le sanctuaire lettré de la Manouba, transformée en Manoubistan.
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Et Rafik le mécréant, devant un bon verre de Magon rouge sang de buffle, de répéter une fois de plus que son pays ne pourra jamais se développer sans s'affranchir du joug de la religion.
« Tout le monde, dans ce pays, fait semblant ! », me disait Rafik hier soir au bar de l’hôtel El Hana International où ma bonne amie m'a retenu une vaste carrée à cinquante euros la nuit.
Mais voici qu'après un petit-dèje à l'arabe dans une vaste salle bruissante de djellabas et de voiles ne faisant pas semblant de ne pas être musulmans - pas un Roumi dans le périmètre -, je me retrouve à une terrasse de l'avenue Bourguiba à lire, au soleil quasi printanier, les Chroniques du Manoubistan du prof Habib Mellakh, pêchées à la librairie El Katib où foisonnent les livres de toutes tendances - et dans la foulée j'ai emporté le pamphlet d'Adnan Limam balançant ses cinq vérités au parti islamiste Ennahda supposé faire le jeu du sionisme et des Américains, au même titre que les Frères musulmans, et ce roman plus avenant d'Habib Selmi dont je compte bien m'inspirer de l'intitulé: Souriez, vous êtes en Tunisie !

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