Monuments naturels,etc. – C’est entendu, les gorges vertigineuses au fond desquelles serpente l’ancien chemin muletier de la Via Mala ont quelque chose de saisissant, et l’imagination y ajoute si l’on se rappelle les anciens récits de voyageurs traversant les Alpes par ces sinistres défilés propices à tous les traquenards, mais bon : la horde des visiteurs affluant en cette fin de matinée aux lieux nouvellement équipés de kiosques et buvettes, entre autres ascenseurs nickelés et passerelles dernier cri, ne pouvait que me faire décamper vers les cols et, plus précisément en l’occurrence, vers l’Albula aux décors wagnériens à ronflantes bandes de motards se la jouant équipée sauvage…
Stress et grands espaces. - Trois sortes de bandes sont en effet à redouter le long des routes plus ou moins étroites des cols helvétiques, à savoir : les motards, les frimeurs à voitures de collection et les vélocipédistes groupés en essoufflés essaims.
Or la montée à l’Albula, côté vallée du Rhin, est d’une étroitesse et d’une sinuosité telles que, sous la constante pression nerveuse des dépassements intempestifs des uns ou des déploiements en danseuse des autres, le parcours en devient réellement stressant – ce qui est un comble dans un environnement d’une telle revigorante sauvagerie.
Comme il en va de nos plus hauts cols, du Klausen au Nufenen, l’Albula déploie en effet un décor de grands espaces sommés de créneaux de roche où s’accrochent des lambeaux de brouillards, tandis que le regard se perd, de part et d’autres de la longue prairie de passage longtemps enneigée, vers de majestueux arrière-plans d’autre montagnes et vallées.
Aux marches du Sud. - Passés les hauts gazons pelés de l’Albula rappelant d'autres déserts et sierras d’altitude, la descente vers l’Engadine est ensuite d’une détente parfaite, d’emblée annoncée par la présence de très placides ruminants cheminant paisiblement au milieu de la route, au dam des impatients. Et qu'ils klaxonnent ! Et qu'on les emmerde ou qu'on les encorne !
Du coup l’on sourit en pensant aux interminables files de voitures immobilisées au portail sud du tunnel routier du Gothard, ainsi que le rappelle à tout moment la radio de bord, puis l’on se laisse tranquillement aller sur la route enfin bien large et bien souple descendant en élégantes courbes jusqu’à la pelouse de vaste golf de la douce Engadine...