
Ce que c'est qu'être écrivain
à la manière de JLK
par Daniel de Roulet
Ceux qui veulent être pris au mot, mais bégaient dans un micro quand il ne s’agit pourtant que de répondre: oui ou non êtes-vous un écrivain? / Celles qui sortent leur carnet de notes pour un oui, pour un non, pour retenir l’instant / Ceux qui cherchent l’expression juste pendant toute une journée, mais qui, une fois qu’ils l’ont trouvée, décident de s’en passer / Celles qui ne peuvent se passer d’égratigner la syntaxe, tordre le cou à la grammaire pour n’aligner enfin qu’un peu de poésie / Ceux qui se moquent de la grande Histoire, n’ont pas vu les tours de Manhattan tomber, mais font toute une histoire de leur chat qui n’est pas rentré ce soir / Celles pour qui Heidi n’est pas une héroïne dont les Japonais visitent le chalet, mais l’invention d’une écrivaine dépressive entourée de fous qui a su s’extraire de la mélancolie grâce à un personnage / Ceux qui disent non aux personnages pour mieux s’inventer de petites aventures consolatrices / Celles qui sont inconsolables mais gaies, parce qu’il suffit de quelques phrases réussies pour éclairer leur journée / Ceux qui dans la nuit noire se lèvent pour écrire deux lignes qui ouvrent les yeux sur le rien du monde / Ceux qui noircissent des milliers de pages pour ne garder qu’un paragraphe / Ceux qu’on prie d’écrire «au nom de» et qui écriront «contre» parce qu’ils ne sont bons qu’à ça / Celles qui bousillent leur vie sous prétexte de littérature sans publier jamais / Ceux qui brûlent les planches en même temps que d’un amour incandescent, sans parler de ceux qui brûlent un chalet et s’étonnent d’être exposés au feu....de la critique / Celles qui tombent amoureuses de leur psychanalyste, mais prétendent se passer des hommes / Ceux qui se passent d’argent, mais jalousent leur collègue qui a vendu cent exemplaires de plus / Celles qui se passent de lire la critique, mais sont fâchées pour toujours à cause d’une petite phrase assassine qui leur est destinée / Ceux qui se croient bohèmes, crachent dans le caniveau en champions du tout à l’ego / Celles qui vendent leur intimité pour avoir leur photo assises devant un ordinateur sous le portrait de Proust / Celles qui méprisent les journalistes parce qu’ils ne savent pas laisser refroidir leur matière, jusqu’au jour où elles leur empruntent un fait divers pour en faire un récit bouleversant / Celles qui savent tenir leur langue mais pas leur plume parce qu’elles s’écoutent écrire / Ceux qui voyagent, mais refusent de se dire voyageurs: appelez-moi écrivain tout court, c’est tout ça de gagné / Ceux qui crachent sur la Constitution, mais auraient été flattés d’en rédiger au moins le préambule /Celles qui notent dans leur journal intime des méchancetés sur leur pays, espérant qu’un jour on baptise une avenue à leur nom parce qu’elles étaient visionnaires / Ceux qui sont aujourd’hui engagés, demain dégagés, parce qu’ils se perdent dans le fouillis d’une langue qu’ils font mine d’avoir choisie / Ceux qui voudraient parler de mondialité et que leur bonne amie renvoie à leurs petits souliers ranger la vaisselle, nom d’une pipe / Ceux qui aiment Rousseau, Amiel, Bouvier et croient leur faire plaisir en racontant qu’ils ont eux aussi un problème avec maman / Ceux qui, après vingt-cinq livres, doutent désormais de leur qualité d’écrivain, alors qu’après leur premier opuscule ils se croyaient dignes de figurer dans toutes les anthologies du pays / Celles qui croient aux personnages qu’elles inventent au point de les invoquer parfois dans leur désespoir / Ceux qui n’aiment pas les universitaires, mais aiment être invités à l’université / Celles qui n’ont pas besoin d’être hétérosexuelles pour bien parler d’amour ni kosovares pour parler d’identité / Celles qui paniquent face à la blancheur de l’écran tandis que l’autre crache mille pages en sept semaines sans jamais se relire et que l’autre encore puise dans ses fonds de tiroir / Ceux qui se demandent d’où viennent les enfants où s’en vont les mourants et qui n’ont pour réponse qu’un roman sur lequel ils peinent / Et puis celle qui, à chacun de ses livres, ne parle que de son mari jusqu’à ce qu’elle en change / Celui qui a reçu le prix Interallié, excusez du peu / Celle qui admire Alexandre Dumas derrière ses lunettes à bord blanc, Celui enfin qui ressemble à un papillon bleu accroché au-dessus de Montreux, à qui j’emprunte sa manière de raconter ses doutes / Que tous ceux-là - parrains et poulains, et tant d’autres écrivaines, écrivains - me permettent de dire le privilège que nous avons d’exercer un des plus beaux métiers du monde.
Daniel de Roulet


Puis apparaît une comtesse Sidonie qui défend le mariage acclimaté par lâcher réciproque de lest, au dam de Petra qui veut de la passion pure. Laquelle lui arrive, par Sidonie, avec l'arrivée de Karin, belle et bonne fille bien en chair tout auréolée de blondeur, du surcroît silhouettée pour des modèles, dont illico Petra s'entiche. Débarquant d'Australie, séparée momentanément de son mari, Karin, dans la vingtaine et de souche popu, se chercher un job sans trop de moyens pour y prétendre. Ce qui arrange l'affaire immédiate de Petra, tout de suite avide de privautés exclusives moyennant mécénat et promesses de gloire en Top Model, au point que Karin, tendre au naturelle et pas trop compliquée, consent pour un temps au pelotage.
Ce qui intéresse Fassbinder est évidemment la fragilité de Petra, qui se retrouve seule à la toute fin, délaissée même par Marlene à laquelle elle a proposé une sorte d'affranchissement d'égale à égale, dont la soumise ne veut point. Fais-moi mal ou je me tire... 




Revisiter Cendrars aujourd’hui, c’est en somme refaire le parcours du terrible XXe siècle, du Big Bazar de l’Exposition Universelle à la Grande Guerre où il perdra sa main droite (son extraordinaire récit de J’ai tué devrait être lu par tout écolier de ce temps), ou des espoirs fous de la Révolution russe (que Freddie voit éclore à seize ans à Saint-Pétersbourg), ou des avant-garde artistiques auxquelles il participe à la fois comme poète, éditeur, acteur et metteur en scène de cinéma, reporter et romancier, à toutes les curiosités et tous les voyages brassés par le maelstom de son œuvre.
Cendrars au boulevard des allongés ? Foutaise : ouvrez n’importe lequel de ses livres et laissez vous emmener au bout du monde !