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Du racisme ordinaire

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À propos de Tous les autres s'appellent Ali, de Rainer Werner Fassbinder

Tous ceux que dégoûte viscéralement et moralement le racisme ordinaire, à commencer par celui que chacun porte naturellement et culturellement en lui, seront touchés par ce film dans lequel Fassbinder se donne le pire rôle du sale con nullache et bougnoulophobe par veulerie compulsive.

Pas bien belle et un peu grosse, le faciès assez patate ridée et la taille lourde de la cinquantaine éprouvée par son veuvage (le mari était Polac et lui a légué son nom peu boche) et trois enfants adultes, Emmi, réfugiée de la pluie un soir dans un restau popu, se lie en un rien de temps, couche la même nuit par tendre affinité, et se marie bientôt avec un grand Marocain au nom long comme un jour sans couscous, qui se présente en Ali pour faire court.
Comme on s'en doute, les voisines d'Emmi, autant que les femmes de ménage qui bossent dans la même entreprise, commencent par l'ostraciser, imitées par l'épicier d'en face; mais les pires vexations, jusqu'aux injures et aux coups (un coup de pied de son fils dans la télé) que doit subir Emmi viennent de ses tout proches, lors de la présentation calamiteuse qu'elle fait d'Ali à ses enfants, dont pas un ne serre la main ni ne sourit à l'"intrus". Autant dire qu'on s'attend à ce que tout finisse en catastrophe, et pourtant non: Fassbinder est un réaliste et point du tout un idéologue à démonstrations préétablies, et la vie nous réserve toujours des surprises.
Bien entendu, la vie de ce couple atypique ne baigne pas dans l'huile. Emmi n'a pas envie de se mettre au couscous, et Ali ressent parfois quelque élancement bestial qui le font revenir deux ou trois fois à la blonde tenancière du restau. Tout ça pour dire que le trait, même accusé, n'exclut pas les nuances et moins encore un fonds de tendresse propre à RWF.

On est en outre estomaqué de constater que, la même année 1974, Fassbinder ait pu enchaîner le tchékhovien Effi Briest - où il est aussi question cependant des vicissitudes vécues par une femme en milieu bourgeois - et ce tableau du racisme ordinaire dans l'Allemagne des années 60-70 qui vaut tout à fait, par ailleurs, pour la Suisse de la même époque et trouve, aujourd'hui, de nouveaux échos "par chez nous"...
Une fois de plus, enfin, on relèvera la position très particulière, à la fois directe, voire agressive, et non moins nuancée, tenue par RWF face à un aspect de la misère sociale et morale de notre époque. Plus que l'indignation vertueuse de tant de militants de la Bonne Cause, c'est la rage lucide et fraternelle qui domine ici, incarnée par des personnages dont aucun, jusqu'aux plus obtus ou mesquins, n'est "condamné".


Last but not least: on se doit de relever la formidable prestation d'actrice de Brigitte Mira, dans le rôle d'Emmi, autant que la présence intense et vibrante d'El Hedi Ben Salem, autre comédien "fétiche" de RWF.

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