3. L'époque est aux ados prolongés plus ou moins à perpète, qui se reconnaissent plus ou moins à leurs jeans et à leurs bleus au coeur ou aux musiques qui n'en finissent pas de tourner en boucle depuis les sixties. Or il y a encore de l'enfance dans cette adolescence prolongée aux rites tribaux et aux fétichismes persistants, de l'enfance chaste comme on la trouve chez Flynn qui voit une de ses plus belles nuits d'amour dans une étreinte évoquant celle de "deux gamins sous une tente qui aimeraient chuchoter jusqu'à l'aube en construisant le monde, mais qui s'endorment bien avant tant ils sont épuisés par un bonheur qui n'en demandait pas tant".
Les enfants aiment gravement, qui ne voient pas encore les nuances du tableau ni ne sont en mesure de relativiser leur peine, et les mots de cet âge reviennent au poète, quitte pour lui à en corser la candeur sinon à jouer l'ingénuité . "Tous ces textes que j'écris", avoue Flynn, "je les écrits pour que tu te dises merde le salaud, il m'aimait vraiment, mais aussi un peu égoïstement"...
Ensuite la conscience et l'épreuve du temps nous feront passer de la comptine à la ballade ou au blues - aux récits de la mélancolie et aux imaginations, et c'est là par exemple qu'on se figure ce que la vie aurait pu être sans ce fiasco, l'enfant qu'on aurait peut-être eu ensemble ou va savoir: ce chalet "boîte à musique ornée d'une ballerine virevoltant à l'intérieur d'un monde de velours".
"Quelle douleur l'amour !
j'ai vu un tas de types se réduire comme des mouches d'hiver, comme des flacons fêlés, comme des chewing-gums mâchés", s'exclamait Edoardo Sanguinetti dans ses Postkarten dont je me suis rappelé les collages d'une conception formelle assez proche de celle de Fiasco FM, à quarante ans d'intervalle ou encore évoquant d'autres cristallisations poétiques ou musicales (on pense au Dylan desChronicles ou au Gainsbourg d'Initials B.B.), avec des trouvailles à chaque page. Signé Flynn: "C'était juste une clé, et pendant quelques semaines la serrure de ma porte a cru que, mais non"...
On se rappelle aussi la litanie hyperréaliste de Je mange un oeuf de Nicolas Pages, ici en bien plus tendre et inventif, ou les piécettes quotidiennes de Marius Daniel Popescu, mais Flynn Maria Bergmann a sa propre musique nonpareille et ses rythmes, ses métaphores et ses obscurités ludiques, sa façon rien qu'à lui de se glisser, furet du bois joli, d'un plan de son film à l'autre...
Flynn Maria Bergmann. Fiasco FM, art & fiction.