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Inferno en chambre

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À propos de La Force de tuer, de Lars Norén, à voir à Vidy dans la mise en scène de Philippe Lüscher.

Le théâtre de Lars Norén est sans doute, aujourd'hui, le capteur et le réflecteur le plus sensible et le plus significatif des petits et grands séismes qui secouent la société occidentale. De l'inferno en chambre du Droit de tuer (1979) aux espaces urbains éclatés de Catégorie 30.1 (1997), en passant par la vertigineuse tragédie familiale de Sang (1994) ou la vision dévastée de Guerre (2003), le médium suédois des névroses et des pyschoses, de toutes les peurs et de toutes les rages de l'individu contemporain ne cesse de nous ramener où "ça fait mal" dans le théâtre quotidien du monde actuel comme il va et surtout ne va pas.

On peut voir ces jours, en la salle René Gonzalez du théâtre de Vidy, une nouvelle version signée Philippe Lüscher d'une pièce assez ancienne de Lars Norén, Le droit de tuer, qui n'a rien perdu de son impact émotionnel même si son arrière-plan psychologique très "freudien" schématise un peu les relations liant les trois personnages de la pièce, comme c'est aussi le cas dans Sang.

Norén06.pngLa tension est immédiatement exacerbée entre le père, ancien serveur de grand restaurant vieillissant mal, son fils qui le reçoit plus ou moins contre son gré dans son modeste logis sous les toits, et l'amie du jeune homme qui débarque ce soir-là pour un dîner improvisé par le vieux avec un soin et une compétence bien faits pour humilier-énerver son fils devant son amie.
Les mécanismes de haine-amour entre le père, auquel son fils reproche à la fois le ratage de sa vie et ses besoin sexuels débordants, et le jeune homme lui-même, hypersensible et velléitaire, en manque de tendresse et de modèle, vont naturellement se trouver amplifiés à dès l'arrivée de la jeune fille, que le père finit par draguer outrageusement après que son fils est (plus ou moins) allé se coucher.

Huis-clos de deux heures sans une seconde de répit, malgré l'alternance des séquences enragées et des inflexions plus douces, la pièce tient essentiellement au tissage psychologique, à la fois hyper-affectif et tripal, que traduit un dialogue ciselé à la fine hache, si l'on peut dire...

Luscher.jpgLa mise en scène de Philippe Lüscher, dans un décor sobrement gris froid de Roland Deville, s'interdit tout effet pour se concentrer sur la direction d'acteurs et le rythme du dialogue, quasi sans faille. Le metteur en scène a trouvé un père extraordinairement présent et crédible en la personne de ce grand comédien qu'est décidément Jean-Pierre Malo, mélange de puissance écrasante et de fragilité plus ou moins feinte, de cynisme égoïste et de sentimentalité larvée - foutrement humain et finalement attachant, comme le ressent d'ailleurs la jeune fille, incarnée avec élégance et finesse, et quel érotisme naturel dans sa robe rouge sexy, par Elodie Bordas. Dans le rôle du fils, Vincent Jaccard "assure" admirablement en double douloureux du père dont il partage le même physique sensuel et un peu veule et la même psychologie criseuse. Bref, tout cela donne une représentation de premier ordre, a la fois passionnante et passablement éprouvante...



Lausanne. Théâtre de Vidy, salle René Gonzalez, jusqu'au 5 mai. Ce dernier jour est prévue une rencontre avec l'équipe au terme de la représentation

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