Celui qui fait choir la chevillette / Celle qui embobine le chevrier / Ceux qui défilent entre les blocs de lumière sculptés par le songe / Celui dont les délires sont géométriques et musicalement soumis aux nombres au sens pythagoricien / Celle qui maugrée dans le hallier aux fleurs blanches de soie floche / Celui qui est attentif au concert des pluies dans la maison qui prend l’eau / Celle qui se rappelle la tête réduite sous sa cloche de verre / Ceux qui sont bruyants même quand ils se taisent / Celui qui étouffe au milieu des volubiles / Celle qui s’amuse à décontenancer les superficieux / Ceux qui nouent une nouvelle amitié dans la demeure isolée / Celui qui ne rêve jamais qu’à haute voix quand la Dame repasse la lingerie intime du Colonel / Ceux qui font des rêves héréditaires d’un érotisme purement verbal / Celui qui reconnaît en rêve des gens qu’il n’a jamais rencontrés que dans d’autres rêves / Celle que j’ai rencontrée en rêve sur la Piazza Vecchia d’Arezzo que je n’ai découverte que deux ans plus tard / Ceux qu’accompagne le chien Charbon dans le jour bleu vert / Celui qui se baigne en chemise dans le tanker australien / Celle qui offre un pot de maté au marin de passage / Ceux que rabroue l’inspectrice des ongles / Celui qui se rappelle le « dépanneur » de son bled des Laurentides / Celle qui médite devant l’ombre pyramidale délimitée par le soleil et le silence / Ceux qui croient à la transmigration des âmes et s’expliquent ainsi leurs souvenirs de caïmans aux îles Impatientes / Celui qui milite pour une metempsychose égalitaire / Celle qui affirme que les animaux sont les rêves incarnés de la Nature / Ceux qui devisent tous bas dans le crépuscule serein, etc.
(Cette liste a été jetée au crayon Caran d’Ache 4B dans les marges de Faits divers de la terre et du ciel de Silvina Ocampo disponible dans la collection L’Etrangère des éditions Gallimard)
Commentaires
Celui qui tire la mobylette | Celle qui entend le vieux dieu Pan | Ceux qui naviguent entre les métonymies des commentateurs du présent blog | Celui dont les chroniques sont impubliables sauf dans la revue dont il se trouve, par coïncidence, être le directeur de publication | Celle qui est jalouse | Celui qui écoute s'il pleut | Celle qui retient beaucoup de phrases | Ceux qui troublent leurs propres instants de silence | Celui qui écoute les grands taciturnes | Celle qui s’amuse à commenter le dico des citations | Ceux qui nouent une nouvelle amitié plutôt virtuelle | Celui qui ne transmet que la moité de ses résultats scientifiques tous les quatre ou cinq ans | Ceux qui font des rêves comprenant quatorze alexandrins sur cinq rimes | Celui qui ne se reconnaît pas en rêve car il est peu physionomiste | Celle que j’ai rencontrée en messages perso d'un forum où je n'allais pas encore tous les jours | Ceux qu’accompagne leur poids corporel | Celui qui se baigne en rêve dans un très grand saladier | Celle qui écoute la chanson triste du brave marin buvant son vin blanc | Ceux que rabroue leur surmoi infantilisant | Celui qui se rappelle le charcutier magicien | Celle qui médite devant la frontière | Ceux qui croient à la transmigration des chaussettes et s'expliquent de la sorte l'imparité de certaines paires | Celui qui milite mais en ayant perdu la foi mais faut pas le dire | Celle qui affirme que les animaux sont les oncles de ceux qui les regardent | Ceux qui boivent pour supporter le niveau de la conversation en cours, plusieurs fois chaque semaine, et tous les autres.
J'achète Celle qui médite devant la frontière au prix fort, et Celle qui affirme que les animaux sont les oncles de ceux qui les regardent en regardant attentivement le chien Snoopy qui vient de s'installer à La Désirade avec ses dents de 12 semaines. Et cochonfucius qui s'en dédouane...
Quant aux autres:lisez Silvina Ocampo ça fait rêver debout autant que Juan Carlos Onetti voire plus si affinités.