Celui qui repart comme en quarante / Celle qui remonte le courant dans sa Dauphine/ Ceux qui se délestent de leur surpoids / Celui qui n’a jamais renoncé à ses bretelles / Celle qui s’accorde des prolongations sans tirs au but / Ceux qui donnent le change avec une touche de colorant / Celui qui reprend son saxo à 87 ans / Celle qui pleure en entendant son vieux compagnon improviser sur Sunny Side / Ceux qui remettent le turbo genre torpédo / Celui qui va tâter de l’hébreu ou se mettre au ping-pong / Celle qui prend la vie comme elle vient et le temps comme il va et le funiculaire en fin de semaine pour voir les choses d’un peu plus haut / Ceux qui tombent deux ou trois masques / Celui qui replace sa dynamo dans le torrent de fonte des névés / Celle qui exulte à la rumeur du printemps russe / Ceux qui se déploient dans l’air tonique / Celui qui se berce d’illusions fécondes / Celle qui frissonne de voir le ciel s’ouvrir / Ceux qui rachètent le Temps en s’y plongeant ce matin neuf / Celui qui fait la nique au Gros Animal / Celle qui pressent un nouveau départ par exemple au Brésil / Ceux qui n’auront plus de souvenirs que rafraîchis / Celui qui se débat plus tranquillement qu’hier / Celle qui reprend ses marches en forêt / Ceux qui réveillent l’Ours affalé sous son bureau de fondé de pouvoir bernois / Celui qui a toujours été du matin sauf durant ces longs mois de composition de son putain de nouveau livre pourtant assez lumineux sur les bords / Celle qui interprète L’Eveil du printemps sur son pianola / Ceux qui saluent la monté de la sève en hennissant dans la cafète de l’Entreprise / Celui qui dépouille le Vieil Homme selon le rite païen / Celle qui change l’eau des fleurs et va marcher pieds nus dans la prairie encore spongieuse / Ceux qui revivent après avoir tourné la page / Celui qui fait de ce 1er mars le jour béni d’un dieu de paix / Celle qui estime ce matin qu’à l’impossible chacun sera tenu / Ceux qui savent qu’être heureux n’est pas de rester engourdi / Celui qui sent l’avenir et parle donc du présent avec justesse / Celle qui accuse le révolté de rester plus ou moins esclave / Ceux qui considèrent que la science devient alors que la poésie se contente d’être / Celui qui se délecte de son repentir au point d’aggraver son cas / Celle qui a compris que la corruption était insatiable et reste donc à l’écart des malins et des moqueurs / Ceux qui ont le sens et plus encore le goût du renouveau / Celui qui se sent aussi mal tout seul qu’en groupe / Celle qui reproche à son fils Alcide de rester là groupé comme un fœtus et cousu comme une volaille alors que le jour l’attend au jardin / Ceux qui s’ouvrent à l’offrande de cette matinée comme des fleurs en papier dans l’eau claire, etc.
Image : Philip Seelen
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Celui qui a toujours abusé des petits plaisirs faciles | Ceux qui ne savent pas tourner la page (le livre est un rouleau) | Ceux qui savent rester engourdis | Celui qui sent l’avenir dans sa multiplicité | Celle qui accuse et qui récuse | Ceux qui délaissent la science pour un semblant de poésie archaïsante | Celui qui se délecte de chocolats (pas forcément suisses) | Celle qui a fini de répondre aux procès d'intention | Ceux qui mijotent dans leur trente routines quotidiennes | Celui pousse la majorité du groupe à se prononcer pour son exclusion | Celle qui se prélasse dans un vieux transat au jardin | Ceux qui ouvrent le recueil pour relire un poème au hasard | et tous les autres...