UA-71569690-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Le Président Cavalier

     

     

    Cavalier6.jpg

    Entretien avec Alain Cavalier à propos de Pater. 

     

    IMG_4922.JPGParis, le 17 juin 2011.

     

    -        Quelle est votre perception actuelle du politique ?

    -        Elle est un peu ironique, un peu détachée. Je suis à la fin de ma vie. J’ai traversé l’Occupation allemande. J’ai traversé la découvert des camps. J’ai traversé la découverte du goulag, J’ai traversé la guerre d’Algérie. Je me suis bousillé l’estomac pour ne pas y participer… Je pense que les pays se définissent dans des moments de crise. À l’âge de huit ans, assis dans le métro, il y avait là des soldats allemands debouts et sur leur ceinturon, à ma hauteur, je pouvais lire l’inscription GOTT MIT UNS, Dieu est avec nous. Or j’ai été élevé religieusement et cela m’a mis alors en tête une contradiction dont je ne suis toujours pas sorti. J’ai été nourri par les Evangiles qui sont très politiques, traitant d’une occupation étrangère que nous vivions nous aussi. Récemment, à la radio, j’ai entendu cette réponse faite par un ado à la question qui était posée à des gens de son âge à propos de Jésus-Christ. Silence, puis : ah oui, il a été fusillé par des Allemands ! J’ai trouvé ça très bien.

     

    -        Avez-vous été politiquement engagé ?

     

    -        J’ai connu la tentation communiste. Après 1945, elle s’expliquait notamment par le fait que l’Armée rouge avait sauvé l’Europe du diable nazi, au prix de 15 millions de morts russes. J’ai pourtant résisté à cette tentation.

     

    -        Et pourquoi donc ?

     

    -        À cause des cellules. Adhérer au communisme signifiait l’inscription à une cellule, à laquelle  il fallait soumettre sa pensée et son comportement sous peine d’être exclu. Or je savais ce que signifiait l’excommunication du fait de mon expérience de la discipline religieuse en internat, et je ne tenais pas à passer d’une oppression religieuse à une autre. Je me suis donc abstenu. Cela étant, mes premiers films sont très imprégnés de politique, à commencer par  le premier qui parle du fascisme et de la colonisation, de laquelle parle plus encore le deuxième. Puis je me suis dit que c’était trop fort et que j’allais laisser tomber, mais j’ai encore tourné Libera me qui est éminemment politique lui aussi. Par ailleurs, je n’ai jamais milité pour aucun parti ni aucun homme politique.

     

    -        La question du pouvoir revient en force avec Pater 

     

    -        Oui, et la réflexion sur le pouvoir  ne m’a jamais quitté à vrai dire. Comme mon père était un haut fonctionnaire, j’ai su tout petit, en écoutant ce qui se disait à table, ce que c’est que le pouvoir. Mon père était très fier du sien, auquel j’ai bientôt échappé, mais le phénomène du pouvoir ne m’a pas moins toujours intéressé, et dans toutes ses manifestations, qui peuvent être aussi celles d’un metteur en scène de cinéma ou d’un artiste quelconque qui peut enthousiasmer, tromper, manipuler... Or j’ai renoncé à ce pouvoir depuis quinze ans puisque je tourne seul.

     

    -        Mais vous voici reparti avec Vincent Lindon !

     

    -        J’avais en effet un problème à régler avec mon père, visant à une sorte de réconciliation post mortem, avant ma propre disparition. Et puis J’ai rencontré Vincent Lindon, il y a quelques années, qui m’a donné l’envie de revenir à l’ancienne pratique consistant à travailler sur des corps.

     

    -        Qu’est-ce qui vous a intéressé chez Vincent Lindon ?

     

    -        Son jeu. C’est le seul dont j’accepte les grimaces. Son jeu est sobre, concentré, efficace. Ses lignes me plaisent beaucoup. Je vois tout de suite le manège des acteurs, mais sa façon me semble pas ma, alors que j’ai in haine absolue du jeu sophistiqué ou démonstratif du genre « regardez comme je joue bien », style Brando-De Niro- Signoret…

     

    -        Et qu’est-ce qui, de votre travail, l’a intéressé ?

     

    -        J’imagine qu’un comédien peut apprécier le fait de casser la routine consistant à coucher avec une femme de plus dans un énième film utilisant son image. Vincent Lindon a été un grand fanatique de La Rencontre, qu’il somme toute nouvelle personne qu’il rencontre de voir, et puis il a déclaré solennellement en public, lors d’une projection du Filmeur au cinéma Saint André-des-arts, qu’il espérait avoir l’occasion de travailler avec moi…

     

    -        Quel a été le pacte entre vous ?

     

    -        Pas de texte à apprendre. Pas de double prise. Lui ne sait pas ce que je vais faire quand il arrive. Et moi, j’entre un peu dans l’image pour lui renvoyer la balle… Par ailleurs, je lui ai proposé des conditions qui limitaient les séances de tournage aux périodes situées entre les films dans lesquels il était engagé. De son côté, mon producteur lui a proposé d’être payé comme, moi, à savoir bien au-dessous de la cotation commerciale liée à son nom, ce qui correspondait d’ailleurs au contenu du film où sont évoqués les salaires excessifs… Ces petites questions d’argent entre ont débordé d’autres façons puisque Vincent nous a permis d’aller tourner chez lui et de montrer son impressionnante collection de chaussures, de même que j’ai pris sur moi l’acquisition d’une costume de Président de la République seyant.  

     

    -        Y a-t-il eu des tensions entre vous, comme  il en apparaît entre le Président et son premier ministre ?

     

    -        Non, et pourtant l’orgueil naturel du comédien aurait pu se trouver chiffonné quand il a découvert  que j’apparaissais avant lui sur l’image. Pourtant il a été assez intuitif pour comprendre que ce film n’était pas le énième regard d’un metteur en scène sur Vincent Lindon mais qu’il s’agissait d’autre chose. 

     

    - Comment avez-vous construit le film ? Y a-t-il un scénario, un storyboard, ce genre de choses ? 

     

    - J'ai écrit un petite texte de quelques pages pour avoir un peu d'argent, où je disais qu'il s'agissait de deux individus, Alain et Vincent, qui se rencontraient, l'un étant filmeur et l'autre acteur, le plus âgé ayant un regard paternel sur le plus jeune - et j'ajoutais que le pouvoir que se partagent, en France, le Président de la République et le Premier ministre correspond un peu à cette configuration, à partir de laquelle on pourrait parler politique, programme politique, ce genre de choses. J'y disais aussi qu'il s'agissait aussi de capter la fine fleur d'une rapport humain entre deux personnes qui se fréquentent avec plaisir et s'estiment.

     

    - Plus tout le reste, dont un débat faussement naïf sur la monstruosité des écartes de salaires dans nos pays... 

     

    - Bien entendu, et puis il y a des ministres, des boulangers, des bistrots, toute la vie d'un pays enfin. Et puis il y a le récit qui s'est construit au fur et à mesure de nos rencontres. Nous ne savions pas, à l'avance, qu'à un moment les deux hommes ne seraient pas d'accord, pour une question d'échelles de salaires justement. J'avais proposé à Vincent de jouer un petit industriel qui ne gagnerait pas plus de dix fois le salaire minimum d'un employé de son entreprise. Ensuite, les deux hommes se sont opposés parce que l'un proposait une échelle de 1 à 10 et l'autre une échelle de 1 à 15. 

     

    - Les idées sont donc venues en cours de tournage ?

     

    - Mais oui. Par exemple, la scène du grattage, au moment où l'on attend le résultat des élections du nouveau président, cette séquence qui n'a l'air de rien et que je trouve formidable, nous est arrivée comme ça, hop ! Comme le film, en outre, était monté au fur et à mesure, il a fini par dicter sa loi. 

     

    - Qu'en est-il des autres personnages qui apparaissent dans le film, par exemple des minsitres qui discutent le coup dans une forêt par crainte des écoutes téléphoniques  ?

    - Nous avions décidé qu'il n'y aurait pas d'autre acteur que Vincent. Donc ce sont tous des amis, des parents, des passants consentants. À un moment donné, j'ai appris à Vincent que je le nommais Premier ministre. Il l'a bien pris. Tout est advenu en dehors des conventions et des scèns-à-faire. Le chauffeur noir de notre producteur est devenu ambassadeur du Dahomey...

     

    IMG_4921.JPG- Et le montage, évidemment, est essentiel. Donc essentielle la collaboration avec Françoise Widhoff...

     

    - C'est vrai depuis La Rencontre. J'ai une petite théorie selon laquelle un cinéase, avec un instrument encore tout jeune,filme à 80% de manière inconsciente. Le 20 % restant pourrait être dit le film dégagé de sa gangue. D'où l'importance fondamentale du montage, en effet.

     

    - Dans quelle mesure votre expérience de filmeur à moyens hyper-légers joue-t-elle dans Pater ?

     

    - Dans la pleine mesure du cinéma dont je rêvais il y a quarante ans de ça déjà, dégagé de tout son poids et me permettant de maîtriser la chose en toute liberté...  

     

       

    On jouerait au Président...

    On sourit presque tout le temps, et parfois on rit carrément en jouant aux rôles avec le Président Alain Cavalier et son Premier Ministre Vincent Lindon, comme on jouait en enfance aux Indiens ou aux voleurs.

    Le titre du dernier film d’Alain Cavalier, Pater, annonce plus ou moins une affaire de filiation, qu’on peut dire à la fois familiale et nationale, s’agissant de la France dont le Président est plus ou moins un Père, et de nous tous non Français qui, comme le filmeur, avons plus ou moins un père.

    Ce  serait d’abord une affaire d’amitié et de nourriture terrestre, avec deux fines assiettes partagées pour fêter le contrat d’un film intimement amical et plus solennel en cela qu’il engagerait l’intérêt national par le truchement d’un jeu de rôles au plus haut niveau, on pourrait même dire mondial puisqu’il est question, fondamentalement, de la (re)distribution de ce dieu multinational qu’est devenu le Pognon.

    Le plus haut niveau sera figuré par la fonction présidentielle, qui donne son poids à ce qui deviendra très vite, ni une ni deux, l’enjeu du débat entre le Président et son Premier Ministre : sur l’équité. Comme pour les enfants, il suffira d’une cravate nouée pour faire le Président, plus un costume et des souliers à tant d’euros. L’impressionnante collection de pompes de Vincent Lindon facilitera éventuellement l’intendance, et pour le décor on s’arrangera entre divers appartements aux lumières appropriées (les lieux et les lumières sont essentiels dans le cinéma de Cavalier), une forêt pour une rencontre genre G2 ou G3 échappant aux écoutes, un bistro ou une boulangerie pour l’évocation d’une société diverse et diversement intéressante.

    L’enjeu de tout ça serait une loi, comme les enfants se votent des règles : faudrait donc, durant le septennat du nouveau Président élu pour la durée du film, avec la complicité de son Premier Ministre - faudrait ficeler et faire voter une loi régulant mieux la disparité entre salaires insuffisants et salaires indécents, dans une fourchette à discuter.

    Ce n’est pas plus compliqué que ça, la politique, faut pas charrier : un enfant qui joue au Président le sait autant qu’un président fondu en puérilité bling-bling : faut arrêter de nous la faire aux lois du marché, faut juste faire une loi qui permette à tous de mieux marcher la tête haute et de mériter sa sieste, comme le boulanger dans son labo.

    C’est une des belles scènes de Pater : le moment où le boulanger, beau comme un dieu bosseur (les dieux qui ne bossent pas ne sont pas crédibles aux yeux des enfants), installe son matelas et son oreiller pour une sieste que seuls les jean-foutres du Système qualifient de sieste-turbo, sachant comme tout artisan sérieux qu’on bosse mieux quand on se repose.

    Pater est un film tendre et malicieux où l’on ne voit (presque) que des mecs en costards (les pauvres) qui se marrent en douce de faire, en même temps que de la politique au plus haut niveau, un film célébrant sottovoce la poésie du cinéma. La douce plage que représente le dos d’une femme couchée, la douce plage d’une boulangère posant devant les douceurs de son fils, la douce plage d’un feuillage à la fenêtre sous lequel se coule un chat, constituent autant de plans de liaison que Françoise Widhoff découpe avec ses ciseaux électroniques de fée (on dit ça pour rappeler que le seul maître à bord a des maîtresses, comme son Premier Ministre) alors que le son direct continu, dès le générique et même avant, et après, jusque dans la rue qu’on rejoint hors du cinéma, fait l’autre musique pour l’oreille se mariant à celle des yeux et de l’esprit.

    Côtés durs on n'en assure pas moins, entre conseils des ministres autour de la solennelle Table ou dans la cuisine, consultations du populaire et préparation des élections ou autres obligations.

    Et pour la conclusion, Josette, on ne se gênera pas si le peuple nous recale, du moment qu'on a la rosette !

      

    Actuellement dans les salles françaises et romandes.

     

     

  • Le froid et le chaud

     Suisse49.JPGÀ propos de la solitude actuelle. D’un appel revigorant de Monsieur Berchtold, cependant inquiet pour la santé de Madame Berchtold. Des raseurs et des éteignoirs. De la lecture du (magnifique) dernier livre de Colette Fellous, amie de Facebook. De la bonne vie qui va

    À La Désirade, ce vendredi 15 juillet. Nous étions en train de parler, ce matin, avec mon compère Philip Seelen, de la solitude dans laquelle tant de gens aujourd’hui se trouvent claquemurés, et, parmi ces gens, tant de sensibilités vives, poreuses et portées à l’échange - nous parlions de ce paradoxe de l’isolement et de l’esseulement de tant de personnes  dans ce monde se targuant de communication tous azimuts, comme des millions de lucioles dans la nuit multitudinaire, lorsque le téléphone a sonné et que de sa voix un peu chevrotante Alfred Berchtold m’a dit bonjour.       

    Berchtold.jpgBerchtold ! Alfred Berchtold l’historien, le dernier de mes Trois Suisses après la disparition du pasteur Samuel Dubuis et du poète Jean-Georges Lossier (trois potes à l’ancienne, trois vrais amis de cœur et de goût), Berchtold l’octogénaire (86 ans au compteur) que ses compères de la communale de Montmartre appelaient Pingouin, le grand Berchtold (près de 2 mètres à la toise) m’appelait donc pour s’excuser de ne l’avoir point fait depuis un bout de temps alors qu’il a tant aimé mon Enfant prodigue, Alfred Berchtold le vieux maître me disant qu’il voulait me dire sa reconnaissance pour tout ce que je lui ai apporté, Berchtold enfin me disant son inquiétude à la suite de l’hospitalisation de Madame Berchtold.

    Monsieur Berchtold qui me remercie pour ce que je lui ai apporté alors même que, ces jours, je me reprochais de ne pas lui dire combien souvent je pense à lui et à son formidable apport à notre culture,ça c'est le pompon !

    Alfred Berchtold qui a tant donné avec ses livres hors norme. comme sa fabuleuse fresque de Bâle et l'Europe, auquel je m’étais promis de raconter ma déconvenue à la lecture du pauvre petit livre consacré récemment  à la Suisse dans la collection Découvertes de Gallimard (quelle découverte, ah ça !) et qui réduit notre pays si prodigieusement riche et divers, dans ses quatre cultures, à un tableau purement institutionnel, politico-économique, gris comme son auteur prof social-démocrate bon teint -  tout ça que je raconte bonnement à Pingouin ce matin, pour l’entendre soupirer.

    Bien entendu, Berchtold passe  pour un helvétiste à tous crins aux yeux de ces bonnets de nuit, alors que c’est juste un vieux démocrate de haute culture protestante et littéraire, passionné de peinture et de musique et ne jurant que par la culture du débat propre à notre drôle de pays. Et Berchtold qui me remercie, ça c'est le scoop !   

    Mais voici Madame Berchtold à l’hôpital, et c’est pour moi l’occasion de repenser à la présence bienveillante et toujours teintée de malice de l’adorable ancienne prof nous servant du thé et des biscuits entre nos séances de travail (ce bonheur que fut pour moi la préparation de La Passion de transmettre, notre recueil d’entretiens dont le titre résume la vocation de l’historien essayiste), et je sens un peu de détresse dans la voix de son grand homme.

    Nous sourions pourtant à l’évocation de la dernière fantaisie de Madame Berchtold, qui se disait hier « en balade dans la forêt » alors qu’elle venait d’avoir une bonne conversation lucide avec un de ses visiteurs sans quitter son lit d’hôpital…

    À tout moment la bonne vie nous rattrape ainsi. C’est comme une main encourageante sur notre épaule. C’est ce tableau de Karl Landolt que je regarde à l’instant, que m’a offert Monsieur  Berchtold pour me remercier d’une toile que j’ai brossée pour lui d’une vache suisse parodiant le réalisme pompier de nos petits maîtres préalpins. Ce sont (pour moi, car le vieux lettré en est resté à la machine à écrire Hermès et n’a même pas de Blackberry !) les amies et amis de Facebook que je retrouve tous les jours sans les avoir jamais vus en 3D. Ce sont les vacheries que nous égrenons à propos des cuistres universitaires et de leur prétendue science scientifiques de fonctionnaires du savoir morose.

    Fellous1.jpegBref, c’est la vie profuse et joyeuse, la vie belle et les bons livres, comme ce bon livre dont je me régale depuis quelques jours, intitulé Un amour de frère (à paraître chez Gallimard en septembre) et portant la signature de Colette Fellous, amie de Facebook que je me reproche de ne découvrir qu’aujourd’hui alors qu’elle a déjà publié une douzaine de livres.   

    Or revenant ici à Tunis, où nous serons dans une semaine avec ma bonne amie et Rafik Ben Salah, elle évoque, merveilleusement, son premier exil de jeune étudiante de dix-huit ans débarquant à Paris en 1968 (la même année que Rafik !), impatiente de lire tous les livres et découvrant avec reconnaissance le miracle de la Bibliothèque publique et de son service de prêt : « On pouvait même emporter certains livres pour quinze jours, je n’arrivais pas à y croire : vraiment on peut les emprunter, les emporter chez nous, les lire au lit, vivre avec eux ? Merci, merci beaucoup, c’est merveilleux, et je repartais dans la ville avec ces trésors.  J’avais écrite une longue longue lettre à ma mère pour lui raconter Paris, je m’étais installé un matin dans le Café-Charbons de la rue Mouffetard,la salle minuscule était vide, dehors le vent glacial.. Je lui expliquais qu’elle n’avait plus à s’inquiéter, je ne serais jamais seule avec ces millions de livres, juste un petit peu froid depuis quelques jours »…

     

    Images: Abraham Hermanjat, Ouchy 1917. Alfred Berchtold et Colette Fellous.

    <photo id=1></photo>

  • Ceux qui font avec

    coif.jpg

    Celui qui prend son pied-bot / Celle qui joue avec les maux / Ceux qui se disent déçus en bien / Celui qui préfère la mouise aux médailles / Celle qui a toujours fui les femmes de pasteurs aux pensées élevées / Ceux qui nourrissent les quolibets comme d’autres les piranhas de la médisance / Celui qui dorlote la femme-tronc / Celle que saoule l’étoile-absinthe / Ceux dont le père se prénomme désormais Marie-Clotilde / Celui qui craint de ne pouvoir s’adapter à l’odeur d’ammoniac de la cheffe dynamique / Celle qui répand des bruits que d’autres ramassent à genoux / Ceux qui font dans la dentelle barbelée / Celui qui prend ce qui vient et laisse ce qui ne lui revient pas / Celle qui se livre à la cure d’âme / Ceux que la laideur ne fascine plus / Celui qui pallie la solitude par l’aquarelle / Celle qui se noie dans l’huile paysagère / Ceux qui n’osent pas dire qu’ils n’ont plus rien à se dire et se parlent donc de choses dites importantes avec des airs d’y croire / Celui qui perd un contact après l’autre / Celle qui cache les jumelles de son conjoint voyeur / Ceux qui croient qu’il pleut pour les faire chier personnellement / Celui qui cherche un p’tit coin de ciel bleu au propre et au figuré / Celle que ses propres soupirs font sourire / Ceux qui se détournent du beau parleur / Celui qui se réfugie dans l’Amour de l’Autre tellement les autres l’indiffèrent / Celle qui communique avec son hamster Alberto / Ceux qui préfèrent l’esseulement avec Aerosmith à la compagnie pâmée des mélomanes qui se respectent / Celui que sa détresse fait parler comme un automate /Celle qui ne lâchera jamais prise / Ceux qui lâchent un fil sans lâcher le fil de la conversation joyeuse qu’ils entretiennent avec eux-mêmes aux dam des passants qui estiment que ce n’est pas là un espace citoyen où pisser / Celui qui a toujours l’air d’être égaré dans une pièce de Beckett / Celle qui trouve les Confessions d’une mangeur d’opium sur la table de nuit de son fils Placide et se demande si elle doit constituer une Cellule de soutien psychologique avec les cousines diplômées du petit / Ceux quine supportent pas les « hommes de Dieu » auxquels ils préfèrent les « hommes du Président » voire même les « hommes de l’Ombre » / Celui qui refuse qu’on l’ampute et qu’on ampute quand même après l’avoir endormi / Celle qui s’est rapprochée du Seigneur sous l’impulsion de l’Abbé Clotaire qui l’a trompée ensuite avec la fille De Preux des De Preux de l’Usine de traitement des déchets carnés du Valais central / Ceux qui estiment que ces Ceux qui participent d’un esprit tordu voire franchement cynique en tout cas contraire à l’éthique psychiatrique établie en milieu sec / Celui qui retrousse volontiers les manches des autres / Celle qui estime que tout travail mérite salaire surtout le sien / Ceux qui voient passer Alinghi sous le vent du soir sans en concevoir le moindre sujet de fierté nationale et moins encore multinationale, etc.

    Image: Philip Seelen

  • Locarno en état de grâce

    Locarno13.jpg

    La 64e édition promet de beaux moments à foison

    « Le festival de Locarno connaît actuellement un état de grâce», déclarait hier son président, Marco Solari, lors de la présentation à la presse, à Berne, de la 64e édition du plus populaire de nos festivals de cinéma, auquel participent de plus en plus de Romands. À l’origine de cet optimisme : la consolidation de la base économique de la manifestation (plus de 300.000 francs supplémentaires obtenus du Tessin et de la Confédération, avec un soutien accru des sponsors) et la nouvelle ouverture de la programmation artistique conçue par Olivier Père et son équipe.

    Parfois critiqué pour son manque de « glamour » ou son caractère trop peu « grand public », le Festival de Locarno offrira, cette année, un choix de films (200 longs métrage et 60 « courts ») éclectique où Hollywood et Bollywood iront de pair avec un large éventail de la production contemporaine, dont une quinzaine de première mondiales.

    Belle brochette de stars invitées à relever aussitôt : avec Leslie Caron, Ingrid Caven, Harrison Ford, Claudia Cardinale, Bruno Ganz, entre autres.

    En point de mire « classique », la rétrospective des films de Vincente Minelli, maître de la comédie musicale et du mélodrame américain, disputera la faveur du public avec l’offre très alléchante et diversifiée de la Piazza Grande.

    Particulièrement attendus sur la Piazza : Cowboys & Aliens de Jon Favreau, un « blockbuster» de SF réunissant Harrison Ford, Olivia Wilde et Donald Craig, et un « coup de cœur » d’   Olivier Père qui pourrait susciter l’enthousiasme du public au même titre que La vie des autres en 2006 : il s’agit d’un film canadien très émouvant, intitulé Bachir Lazhar et signé Philippe Falardeau. En outre, Le Havre, dernier film d’ Aki Kaurismaki déjà remarqué à Cannes, marquera le retour du maître nordique à Locarno.

    Le cinéma suisse sera lui aussi bien présent en cette édition, avec trois films en compétition internationale, à commencer par Vol spécial du Vaudois Fernand Melgar nouveau film-choc consacré aux sans papiers rejetés de Suisse.

    À côté des diverses compétitions, une foison de programmes spéciaux et autres hommages (notamment à Claude Goretta, léopard d’honneur pour sa carrière, et à Jean-Marie Straub) alterneront avec des reprises de haut vol, d’ Andréi Roublev le chef d’œuvre de Tarkovsky à L’ombre des anges de Daniel Schmid. Or ce n’est là qu’un mince premier aperçu d’une offre profuse et prometteuse…

    Locarno, du 3 au 13 août. Infos : www.pardo.ch

  • Avertissement

    PanopticonA115.jpg

    …Et quand je dis vacances, mon chéri, c’est : vacances, tu ne prends ni tes dossiers ni ton ordi, je veux que tu te détendes, je veux que tu lâches prise complètement, d’ailleurs tu auras assez à faire avec nos enfants et ceux de tes ex, et moi aussi j’y ai droit, moi aussi pendant trois semaines je veux avoir ma vie à moi…

     

     

     

     

    Image : Philip Seelen

  • Ceux qui se dérobent

     n1058222313_30179795_1814.jpg

     

    Celui qui ne s’en laisse pas conter / Celle qui tourne le dos au Top Dog / Ceux qui arrachent la multiprise / Celui qui retire ses jetons / Celle qui se dit en rupture de stock de patience / Ceux qui attendent les deux tu l’auras pour choper le tien / Celui qui rebondit dans l’élevage industriel de lucioles / Ceux qui endorment la mouche tsé-tsé / Celui qui s’inscrit au parti d’en rire / Celle qui fait syndiquer sa fourmilière / Ceux qui ont toujours pensée que DSK était une victime d’ailleurs ça se voit à son air franchement humble n’est-ce pas / Ceux qui considèrent qu’on n’est jamais seul dans une bibliothèque et qu’il n’y fait jamais froid même en Alaska / Celui qui attend la gloire sur le quai désaffecté / Celle qui se dit la cochonne de soie des cantons latins / Ceux qui asticotent le mendigot parigot colporteur de ragots / Celui qui lit Voyage en classe pont / Celle qui dégueule dans la passe aux dauphins / Ceux qui se défoulent dans le défilé qu’ignorent les foules / Celui qui tuera la mère et la fille pour leur épargner de réciproques regrets / Celle qui peint des bleuets de tout son cœur de bluette fluette / Ceux qui maximisent le potentiel marketing des coquelicots peints à la main / Celui qui se rend au festival des vieux folkeux avec sa bonne vieille guitare et ses vieux pétards et son pote Bernard qui en remontre à Lavilliers / Celle qui pose à la vierge effarouchée alors que le routier ne la charrie que par galanterie / Ceux qui ont renoncé au 69 après 68 / Celui qui gère sa masse musculaire comme d’autres débitent du thon à la tonne / Celle qui a reconnu la main de l’amant de la mer de Chine malgré l’obscurité du Champo de la belle époque / Ceux qui considèrent une fois pour touts que Duras est Duras et que ça n’engage qu’elle, etc.

    Image : Philip Seelen