
Celui qui se dit le challenger potentiel du Cavaliere en matière de perfos sexos / Celle qui en veut tant qu’elle fait bunga bunga au dam de la Mamma / Ceux qui capotent à la finale de San Remo mais resteront partenaires avec l’Acqua Lilia aux effets possiblement diurétiques/ Celui que son père produc de gauche a fait exploser comme fils de pub de centre droite sur la Chaîne qui gagne / Celle qui le déshéritera si son fils faillit dans le feuilleton familial de la Chaîne qui unit / Ceux qui se déchirent sur l’Île des Fameux qui cartonne sur la Chaîne qui fait rêver / Celui qui est de tous les concours les plus débiles de la Chaîne qui abrutit / Celle qui bat le record de la stupidité médiatique assistée sur la Chaîne qui avilit / Celui qui reste le First Blaireau du Prime Time de la chaîne autrichienne sur quoi tu zappes quand la Chaîne italienne te fait trop gerber / Celle qui apprécie le vice champion du vice-champion et le dit à l’émission Questions pour un Vice-Champion rachetée par la deuxième chaîne roumaine / Ceux qui dorment habillés devant les shows dénudés de la télé griffée Hurlu Berlu / Celui qui a oublié ses capotes à télé / Celle qui te regarde jeter cette liste sur la nappe de papier de la trattoria dite La Selva, dans ce bourg toscan où la télé n’est pas de mise mais où dîne parfois quelque tueur potentiel venu prendre les eaux du nom de Virgil / Ceux qui apprécient la compagnie des tueurs de série B / Celui qui a toujours eu à cœur de montrer le plus mauvais exemple à son fils Little Kid dit aussi Giocatolo d’Amor et qui s’en trouve en effet aguerri à l’âge de sept ans / Celle que le mauvais garçon lettré flatte en lui disait qu’elle a l’air d’un Rubens avant d’en faire un écorché genre Soutine / Ceux qui allument un Krumm dans la poudrière balkanique en regardant le nouveau Boss d’un air de défi / Celui qui voit le bas de soie de Livia filer du mauvais coton / Celle dont la mèche visible annonce la suspension des explosions / Ceux qui ne laisseront jamais la femme romaine investir le Janicule / Celui qui a su résister aux séquences de comédie à l’italienne qui euussent pu plomber les débuts de son ménage d’assez longue durée où l’on ne s’est jamais embêté pour autant genre mariage suisse à napperons / Celle qui se commande un grand dessert dans le petit restau désert donnant sur l’Arno marneux / Ceux qui mendient dignement place de la Seigneurie, dans l’Italie d’un forban, etc.
Image: Philip Seelen


Ciao Columbo, ciao Caro, ci vediamo al Cielo !

Nous vivons dans un univers qui ne voit plus les anges et multiplie les démons. Contre eux, Ceronetti, ange blessé lui-même, samaritain consolateur qui parfois griffe comme un chat, élève en guise de garde-fou les livres (la culture que nous fait partager ce philologue, fin traducteur de l’Ecclésiaste et des poètes latins et européens, est extraordinaire), une poudre d’humour, de préférence noir, un usage des mots à la fois révélateur et consolateur, harmonie des mondes entre flûte douce et gong chinois, ou complainte capable d’écarteler les corps et les âmes.
Lisez (aussi) Voyage en Italie, évocation de paysages non seulement géographiques au milieu des « brouillards d’anis » du nord, de l’austère Toscane ou des horreurs de la modernité architecturale, mais dans l’esprit de l’être humain, opprimé par la laideur ou ravi, un instant, par une luminosité soudaine, un livre aimable et cruel entre la mélancolie et la drôlerie, la misanthropie et la lucidité souveraine qui marquent tout ce qu’il écrit.
Guido Ceronetti est enfin un de nos grands écrivains lyriques. Poète du temps, il va d’un chant épuré et hermétique, farci de citations à la façon d’un labyrinthe où il fait bon se perdre, à la ballade populaire, au poème écrit, dit-il, pour être récité le long des voies de chemin de fer. Les poèmes de Compassioni e disperazioni, les traductions de Trafitture di tenerezza (littéralement : Taraudages de tendresse) et Les Ballades de l’ange blessé, destinées à être dites et mimées dans la rue ou dans les prisons, sont, selon les propos de l’auteur, des fragments, des éclats, destinés à éclairer un instant « le sépulcral secret des mondes », à fournir un viatique et une réponse aux cris lancés dans l’éther par la souffrance humaine. Guido Ceronetti, réservé et timide, âpre comme une pomme verte et pétri de tendresse est, avec ou sans accompagnement de lyre et d’orgue de Barbarie, un écrivain à écouter.

