Celui qui est sûr d’avoir raison contre ses voisins non titrés / Celle qui voit en son mariage une caution pour ainsi dire officielle / Ceux qui ont obtenu l’aval de l’Académie des lettres poitevines / Celui qui se sait de bon rapport de force / Celle qui dit avoir le droit canon pour elle / Ceux qui ont toujours pensé comme ça sinon ça se saurait ou quoi / Celui qui se félicite de ce que son JE ne soit pas un autre genre Rimbaud après l’amputation / Celle qui répète volontiers Gott mit uns quand un ennemi l’honore / Ceux qui ont de la réserve sous le lit pliable / Celui qui n’en peut plus d’être brimé par sa bru monégasque / Celle qui tombe de la falaise et se reçoit dans un plouf d’eau tempérée juste ce qu’il faut / Ceux qui s’attardent dans le bourg maudit / Celui que la grande ville apaise / Celle qui se rend rue de La Roquette pour les salades que tu sais / Ceux qui ne sont plus connectés qu’à fins contraires / Celui qui vivote à tes frais / Celle qui retombe toujours sur tes pieds / Ceux qui sautent leur tour de cochon / Celui qui vit dans une autre beauté / Celle qui campe en bordure de ville / Ceux qui courtisent la dame aux mains moites / Celui qui remonte la Rue Basse / Celle qui gendarme ses locataires moluquois / Ceux qui cohabitent dans une toile de flamand mineur / Celui qui pense que chacun à sa vie et que ce n’en est pas toujours une / Celle qui estime qu’on a la vie qu’on mérite de naissance / Ceux qui se croient toujours chez Patrick Sébastien même quand il n’est pas là / Celui qui devine les arrière-pensées du centre avant / Celle qui te présente le Federer du badminton bordelais / Ceux qui fréquentent les mauvais lieux pour l’ambiance / Celui qui commande un lieu noir à la servante jaune / Celle qui ne voit pas la différence entre Andalous et Catalans au meeting des chercheurs d’embrouilles / Celui qui parfume sa soutane au vétiver / Celle qui demande à Jean d‘Ormesson de lui signer son livre avec son rouge à lèvres ce que l’académicien refuse tout net au motif que ça tache grave / Ceux qui se disent exilés de l’intérieur alors qu’il sont juste demandeurs de notoriété / Celui qui ne manque pas tant d’humour que de phosphate / Celle qui voit loin mais pas plus que ça / Ceux qui ont défilé à l’époque et se sont défilés ensuite mais ça te donne pas le droit de juger vu que ton père paie ta pension / Celui qui s’éclate après le déluge / Celle qui se dépense en low cost / Ceux qui invoquent le ressenti sépulcral d’Antonin Artaud qui les emmerde à titre posthume, etc.
Image : Philip Seelen.
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Partage des vivants
À propos d'Une séparation de l’Iranien Asghar Farhadi
On ressort de ce film admirable avec un sentiment de doux accablement, lié en somme à la perception magnifiquement équitable de la condition humaine, qui nous fait conclure que juger les autres est pour ainsi dire impossible et que chacun se débrouille comme il peut en fonction de ses moyens, de son sexe et de son âge, dans une société qui a certes ses lois et son poids mais qui pourrait fort bien, moyennant quelques variantes, recouper les réalités de la société française ou suisse. On pense à Tchékhov en compatissant avec chacune et chacun des personnages, qui ont tous à la fois raison et tort, jusqu’aux supposées innocentes que sont la toute petite fille et l’adolescente intransigeante.
Question cinéma, ce qui sidère alors est la maitrise de tous les mouvements simultanés : des gestes de la vie et des sentiments éprouvés, de la vie de la ville et des individualités séparées, du social et de l’intime, de la violence et de la douceur, tout cela maîtrisé sans trace de démagogie ou de simplification, dans un tourbillon de plans d’une incroyable précision et d'une nécessité à la fois narrative et plastique, pour aboutir à une image d'ensemble qui pourrait faire dire que c’est « comme dans la vie » mais sans qu’il s’agisse d’une duplication puisque point de vue il y a et travail, grand travail de cinéma…
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Ibsen ou le feu sous la glace
Grand texte, mise en scène éblouissante de Thomas Ostermeier, interprétation admirable: John Gabriel Borkman fait merveille à Kléber-Mélau.
Un moment de théâtre d’une exceptionnelle intensité est à vivre ces jours dans l’ancienne usine à gaz du théâtre Kléber-Méleau, dont le cadre de scène est retaillé en cage blanche où flotte comme une brume. Une infernale corrida de chambre va s’y dérouler en crescendo, dont l’argument reste tout actuel, sur fond de crise financière.
Borkman préfigure en effet le bâtisseur-banquier mégalo qui rêve de dominer le monde quitte à faire, accessoirement, le bonheur des autres. Mais la banqueroute, la ruine et la prison en ont fait un loup fantomatique qui fantasme sa réhabilitation et tourne en rond dans sa planque, au-dessus du salon de son épouse qui le fuit.
La pièce commence dans ledit salon. Deux femmes y apparaissent d’abord: Madame Borkman, prénom Gunhild, grande bourgeoise rigide, mortifiée par la ruine et fomentant une revanche sociale dont son fils chéri devrait être l’instrument ; et sa sœur jumelle Ella, restée célibataire après avoir aimé Borkman et élevé le fils du couple. Condamnée par les médecins, Ella espère se rallier le jeune Erhard et en faire son héritier unique. Mais la mère ne saurait partager son fils, qui n’aspire lui-même qu’à vivre sa vie avec Madame Wilton, fée ensorceleuse et femme libre.
Si la trame sociale et sentimentale du drame relève de l’imbroglio, la progression de la pièce, au dialogue cristallin, reste limpide. La montée en puissance des antagonismes, que le metteur en scène module avec un sens du rythme sans faille, alterne douceur et violence, chaud-froid des sentiments, volonté de puissance et fragilité des êtres.
Né en 1968 et venu du théâtre contemporain le plus radical, Thomas Ostermeier, en sa maturité de quadra, revitalise positivement le théâtre d’Ibsen, naguère décrié comme une vieille barbe bourgeoise, en le décapant pour mieux faire ressortir ses personnages et ses enjeux. Ainsi a-t-il coupé, au quatrième acte de Borkman, un semblant d’échappée optimiste, à vrai dire artificielle, pour accentuer son issue tragique.
Remarquable directeur d’acteurs, Ostermeier bénéficie ici des talents de fameux acteurs allemands, à commencer par Joseph Bierbichler dans le rôle de Borkman, impressionnant de puissance retenue et de subtile sensibilité. Laquelle sensibilité se retrouve, déchirante, chez Angela Winkler, inoubliable Ella, et dans la Gunhild non moins acide et poignante de Kirsten Dene. Entre autres artisans de cette superbe réalisation…
Lausanne-Renens. Théâtre Kléber-Méleau. Jusqu’au 19 juin. La pièce est jouée en allemand. Surtitres français d’une irréprochable intelligibilité.
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Ibsen noir diamant
C’est LE spectacle de la saison théâtrale lausannoise : John Gabriel Borkman, mis en scène par Thomas Ostermeier. Dès ce 14 juin à Kléber-Méleau.
Une pièce-bilan d’Henrik Ibsen, sombre et magnifique : John Gabriel Borkman, dans la version de Thomas Ostermeier, l’un des grands de la scène européenne. L’interprétation (en allemand, avec sous-titres) des acteurs de la Schaubühne a fait sensation. Rencontre avec le metteur en scène.
- Qu’est-ce qui vous attache particulièrement à Ibsen ?
- Le plus important à mes yeux, n’est pas le psychodrame, illustré par la plupart des metteurs en scène, mais la base de ses pièces liée à l’économie. Bien sûr, la psychologie des personnages compte, mais ce qui m’a frappé dans les cinq pièces que j’ai déjà montées, c’est l’importance de l’argent. Cette contrainte sur les personnages, déjà très présente dans Maison de poupée et Hedda Gabler, devient centrale avec Borkmam, figure du businessman libéral typique. La pièce est en outre, pour Ibsen, une sorte de règlement de comptes avec sa propre vie. Il y a de l’artiste chez Borkman, qui a sacrifié sa vie privée pour son œuvre. Borkman immole l’amour sur l’autel de sa carrière, d’une manière monstrueuse, voire diabolique, en sacrifiant la femme qu’il aime et sa sœur rivale, qu’il épouse par intérêt. Et c’est aussi un poète à sa façon, un entrepreneur et un créateur.
- Qu’est ce qui fait l’actualité d’Ibsen ?
- Lorsque nous avons crée la pièce à Rennes, en 2008, c’était bien avant la crise financière, et pourtant, durant les répétitions, les faits liés à la débâcle financière se succédaient dans les journaux. Ibsen, cependant, était trop intelligent pour se limiter à une critique du capitalisme. C’est en lui-même qu’il a découvert ces forces dangereuses qui, par les mécanismes du pouvoir économique, échappe à la maîtrise.
- Le théâtre d’Ibsen est habité par de formidables personnages. Cela pose-t-il un problème de distribution ?
- C’est évident, et d’ailleurs, pour cette pièce, j’avais « mes acteurs » avant de décider de la monter, ce qui n’aurait pas été possible hors de la Schaubühne. Je me suis d’ailleurs attaché à constituer une sorte de «famille», comme je travaille en étroite complicité avec Marius von Mayenburg sur les traductions de Shakespeare. L’ennui, c’est que mes « stars » sont également très demandées au cinéma…
- Quel dénominateur commun marque-t-il votre approche d’auteurs si différents que Shakespeare et Ibsen, Lars Noren ou Brecht ?
- Il y a deux « lignes » parallèles dans mes préférences, qui ont pour point commun la prise en compte de la réalité humaine dans sa complexité. Une ligne est plus axée sur les destinées individuelles, comme chez Ibsen, Jon Fosse ou Lars Noren, et l’autre est de type épique, dont Shakespeare est le grand représentant, que j’ai abordé avec Le Songe d’une nuit d’été, Hamlet et Othello, et que je continue d’explorer en lui découvrant tous les jours de nouvelles ressources.
- À quoi travaillez-vous actuellement ?
- Précisément, nous préparons une nouvelle version de Mesure pour mesure de Shakespeare, avec Marius von Mayenburg, pour le Festival de Salzburg d’août prochain. Et je compte bien monter encore quelques autres pièces d’Ibsen. À vrai dire, alors qu’on vient de me décerner un Lion d’or, à Venise, pour « l’ensemble de mon œuvre », je me sens comme au début de ma carrière…
Les fruits amers de la puissance
Avant-dernière pièce du dramaturge norvégien Henri Ibsen (1828-1906), John Gabriel Borkman voit s’affronter, dans un raccourci saisissant (quelques heures d’une nuit d’hiver où se concentrent vingt ans d’illusions perdues), les forces antagonistes de l’ambition et de l’amour. D’un côté, la volonté de puissance « nietzschéenne » du banquier Borkman, qui pensait faire le bien de tous, a été condamné à la prison et a passé les années suivantes à fantasmer sa réhabilitation. De l’autre, deux femmes : Ella qu’il a aimée et laissé tomber pour Gunhild, sa sœur jumelle, épousée par intérêt. Ajoutons à ceux-là le jeune Erhart, qui ne pense qu’à vivre sa vie et dont les deux sœurs rivales s’arrachent les faveurs alors que le père voit en lui un possible successeur.
Mélange de pessimisme lucide et de poésie crépusculaire, la pièce tourne autour d’une sorte de péché sans rémission commis par Borkman en tuant « la vie d’amour », chez celle qui l’aimait et qu’il aimait, pour accomplir son « œuvre ». L’esprit de vengeance de l’épouse au cœur dur, l’impatience du fils fuyant ce nœud de vipères avec une femme plus âgée que lui, la maladie mortelle menaçant la sœur aimante et la « main de fer » terrassant finalement Borkman illustrent la part d’ombre d’une humanité qu’Ibsen « sauve » par de minces rayons de tendresse et de compassion.
Lausanne-Renens, Théâtre de Kéber-Méleau, du 14 au 19 juin. -
Fête à La Désirade
En guise de remerciement à ceux qui l'ont préparée, Maritou et Philip et leur gang, autant qu'à ceux qui en furent. Ce fut une nuit magique, éclairée par des talents de tous les âges - fête de trouvailles et de retrouvailles d'amis venus de partout, des petites bluesgirls sénégalaises au flûtiste-kiosquier de République, de Camille la chanteuse de Belleville à Pascal le pianiste virtuose de Fribourg, du petit chanteur russe de 10 ans à la vieille dame de 100 ans poignée au coeur par la projection de la conquête de l'Everest revisitée par Alex Mayenfisch à peine un mois après la mort d'Erhard Lorétan l'amide longue date, sans oublier Maria la pasionaria débarquée de Sao Paulo où elle a participé à la renaissance du Brésil, entre tant d'autres. Gracias a la vida...
J'aime l'âne si doux, de Francis Jammes, cité par Michèle Pambrun, de Soues en Pyrénées.
J’aime l’âne si doux
marchant le long des houx.
Il prend garde aux abeilles
et bouge ses oreilles;
et il porte les pauvres
et des sacs remplis d’orge.
Il va, près des fossés,
d’un petit pas cassé.
Mon amie le croit bête
parce qu’il est poète.
Il réfléchit toujours.
Ses yeux sont en velours.
Jeune fille au doux coeur,
tu n’as pas sa douceur:
car il est devant Dieu
l’âne doux du ciel bleu.
Et il reste à l’étable,
résigné, misérable,
ayant bien fatigué
ses pauvres petits pieds.
Il a fait son devoir
du matin jusqu’au soir.
Qu’as-tu fait jeune fille?
Tu as tiré l’aiguille…
Mais l’âne s’est blessé:
la mouche l’a piqué.
Il a tant travaillé
que ça vous fait pitié.
Qu’as-tu mangé, petite?
- T’as mangé des cerises.
L’âne n’a pas eu d’orge,
car le maître est trop pauvre.
Il a sucé la corde,
puis a dormi dans l’ombre…
La corde de ton coeur
n’a pas cette douceur.
Il est l’âne si doux
marchant le long des houx.
J’ai le coeur ulcéré:
ce mot-là te plairait.
Dis-moi donc, ma chérie,
si je pleure ou je ris?
Va trouver le vieil âne,
et dis-lui que mon âme
est sur les grands chemins,
comme lui le matin.
Demande-lui, chérie,
si je pleure ou je ris?
Je doute qu’il réponde:
il marchera dans l’ombre,
crevé par la douleur,
sur le chemin en fleurs.
Le poème de Francis Jammes, «J’aime l’âne si doux…» a paru en 1898 dans son recueil De l’angélus de l’aube à l’angélus du soir. Francis Jammes est né en 1868 à Tournay, au pied des Baronnies, dans les Hautes-Pyrénées.
J'espère que votre fête s'est bien passée !
AmitiésJ’aime l’âne si doux
marchant le long des houx.
Il prend garde aux abeilles
et bouge ses oreilles;
et il porte les pauvres
et des sacs remplis d’orge.
Il va, près des fossés,
d’un petit pas cassé.
Mon amie le croit bête
parce qu’il est poète.
Il réfléchit toujours.
Ses yeux sont en velours.
Jeune fille au doux coeur,
tu n’as pas sa douceur:
car il est devant Dieu
l’âne doux du ciel bleu.
Et il reste à l’étable,
résigné, misérable,
ayant bien fatigué
ses pauvres petits pieds.
Il a fait son devoir
du matin jusqu’au soir.
Qu’as-tu fait jeune fille?
Tu as tiré l’aiguille…
Mais l’âne s’est blessé:
la mouche l’a piqué.
Il a tant travaillé
que ça vous fait pitié.
Qu’as-tu mangé, petite?
- T’as mangé des cerises.
L’âne n’a pas eu d’orge,
car le maître est trop pauvre.
Il a sucé la corde,
puis a dormi dans l’ombre…
La corde de ton coeur
n’a pas cette douceur.
Il est l’âne si doux
marchant le long des houx.
J’ai le coeur ulcéré:
ce mot-là te plairait.
Dis-moi donc, ma chérie,
si je pleure ou je ris?
Va trouver le vieil âne,
et dis-lui que mon âme
est sur les grands chemins,
comme lui le matin.
Demande-lui, chérie,
si je pleure ou je ris?
Je doute qu’il réponde:
il marchera dans l’ombre,
crevé par la douleur,
sur le chemin en fleurs.
(Le poème de Francis Jammes, «J’aime l’âne si doux…» a paru en 1898 dans son recueil De l’angélus de l’aube à l’angélus du soir. Francis Jammes est né en 1868 à Tournay, au pied des Baronnies, dans les Hautes-Pyrénées. J'espère que votre fête s'est bien passée !
Amitiés. Michèle.) -
Pute de pub
…Nous aussi on a une Honda, une Honda Jazz, une Honda Jazz nouveau modèle écolo, Honda Jazz Hybrid ça s’appelle, ça consomme limite pas, mais ça se paie, et pour la payer on a bossé les gars, faut pas croire que ça vous tombe du ciel comme ça la Honda Jazz Hybrid dernier modèle – mais quant à faire de la pub à la firme Honda, ça serait quand même limite pute, hein les gars…
Image : Philip Seelen