Celui qui a aménagé un petit jardin suspendu dans le dédale des hauts toits de l’Alfama / Celle qui affirme que la seule bonne action du Dr Salazar est d’avoir freiné le développement des quartiers populaires de Lisbonne qui forment aujourd’hui la plus grande vieille ville vivante dont les touristes de l’Union Européenne trouvent l’insalubrité tellement pittoresque et authentique / Ceux qui se lavent toujours aux bains publics du quartier et votent encore communiste / Celui qui dit aimer le beau désordre des villes du sud mais apprécie un peu moins le chaos des horaires des trams mythiques célébrés par le Guide du Routard surtout le 15 et le 28 / Celle qui descend le matin en robe de chambre à la boulangerie et se fout des regards étonnés des Américaines dont le matriarcat est encore tâtonnant / Ceux qui fuyant les lieux touristiques se retrouvent partout où confluent ceux qui fuient les lieux touristiques / Celui qui se perd dans les rues perdues de l’Alfama / Celle qui prépare se guitare avec des soins maternels / Ceux qui ont une douce pensée à la mémoire de Valéry Larbaud en faisant usage de la machine à visiter la Lune / Celui qui découvre de nouvelles nuances de couleurs appariées en détaillant les couleurs de Lisbonne en fin de matinée / Celle qui n’aime guère l’Œdipe de Francis Bacon qu’elle découvre à Belem dont il est convenu de dire du bien comme de toutes les pièces de la collection Gerardo ou Berardo du nom de ce millionnaire qui a fait fortune en Afrique on ne sait trop comment / Ceux qui trouvent à Lisbonne un rese de poésie que l’effort général tend à massacrer comme partout / Celui que tous les clichés poétiques liés à cette ville font éprouver un début de réelle nausée / Celle qui trouve au Centre culturel de Belem un air de temple antique d’une civilisation morte et vaguement menaçante comme en ont rêvé un Buzzati ou un Kadaré / Ceux qui lézardent sur les pelouses de Belem en essayant d’identifier la nationalité du porte-avions qu’on voit là-bas comme un rappel d’une autre réalité / Celui qui a l’air d’un joli jeune homme fade sur la pochette de son premier disque de fado (la gloire dans le quartier) et qu’on retrouve à l’épicerie voisine en quadra empâté qui achète un plein sac en plastique de fraises / Celui qui note dans le Guide du Routard que la vie nocturne se concentre dans les Docks de Santos où il découvre quelques entrepôts transformés en clubs de remise en forme de luxe ou en restaus branchés comme il y en a dans toutes les anciens ateliers industriels d’un monde qui se cherchait encore dans un travail aliénant alors qu’à présent c’est partout la fête / Celle qui en pince pour le joueur du Benfica qui marque le deuxième penalty contre Liverpool / Ceux qui auraient pu se retrouver au Mozambique à la grande époque du FRELIMO et qui font le bilan de tout ça au très convivial Pois Café quarante ans plus tard sans trop savoir comment ça va en Angola au jour d’aujourd’hui ni d’ailleurs au Portugal dont les gens au moins sont restés plus cools que plus au nord t’es pas d’accord / Celui qui préserve sa joie de l’euphorie / Celle qui cherche un endroit pour dessiner / Ceux qui ont rendez-vous avec eux-mêmes, etc.
Commentaires
" La note de l'intranquillité "
Tel est le titre que je me suis permis de donner à cette note qui sonne tellement juste.
(Signé : un amoureux de Lisbonne.)