Celui qui cuve son fiel dans son aigre retrait / Celle qui guette la moindre défaillance de son tuteur / Ceux qui sapent tout ce qu’on leur propose de constructif / Celui qui bute tous les matins sur l’air renfrogné du portrait de sa belle-mère suspendu dans le corridor aux trophées de chasse de l’aïeul plein aux as / Celle qui est critiquée par ses collègues qu’insupporte sa façon ostentatoire de positiver / Ceux qui recherchent un p’tit coin de ciel bleu dans ce monde leur semblant de plus en plus noir / Celui qui cuve son pessimisme avec cette mauvaise délectation qu’entretient en lui son égomanie de longue date / Celle qui enrage de voir ses jeunes voisins tout joyeux sur le balcon d’à côté / Ceux qui se réjouissent muettement de la faillite de leurs amis Du Perrier finalement bien punis de leur insolente superbe / Celui qui t’annonce avec un ravissement mal dissimulé que ton projet de Jardin Tropical Sur Les Toits n’a pas été retenu par le Jury qu’il préside / Celle qui insinue que c’est pour refouler sa sensualité débridée que notre cousine Jessica fait retraite aux couvent des Ursulines / Ceux qui parlent d’un ton revêche aux jeunes du quartier laissant éclater leur bonne humeur dans le nouveau métro / Celui qui exulte littéralement du matin au soir dans son appart minable d’étudiant en mandarin / Celle qui ne veut pas entendre la Bonne Nouvelle que lui annonce l'évangéliste Colinet / Ceux qui estiment que sourire à la vie dénote un manque de sens moral, etc.
Image : Philip Seelen