Grâce de La garde-robe d’Idelette de Bure Les compères Proust et Mallarmé eussent raffolé, sans doute, du petit livre de grand style qu’Idelette de Bure vient de publier à la seule gloire de ses parures et tournures, n’y faisant en effet que détailler ses toilettes d’un âge à l’autre, jusqu’à ces derniers mots admirables : « Une légère lumière fait chatoyer ma nuque douce, mes cheveux blancs lovés en chignon.
Mais je ne vous fais plus face. Se peut-il qu’une petite honte m’envahisse ? Est-ce la petite tristesse des adieux ?
Soyez indulgents envers l’éplorée.Ses pas sont dorénavant cassés et son jeu est gelé. Il n’y a plus de parures neuves pour la réchauffer. Voici son corps qui dit : Oh ? C’est fini ».
Je pensais, toute proportion gardée évidemment, à la dernière déploration délicatement désespérée de La mort de Didon de Purcell en lisant ces derniers mots, dont la limpidité carnée se délivre de sa dernière bure pour diffondre la pure nonne sans tonsure dans l’ultime soie couvrant de son linceul sa nudité habillée pour l’éternité...Or c’est en gloire juvénile que ce chant gracieux s’amorce, dans une couleur qui est celle-là même de la fille de Gaïa : « De toutes les parures que nous avons portées, celle qui me fut la plus proche était couleur de terre. Une soie de Sienne froissée, coupée de biais : une jupoe au sol, un caraco croisé aux manches très amples. Autant que je m’en souvienne, une sorte de carapace japonaise, comme des ailes de steppe revêtues par une nonne de Gobi ». Et deux pages plus loin cette précision sur l’âge :
« En vérité, cette soie couleur de Sienne était des langes exquis épousant mon corps petit, le berçant, le secourant. Je devais grandir, émerger de cette chrysalide orange, me dépouiller des ses luisances, de ses froissures. Ce fut ma parure préférée, dont trop vite je me défis. Vieillir, il fallait. Non plus la fée fauve ». Très Mallarmé comme on voit, genre divagation en surface profonde et verbe sculpté dans l’ambre à moires, très Proust aussi avec ses « phrases de taffetas » jamais trop évaporées ou précieuses pour autant, dans le ton mélancolique et tendre du Temps retrouvé.
Idelette de Bure. La garde-robe ou les phrases de taffetas. Arléa, 87p.
Commentaires
UNE DAME DU MONDE
D'un pas gracile
Elle s'habille de pudeur
De luxe et de mots fourrés
Elle peut prendre des armures de vent
Des éperons d'argent
Des gantelets de feu
Et un casque de pluie
Mais elle préfère les duvets familiers
La soie ou le taffetas
La préciosité des perles
Des bijoux plein les doigts
Sienne est couleur de l'ombre brûlée
Qui ne vieillit pas
Couleur nue et sans objet
Matière d'arcs-en-ciel
Pour paysage absent
Ah, Idelette de Bure... Je vous conseille la lecture de ses autres ouvrages, tout aussi beaux.