Celui qu’une perspective d’augmentation de 0,7% de son salaire d'employé au Service des Automobiles retient de se jeter par la fenêtre / Celle qui hésite à se faire une nouvelle estafilade sous le sein gauche / Ceux qui se frottent aux troncs de trembles dans la clarté lunaire / Celui qui fait la gueule lorsque lui apparaît enfin les reflets bleu pâle et violets de la glace de l’Alaska dont il rêvait depuis 1733 / Celle qui murmure à l’extrême bord du quai luisant de rosée où passera tout à l’heure le NightExpress / Ceux qui s’estiment lésés par les dernières décisions du Pouvoir Central en matière de zoomanie / Celui qui endosse sa tenue de camouflage d’ornithologue avec une sorte de jouissance guerrière / Celle qui brûle son bouquet de mariée devant le portrait de son père en tenue de champion de golf / Ceux qui se rappellent leur traversée du désert en 4x4 / Celui qui sait tout de l’histoire du sel / Celle qui voit partout des complots du sionisme international / Ceux qui se brossent les dents avec du sable / Celui qui révèle au public des Journées de Poésie de Wildheim qu’écrire un poème équivaut pour lui à se jeter du haut de la Tour de Fer / Celle qui pense que chaque caillou qu’elle ramasse au bord du fleuve contient une âme qu’il lui incombe de délivrer par quelque psalmodie dans la brume / Ceux qui poussent leurs épouses dévouées à la morosité par manque de romantisme et de sexe il faut bien le dire nom de bleu / Celui qui attendait Marion devant la vitrine de l’Heureuse Attente, rue de Rennes, sans se douter qu’elle venait de découvrir qu’il n’était pas le père / Celle qui estime qu’on ne peut pas prêter sa machine à coudre à une surnuméraire malgache / Ceux qui aperçoivent la deux-chevaux verte de leur période rose dans la lumière orange de l’automne lyonnais, etc.
JLK: AutoFace I, huile sur toile, 2007. Photo Philippe Seelen.
Commentaires
Je passais dans la rue où est né François Mauriac , j'ai soulevé la tête , lu encore cette plaque "ici est né François Mauriac le 11 octobre 1885" , je regardais autour de moi , cherchant du regard une quelconque reconnaissance ou l'évocation d'un souvenir ...rien .
Je me retrouve alors à vous l'écrire ...
Vous êtes un puits inépuisable de lecture , est-il possible de trouver auprès de vous quelques réflexions sur René-Jean clot ?merci .
Hélas le puits sans fond a des lacunes, et voilà pourquoi je suis incapable de vous dire que pouic de Clot... Merci quand même de vos gentils mots.