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Le loup sur les ondes

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Marius Daniel Popescu fait l’unanimité de Lectures croisées et de La Librairie francophone.

En principe, l’émission intitulée Lectures croisées, produite et réalisée sur Espace 2 par Louis-Philippe Ruffy, propose un débat critique contradictoire où il arrive souvent que les fers se croisent entre Sylvie Tanette, qui a des goûts affûtés et bien arrêtés, et le sieur JLK, pas moins têtu dans les siens.

Or voici que, pour aborder trois livres de la rentrée romande, après un préambule consacré au thème que j’ai lancé récemment dans la page Livres de notre journal, sous le titre Déclin ou transition, à propos de l’état actuel de l’édition et de la littétarure romande, une pleine unanimité s’est faite autour de La Symphonie du loup de Marius Daniel Popescu, qui a fait la même unanimité des libraires à l’enseigne de la Librairie francophone, sur les chaînes associées par France-inter.

Je l’ai écrit et répété : La Symphonie du loup est un événement littéraire. Parce que son auteur est conducteur de bus ? Nullement, à cela près que mener à bout une telle chronique romanesque alors qu’on a tous les jours 60 tonnes d’humanité à transbahuter à travers Lausanne et environs, relève de la performance.

Mais La Symphonie du loup ne se borne pas à un exploit « sportif » : c’est une extraordinaire prise de parole, d’abord par la voix d’un vieil homme revenu de deux guerres et resté indomptable devant le Parti unique de Ceausescu, qui raconte la mort accidentelle de son fils, plus indomptable encore, à son petit-fils, l’auteur lui-même, dans un premier récit qui se déploie à travers tout le livre au rythme de l’enterrement du père. Ensuite, en alternance avec le prodigieux déferlement des récits « roumains », le fils devenu père, à Lausanne, apprend le monde et les mots à ses deux petites filles, avec une attention tendre qui englobe la présence de la mère et se module sur une voix plus intimiste

Il y a du conteur-musicien gitan chez Popescu, qui brosse un tableau de la Roumanie en déglingue avec un sens du symbole social et politique vécu qui coupe court à toute argumentation idéologique. Ce qu’est le communisme, ce que sont les serviteurs du Parti unique, on le voit par le comportement des gens, qui seraient sans doute aussi serviles dans notre radieux pays. Celui-ci est d’ailleurs vu  avec la même lucidité chaleureuse par Popescu, pour qui tous les humains sont pareils.

c8b72dd85797866d0149f3e36ee3e04a.jpgAinsi que le dit bien Sylvie Tanette dans Lectures croisées, l’un des grands intérêts du livre tient à la situation particulière de cet exilé atypique, qui n’est nulle part et partout chez lui, et dont le regard reste d’une totale liberté et d’une même porosité . Son livre est à la fois un rituel d’observation et d’écriture, d’une poésie à ras l’objet, qui transfigure le quotidien avec une sorte de ferveur sacrée, sans l’édulcorer. C’est en outre une saga au souffle tonifiant, ponctuée de scènes inoubliables. Les premières sept pages, évoquant l’annonce faite à l’adolescent , en train de pêcher dans une rivière, de la mort de son père et le bain que lui donne sa grand-mère, dans lequel il verse les premières larmes de sa vie, sont à pleurer aussi bien. Et la scène du train fou ! La scène du cheval crucifié par les ouvriers ! La scène de l’avortement ! Tant d’autres…  

D’aucuns, dans ce pays où l’on « freine à la montée », comme me le disait mon ami Thierry Vernet, et les mêmes qui jurent au ciel qu’ils aiment les « étrangers », n’ont pas manqué de snober ou de dénigrer Popescu. Moi qui suis son ami, je me suis souvent demandé si l’énergumène, car énergumène il est assurément, parviendrait à mener son grand projet à bon port. La Symphonie n’est pas sans défauts, comme tout ce qui vit surabondamment, et quelques pages auraient pu être élaguées, mais après en avoir vécu l’apparition comme un grand bonheur personnel de lecteur, alors que si peu de voix nouvelles surgissent autour de nous, comment ne pourrais-je me réjouir de voir ce livre accueilli avec reconnaissance, et bien au-delà de nos étroites largeurs, pour son souffle si vivifiant ?        

RSR, Espace 2, Lectures croisées, aujourd’hui  4 octobre à 11h. Reprise à 19h. La Librairie francophone, samedi sur RSR et dimanche sur France-inter. Marius Daniel Popescu a été nominé pour le prochain prix Wepler, attribué le 12 novembre. Invité à l’émission Devine qui vient dîner du 23 octobre, sur RSR 1, j’y ai également invité MDP.

Commentaires

  • Oui ! Ne manquez pas cette " Librairie Francophone " tout à fait exceptionnelle mais, néanmoins, pas autant que le roman de Marius...

  • A ce que je crois savoir, en font également partie André Velter et Jean-Louis Murat. Est-ce bien juste ?

  • Oui c'est bien ça. Etait également présent Boris Bergmann, estampillé " plus jeune auteur de la rentrée " ( 15 ans ) pour son premier ( très mauvais..) roman paru chez Scali. En deux ans d'émissions jamais aucun auteur n'a récolté d'aussi enthousiastes commentaires que Marius. Ce fût un grand moment pour lui comme pour les libraires. Antoine Fron, le libraire parisien m'a récemment confirmé qu'un bon bouche à oreille se mettait en place à Paris ! Les éditions José Corti devront certainement réimprimer plus d'une fois, c'est la victoire du loup !!!

  • Merci pour ces précisions. On signale ce soir le loup dans les Vosges. A lui les petites Alsaciennes...
    Ah mais, Marie, ton nom me rappelle un chevreuil de nos adolescences. Nous courions ensemble dans les bois de lieu en lieu mythique sous les mêmes chemises bleues. Il y avait le Rocher du Diable et le Vésuve, l'Amphithéâtre et l'Arbre aux Pendus. Cela me rend ce soir tout mélancolique de penser à ton papa...

  • Ah ! Les joies du scoutisme ! J'ignorais que vous aviez crapahuté avec Chevreuil. J'aurais voulu qu'il puisse lire " la symphomie du loup ", il a toujours soutenu Marius et avait pour lui beaucoup d'affection. Ce qui fût, est, réciproque. Mais, allez savoir, peut-être qu'il y a , ailleurs, une bonne librairie et un transistor. Rêver et inventer cela ne fait de mal à personne, les livres d'ailleurs sont aussi là pour ça.

  • Pour sûr qu'il y a! Avec mon frère, auquel je n'ai presque pas parlé toute notre vie durant, nous communiquons actuellement avec son vieux poste à galène. Il est au Purgatoire. Comme l'a montré Dante Alighieri qui y est allé voir de son vivant, c'est la région d'Outrepart la plus intéressante. Il s'y trouve encore plein de bars comme le Barbare de la belle époque et plein de librairies comme au Quartier latin du temps d'Adrienne Monnier, puis de Marcel Béalu, de Maspéro, enfin vous voyez quoi. Mon frère s'appelait Marmotte. Chevreuil et Marmotte là-bas ne sont pas interdits de clopes, comme au Paradis où Béatrice fait régner sa terreur... Et puis en Enfer il fait trop noir, et le boucan du HardRocker à cornes empêche de lire tranquillement.

  • Et voilà, cette belle émission est ( déjà ) passée. Souhaitons que Chevreuil, Marmotte ( c'est joli Marmotte ) et les autres n'aient pas été lâchés par leurs transistors et autres postes à galène.
    Et souhaitons aussi que le loup puisse l'écouter demain sur France Inter !
    J'ai eu très peur en forçant presque la RSR de programmer Marius...Peur de l'envoyer au casse-pipe, que les autres libraires n'aiment pas son livre ou ne prennent pas le temps de le lire. Il y a quatre livres par émission et, cette semaine, il y avait trois enregistrements = douze bouquins et " la symphonie de loup " là, au milieu.
    Mais il a un grand pouvoir ce livre-là, celui de réunir les hommes d'ici, d'ailleurs, de partout.

  • Ah, je ne savais pas que vous étiez à l'origine du complot... J'ai écouté l'émission tout à l'heure et cela m'a fait un immense plaisir, autant que lorsque, un soir, j'ai découvert le premier jet du premier chapitre, jeté sur vingt feuillets sans une rature, au moyen de l'Hermès 2000 de la Désirade où le lascar s'était planqué seul trois jours avec son lévrier afghan... Georges Piroué parle des oeuvres qui sortent de la nuit comme des visages éclairés par l'intérieur. C'est exactement le sentiment que j'ai eu en suivant les apparitions successives des séquences de la Symphonie... Merci Marie

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