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Le carton du cinéma suisse

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Une scène de Vitus, de Fredi M. Murer, avec le jeune pianiste prodige Theo Gheorghiu et Bruno Ganz 

Aux 42es Journées de Soleure, pros et public fêteront une féconde année 2006
Le nouveau chef de la Section Cinéma de l’Office fédéral de la culture a de quoi pavoiser : l’année de son intronisation coïncide avec une embellie spectaculaire du cinéma helvétique dans le domaine privilégié de la fiction. Mais Nicolas Bideau y est-il pour quelque chose ?
Rappel des chiffres : en 2006, les films suisses, avec 1,5 million d’entrées, se sont taillé une part de marché record de plus de 10%, certes très loin derrière le cinéma américain (60% des 16,6 millions d’entrées) mais devant la France (8,7%) ou la Grande-Bretagne 8,3%). Dans le top-ten national, seul le Vaudois Jean-Stéphane Bron marque la présence romande avec Mon frère se marie (23.300 entrées), à la dixième place, derrière Grounding de Michael Steiner (367.000 entrées) ou Vitus de Fredi M. Murer (166.000 entrées). Avec 55 films – 18 films de fiction, 15 documentaires et 22 courts métrages -, la présence helvétique s’est en outre notablement accrue dans les festivals internationaux où de nombreux lauriers ont été glanés. Est-ce à dire qu’y en a point comme nous et que « ça baigne » ?
Ce qu’il faut relever, en premier lieu, à l’ouverture des Journées de Soleure, constituant l’aperçu annuel et le forum professionnel du cinéma suisse, c’est que ces « fruits » ne procèdent pas de la nouvelle politique de Bideau, sauf du point de vue de la communication. En outre, le rayonnement international du cinéma suisse, hors des festivals, reste très limité.
« Il est clair, précise Ivo Kummer, que 2006 a été une grande année pour la fiction suisse, et que les films nominés pour la meilleure fiction au Prix du cinéma suisse sont tous d’un niveau remarquable, toutes générations confondues. Par ailleurs, il est évident que le niveau technique et le langage de Grounding, ou de Vitus, correspondent mieux au standards internationaux, et que le public et les médias suisses sont plus réceptifs à notre cinéma, grâce aussi à la politique de communication et au travail des distributeurs. Mais il ne faut pas se griser pour autant : le hasard compte là-dedans, comme le fait que nombre de fictions ont été conçues pour la télévision. La situation reste sensible, et nous devons être attentifs aussi à la défense du film documentaire, l’un des fleurons traditionnels du cinéma suisse. » Cette réserve est également le fait de René Gerber, directeur de ProCinéma, association des exploitants et distributeurs de films, pour qui la production cinématographique est « une affaire cyclique qui connaît des hauts et des bas », réduisant 2006 à « une année normale ».

Et Bideau là-dedans ?
Vitrine annuelle du cinéma suisse drainant un public averti (nettement moins populaire à cet égard que le festival de Locarno), les Journées de Soleure privilégient aussi les débats entre professionnels. Cette année, nul doute que les discussions rouleront (notamment) sur la politique et les méthodes du nouveau Monsieur Cinéma de l’OFC, qui commence à susciter de rudes grognes, surtout outre-Sarine. Communication clinquante d’un haut fonctionnaire qui agit en patron de studio, favoritisme pro-Romand, « jeunisme », interventionnisme excessif sur le contenu des projets : tels sont, entre autres, les reproches que réalisateurs et producteurs adressent (à voix encore basse) à celui qui ne laisse personne indifférent.
«On ne pourra juger de la politique de Bideau que dans deux ou trois ans, pondère Jean-Stéphane Bron, qui note aussi, comme ses pairs Lionel Baier ou Frédéric Choffat, que l’exigence d’un cinéma plus ouvert au public est une bonne chose, et que l’effort de communication a contribué à battre en brèche l’image d’un cinéma suisse mortifère.
N’empêche : l’impression que Nicolas Bideau en « fait trop » pour la galerie, sans avoir les moyens de ses proclamations, relançant le vœu de Pascal Couchepin d’un cinéma suisse qui « cartonne », est partagée même par ceux qui ont salué son arrivée. « On parle trop du cinéma suisse et pas assez des films », remarque Lionel Baier, alors qu’Ivo Kummer rappelle qu’il en est du cinéma comme du sport : défendre ainsi les seules disciplines spectaculaires est insuffisant, voire dommageable pour l’ensemble de la production. Et Frédéric Choffat de comparer le cinéma d’auteur à l’agriculture de montagne, dont le soutien n’a pas à être sacrifié à la course aux chiffres…

Atouts et découvertes
Limousines et tapis rouge pour la cérémonie relookée du Prix du cinéma suisse : on va voir ce qu’on va voir le 24 janvier au soir, où cinq films sont en lice pour la meilleure fiction 2006, notamment. Favoris : Vitus de Fredi M.Murer, sélectionné pour les Oscars, Grounding de Michael Steiner et Das Fraülein d’Andrea Staka, déjà couronné à Locarno. Vaillants nominés vaudois : Lionel Baier et Jean-Stéphane Bron.
Entre autres nouveautés à découvrir dont parle la rumeur: Das wahre Leben du très prometteur Alain Gsponer, évoquant les désarrois exacerbés d’un adolescent dans une famille contemporaine « surbookée ».
Dans les grandes largeurs, la rétrospective consacrée au maître imagier Renato Berta (lire 24Heures du ) jouxte une nouvelle bourse aux clips, un (chiche) hommage à Daniel Schmid (avec la seule Paloma…), le (riche) Panorama de la production suisse (235 films), la section transfrontalière Passages, des débats, etc.
Ouverture aujourd’hui en présence du Conseiller fédéral Samuel Schmid et d’une escouade de parlementaires.

Romands en lice
Au nombre des films de réalisateurs romands présentés à Soleure, il en est dont on a déjà parlé l’été dernier, tels Mon frère se marie de Jean-Stéphane Bron, La liste de Carla de Marcel Schüpbach, La traductrice d’Elena Hazanov, Qué viva Mauricio Demierre de Stéphane Goël ou Jeu de Georges Schwizgebel, présentés à Locarno. D’autres ont été révélés entretemps, de Comme des voleurs de Lionel Baier à La vraie vie est ailleurs de Frédéric Choffat. A ceux-là s’ajoutent plusieurs dizaines de « longs » ou « courts » à découvrir, comme la dernière réalisation de Claude Goretta, Sartre, l’âge des passions, un bref docu de notre consoeur Anne Cuneo intitulé Max Bollag, galerist, ou l’évocation, dans Vivement samedi ! d’Emmanuelle de Riedmatten, du parc de Vidy-Lausanne, haut-lieu de rencontres multiculturelles.
Fort attendu enfin: Voler est un art, le film d’investigation de Pierre-André Thiébaud, consacré au « casse» perpétré à Genève en 1990 contre l’UBS, et racontant les tenants et aboutissants de ce hold-up, témoins à l’appui. Une sorte de docu-thriller…

Soleure. 42es Journées du cinéma suisse, du 22 au 28 janvier. Infos : 032 625 80 80. Ou http://www.journeesdesoleure.ch/

Commentaires

  • Depuis que Bideau (fils) a été nommé champion du swiss movie à Berne, il ne perd jamais une occasion de mettre en pratique la méthode Coué : "Le cinéma suisse existe vraiment... Le cinéma suisse existe vraiment ...".
    Le hic, c'est que j'ai toujours l'impression d'assister à la même vieille rediff' des productions Plan fixe sur l'ennui.
    Le cinéma suisse de fiction - on a de bons documentaristes - souffre de rétention : le plaisir, le leur et celui du spectateur ferait-il peur à nos réalisateurs ?

  • Vous n'y êtes pas du tout. Vous n'avez visiblement pas vu les films produits en Suisse récemment, qui n'ont rien d'ennuyeux et qui excellent aussi dans la fiction. Vitus de Fredi M. Murer est un grand film d'émotion, passionnant, Garçon stupide de Lionel Baier, ou Comme des voleurs, sont des fictions d'une écriture remarquable, au regard acéré sur notre monde. Das Fräulein d'Andrea Staka fait une carrière internationale et les films de Michael Steiner, Grounding et Mein Name ist Eugen, n'ont rien de "retenu". Votre préjugé est celui qui persiste dans une certaine critique, mais vous feriez bien d'y aller voir: Bideau n'y est pozr rien, mais il y a du cinéma en Suisse, qui existe et qui mérite autant d'intérêt que le jeune cinéma belge ou français, d'autant plus qu'il n'y a aucune industrie du cinéma dans le périmètre..

  • La photo seule, déjà, donne envie de voir ce film et d'aller à ce festival. Quel geste !

  • Désolé, mais j'ai beaucoup de peine à vous suivre. Deux ou trois films comme "Grounding" ou "Vitus" ne font pas un cinéma contemporain. Sans parler des abherrations des diffuseurs relevées encore dans Le Temps : il faut attendre une année pour qu'un film alémanique passe dans les salles romandes ! Et puis, que voulez-vous, j'ai encore en mémoire les galères financières et humaines vécues par des connaissances pour monter leurs productions et les faire vivre ici. Un exemple récent : "Aime ton père", un bon film de Jacob Berger né et élevé à Meyrin (Genève) qui fut traité par le mépris jaloux des professionnels de la profession suisse. Au final, une diffusion quasi clandestines à des heures impossibles, la version DVD éditée par une boîte canadienne, etc. Mais Jacob s'accroche... depuis Paris. Rien à faire, les gesticulations de Bideau (fils) en quête de glam(our) sont pathétiques; quelques robes du soir et deux ou trois "pingouins" ne font pas une crédibilité.
    Je le cherche encore le cinéma suisse.
    Cordialement.

  • En guise de P.S : si je ne crois pas à l'appellation selon moi usurpée de "cinéma suisse", en revanche il y a des cinéastes - jeunes ou plus expérimentés - en Suisse qui 11 mois et 1/2 par ans se battent, souvent en solitaires, contre l'inertie, la bêtise et surtout l'incompétence de décideurs (?) privés et publics dont le cahier des charges est justement de soutenir la création locale, régionale et nationale.* C'est là que le bât blesse. Ce pays n'aime sa propre création vivante - ou alors pasteurisée et estampillée officielle - et cela ne s'applique pas uniquement aux images qui bougent, hélas ! Bien sûr, on peut s'agiter sous les confettis, les lights et devant les micros et les caméras complaisamment tendus des médias helvétiques, une fois par an à Soleure et se la péter en (se) faisant croire à un cinéma national, mais la réalité est nettement moins glorieuses quand on sait qu'il faut des années obscures pour espérer monter un dossier viable et qu'à chaque nouveau film, on repart à zéro, on est considéré comme un débutant, un inconnu. (la réponse récente de Tanner à Bideau fils dans Le Temps est éloquente et justifiée.) Désolé, mais je ne partage pas un enthousiasme que je trouve très saisonnier. (Soleure oblige)
    Cordialement.
    * Je fais la différence entre une Romandie (affligeante) et les villes alémaniques où effectivement une génération de cinéastes trentenaires émerge car elle est prise au sérieux par les producteurs et les sponsors, mais delà à parler d'un cinéma suisse, il y a un grand pas...

  • Vous avez à la fois raison, un peu, et tort, beaucoup. Pour ma part, je me moque complètement de savoir s'il y a un cinéma suisse ou s'il y a du cinéma en Suisse. Prétendre qu'il n'y a rien revient exactement à ce slogan imbécile des fonctionnaires de la culture, à Sévile, qui jouaient sur le slogan démagogique et stuide: La Suisse n'existe pas. Le cinéma qui se fait en Suisse ne se réduit pas à Vitus ni à Grounding. Il y a ces jours des centaines de films, à Soleure, faits avec peu de moyens, parfois sans intérêt, parfois admirables, dans tous les genres, courts ou long, animation ou documentaire. Ce que vous dites sur la carence de distribution est exact. Sur les gesticulations de Monsieur Cinéma, je ne suis pas plus dupe que vous. C'est le même qui a taxé Vitus de film de vieux, avant de plastronner, hier soir, avec un ministre de la culture pas moins opportuniste. Tout ça ne me fascine pas, croyez-le. Mais les films sont là. Les Romands nuls ? Avez-vous vu les films de Baier, de Bron, de Melgar, d'Ursula Meier ? S'ils étaient belges, on se pâmerait. Doivent-ils punis de venir de Suisse et de parler, aussi, de la réalité d'ici ? On dirait que vous avez honte de ce pays. Il est ce qu'il est et je ne suis guère chauvin, mais la réalité est intéressante partout et les artistes vivants dont on dit qu'ils n'existent pas, comme vous, on les tue un peu plus...

  • La Suisse est je crois le seul pays où on peut voir un "ministre" du cinéma remettre le prix d'interprétation à son... père. Un raccourci saisissant.
    http://www.letemps.ch/template/culture.asp?page=10&article=198978
    Cordialement.

  • Le raccourci, c'est vous qui le faites, car ce n'est pas Nicolas Bideau qui a remis le prix à Jean-Luc. Bien plus obscène: la remise du prix du Meilleur film de fiction à Fredi M. Murer, pour Vitus que Nicolas Bideau n'a jamais défendu, plastronnant finalement avec le vrai "ministre" de la culture Pascal Couchepin en blaguant cyniquement sur les attardés de mai 68. Dans le genre on n'aura pas fait mieux en effet...

  • C'est juste, merci d'avoir précisé. C'est tout de même un peu gros. Après cette navrante farce, les scénaristes, les jeunes et moins jeunes cinéastes et les boîtes de prod suisses (et en Suisse) retourneront à leurs galères et à leurs incessantes quêtes de fonds. Car ce tandem ubuesque réuni autour du discours volontariste néo-libéral de Couchepin "Quand on veut, on peut, nom de dieu !" et des illusions grand public* de Mr Cinéma ne changera bien sûr rien à la situation générale.
    Cordialement.

    *Une expression fourre-tout qui ne dit plus rien.

  • Cette fois, hélas, je suis d'accord avec vous. J'ai vu hier soir un film remarquable, d'un tout jeune Suisse qui est allé chercher fonds, acteurs et technique en Allemagne. Ca s'appelle Das wahre Leben, La vraie vie. Proche de La vraie vie est ailleurs de Choffat, mais beaucoup plus ambitieux et abouti. Du cinéma suisse ? Bien plus que ça. Mais ça parle d'une réalité qui est aussi d'ici. Cela seul m'intéresse. A part ça, plein de courts vides ou nuls, soutenus par l'OFC, et quelques perles. Comme partout: le talent passe, et les Bideauchons n'y sont pour rien.

  • Excellents, ces "Bideauchons" ! Je les retiens.
    Il y a un autre festival, le FIPA qui se tient à Biarritz jusqu'à dimanche. On y parle de plus en plus d'une palme pour un docu bouleversant d'un humanisme vrai jamais mièvre que j'ai eu la chance de voir à l'état de copie de travail. Il s'agit "Le papier ne peut pas envelopper la braise" (quel beau titre !) de Rithy Panh qui avait signé "S 21, la machine de mort khmère rouge" en 2002. Ce film à l'écriture posée et à l'image d'une sobriété exemplaire nous montre la vie quotidienne de prostituées cambodgiennes. Elles sont approchées par la caméra avec une tendresse et une douceur qui tranchent avec la dureté de leurs propos à l'adresse d'une société qui les utilise chaque jour, les méprise avant de les oublier. Il sera certainement diffusé par TSR2.

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