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Grandeur et ruine de Mokhor


Une épopée poétique flamboyante de René Zahnd
C’est l’histoire éternelle de la grandeur et de la ruine d’une cité humaine, qui devrait sa fortune à l’exploitation d’un gisement de sel. La Mokhor de René Zahnd fait évidemment penser aux royaumes disparus de l’Afrique d’avant la colonisation, et les échos de celle-ci, les tribulations des indépendances et des dictatures qui en sont issues se perçoivent également au fil de ce poème épique, mais le palais décati dont le narrateur est le gardien pourrait être celui de L’automne du patriarche, et ses décombres évoquent à la fois ceux de la récente Guerre de Lars Noren. L’ample chronique qui se déploie, tissée d’épisodes à la fois réalistes et légendaires, de contes et de petits dialogues frottés d’humour où apparaissent notamment une petite fille aux questions candides, un guérisseur charlatan, un chef de guerre et un militant désespéré, saisit par son pouvoir d’évocation et son mélange de vitalité et de tristesse, rappelant les écrits de maints auteurs du tiers-monde, tel Le pleurer-rire d’un Henri Lopes. En crescendo prenant, l’histoire aboutit à l’affrontement symbolique du poète-rebelle Bakour et du guerrier Yarko, qui se disputent les faveurs d’une Meryem rappelant, non sans emphase, une certaine Hélène antique…
Fou d’Afrique, dont il aime et connaît les couleurs, les oiseaux, les femmes (superbement célébrées en l’occurrence), les gens et leur culture, René Zahnd a composé Mokhor, sans doute son plus beau texte de théâtre à ce jour, pour Hassane Kouyaté, lequel se réapproprie physiquement la partition, entre murmure hypersensible et clameur, avec autant de naturel malicieux que d’intensité dramatique. Dans un beau dispositif scénographique de Gilles Lambert, évoquant un campement sommaire que domine une échelle-tour dont le relief s’accuse sous les éclairages clair-obscurs de Liliane Tondellier, Philippe Morand règle une mise en scène à la fois rigoureuse et limpide, rendant la poésie de l’ouvrage, et ses multiples flèches de sens, avec générosité.
Lausanne. Théâtre de Vidy, en reprise.

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