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Eros surréaliste

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Visite à Max Schoendorff, en son atelier de Lyon.


D'aucuns n'en finissent pas de proclamer la mort de l'art, et certain jeune Lyonnais précoce du nom de Max Schoendorff, au début des années 1950, fut de ceux qui prirent au sérieux Marcel Duchamp lorsqu'il colla des moustaches à la Joconde pour symboliser la table rase qu'il prônait contre tout académisme. Issu d'une génération marquée par le doute et par le sentiment universel de l'absurde (deux guerres monstrueuses y portaient assez naturellement, entre autres), Max le rebelle, fils de professeur de lettres très cultivé, lui-même fou de littérature et de philosophie (dont il poursuivit l'étude jusqu'en khâgne) et manifestement voué à une carrière littéraire, choisit contre toute logique, et malgré son peu de dons naturels en ce domaine, de se consacrer exclusivement à la peinture dès les années 1954-55.
Un peu moins de cinquante ans plus tard, avec plus de trois cents toiles à son actif, un long compagnonnage auprès de Roger Planchon en son Théâtre National Populaire, et la mise sur pied du Centre international de l'estampe (à l'enseigne de l'URDLA), Max Schoendorff n'a rien pour autant de l'artiste arrivé même si, il y a quelques années, une grande toile de sa composition était présentée à l'Assemblée nationale, au milieu de vingt autres tableaux des peintres français les plus en vue, pour célébrer les cent trente ans de la Commune.
Dans son extravagant appartement-atelier de la rue Victor-Hugo, tenant de la caverne d'Ali-Baba et du dédale bibliophilique à la Borges, de l'exposition surréaliste (Madame collectionne les objets de piété les plus kitsch au monde, et Monsieur les fouets mécaniques à battre la crème, les boîtes de cigares et les curiosités ramassées aux puces de partout), Max Schoendorff raconte la relation, toujours étonnante et renouvelée, qu'il entretient avec la peinture et, singulièrement, avec chaque toile dont il dit connaître le «prénom».
«Je peins mes tableaux pour savoir ce qu'ils sont. Etranger à la dispute opposant «figuratifs» et «abstraits», je n'ai jamais vécu, pour autant, la peinture en terme de représentation. A l'origine, la découverte de Max Ernst m'a prouvé qu'on pouvait développer, au sein de la peinture, un propos qui se rattachait d'une certaine manière à la philosophie ou à la poésie. Or, j'ai toujours attendu la même chose de la peinture: cette découverte de ce que je n'arriverai pas à toucher avec la raison. Cette idée que la pensée n'est pas forcément constituée en discours découle du romantisme allemand, en rupture avec la raison latine, et de ces tendances de l'Est et du Nord à lier la compréhension de la matière avec le monde de l'esprit et de l'inconscient.
«Là-dessus, d'accord avec les surréalistes, j'ai toujours pensé qu'il y avait une unité de la pensée et que le langage est aléatoire.»
Avec une sorte de candeur, Max Schoendorff n'en est pas encore revenu du fait que sa peinture, non seulement soit reconnue comme telle par les autres, mais puisse toucher ceux-ci.
«Quand on est convaincu de l'inanité des choses, comme je l'étais dès ma jeunesse, et dans l'absence totale de critères transcendants, la question se pose de savoir ce que ça peut vouloir dire encore de parler, de faire des gestes, de marcher. C'est la question même de Beckett. Dans la peinture, qu'est-ce qui fait que l'idée d'ajouter une forme à l'autre, une couleur à l'autre, puisse encore signifier? Il y aurait beaucoup de raisons pour que cette succession de gestes qui se font plus ou moins à l'aveugle aboutisse à une accumulation chaotique qui ne dise rien d'autre. Or, ça répond bel et bien à des nécessités et à des lois. Pour ma part, je suis en dialogue perpétuel avec toute l'histoire de l'art de tous les temps et tous les pays. Mais aussi, chaque tableau veut dire autre chose. A part les données initiales que vous posez, c'est le tableau qui vous dit de faire ceci ou cela, jusqu'au moment où il vous fait comprendre que c'est fini.»


Cette référence de Max Schoendorff à un processus organique commandant à sa peinture se retrouve, à l'évidence, dans la substance même de ses tableaux, dont chacun se constitue en «corps» de chair ou de rêve.
«On a toujours parlé de ma peinture comme fortement érotique, mais je n'ai jamais voulu figurer les actes du sexe. En revanche, je n'ai jamais envisagé le rapport avec le tableau autrement que dans l'amour physique. Donc je n'ai jamais cessé de vivre la peinture comme un désir, non tant par le sujet que par la tension des formes, des couleurs et du mouvement.»

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