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  • Du jamais vu !

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    Au jour de la mise en vente de La Meute de Yann Moix, ce 25 février, Pascal Vandenberghe directeur général de Payot Librairie, exprime publiquement ce qu'il pense de ce livre, pourquoi il le vendra sans le mettre en avant et comment il "recyclera" les bénéfices de cette vente.

    Fallait-il en parler ? Après l’émotion suscitée, tout d’abord par la publication d’extraits du livre de Yann Moix, La Meute, sur le site de la revue française La Règle du Jeu, ensuite par l’interview que l’auteur a accordée au Matin le 2 février, fallait-il revenir sur ce sujet à quelques jours de la parution du livre, au risque de lui faire une publicité supplémentaire malvenue ? N’est-ce pas lui accorder plus de visibilité qu’il n’en mérite, et participer ainsi à la volonté de l’auteur de faire parler de lui ? « Il faut que les hommes fassent du bruit, à quelque prix que ce soit - peu importe le danger d’une opinion, si elle rend son auteur célèbre », écrivait Chateaubriand dans son Essai sur les révolutions.
    Certes, nous aurions pu choisir de ne pas nous exprimer sur ce sujet. Mais de nombreux lecteurs nous ont interrogés : allons-nous vendre ce livre ? Si oui, pourquoi ? Et, pour certains, il a paru choquant que Payot puisse gagner de l’argent avec ses ventes. C’est afin de clarifier les choses que nous affichons aujourd’hui notre position.

    Des lecteurs adultes et responsables
    Oui, ce livre sera en vente dans les librairies Payot : notre mission est de favoriser l’accès à tous les livres pour tous les lecteurs. Nous considérons les lecteurs comme adultes et responsables, et capables de se faire une opinion par eux-mêmes. Nous n’avons ni à pratiquer la censure, ni à nous substituerà la loi : si un livre n’est pas interdit, sur quelle base nous arrogerions-nous le droit de nous constituer en directeurs des consciences ? Le mettre ainsi à disposition de nos clients ne signifie pas pourautant en partager les thèses. C’est donner à chacun la possibilité de se faire sa propre opinion, en ayant accès au texte dans son intégralité. Dédramatiser n’est pas minimiser La lecture de l’intégralité du texte permet d’une part de remettre les choses dans leur contexte, d’autre part de vérifier dans quelle mesure les soi-disant « extraits » publiés sur le site de La Règle du Jeu se retrouvent bien in extenso dans la version finale publiée. Le livre de Yann Moix comporte 266 pages et est constitué de 26 chapitres, dont un seul est consacré à la Suisse. S’il est bien titré « Jehais la Suisse », sa teneur en est toutefois beaucoup moins virulente que ce qui a été publié le 31 janvier. Yann Moix y tient bien des propos virulents contre la Suisse, mais pas contre les Suisses, contrairement à ce que son interview au Matin pouvait laisser penser. Les propos restent critiques, mais l’injure et l’insulte directes sont nettement atténuées dans le livre. Il termine le chapitre (pp. 218 et 219) en reconnaissant avoir volontairement provoqué un buzz de façon à prouver ses dires sur ce qu’il appelle « la meute ». Tout cela serait donc simple provocation destinée à faire réagir. On doit reconnaître que, de ce côté-là, ce fut réussi.
    Mais on ne peut pas en dire autant du livre lui-même : la lecture des vingt-cinq autres chapitres est édifiante. Car le chapitre 22 consacré à la Suisse n’est ni plus ni moins crédible que le reste : l’ensemble est affligeant d’interprétations historiques erronées, de distorsions de la réalité, d’arguments contestables, de conclusions fallacieuses. Si Yann Moix s’érige en avocat de Roman Polanski, alors ce dernier est bien mal défendu !
    Le rôle de prescripteur du libraire
    Par principe, nous ne critiquons jamais un livre négativement. En règle générale, nous choisissons de défendre et promouvoir les livres que nous avons aimés ou trouvés intéressants, mais nous n’attaquons pas ceux que nous n’aimons pas : ceci est du ressort des critiques littéraires. La Meute constitue donc bel et bien une exception, la critique négative étant justifiée par la provocation stupide et déplacée de l’auteur, son dénigrement outrancier de la Suisse dans sa « campagne de promotion ». Cela méritait, à nos yeux, une prise de position sans ambiguïté.
    Gagner de l’argent avec ce livre ? Vendre ce livre ne signifie pas pour autant en faire la promotion, ni accepter de gagner de l’argent avec lui. S’il sera bien en vente dans les librairies Payot, il ne bénéficiera d’aucune mise en avant : ni vitrine, ni piles sur les tables. Il sera simplement présent dans le rayon « Actualité », accompagné de ce communiqué de presse. Par ailleurs, nous avons décidé de reverser la totalité des marges dégagées par les ventes de ce livre à une fondation de notre choix, en l’occurrence la Fondation Théodora (www.theodora.org), dont la vocation est d’apporter aux enfants hospitalisés un peu de rêve dans leur quotidien de petits malades.


    Pascal VANDENBERGHE
    Directeur général de Payot Librairie.

    Commentaire de JLK: Ainsi qu'on pouvait s'y attendre, la prise de position de Pascal Vandenberghe a déjà suscité diverses réactions, pas toutes favorables. On dira probablement: courage. Courage d'un professionnel de la librairie qui ose prendre parti dans un débat public à propos d'un produit qu'il est censé vendre les yeux fermés, au garde-à-vous devant l'éditeur et le distributeur. On connaît Pascal Vandenberghe: le type du patron de librairie actif et réactif, qui défend le livre avec passion et compétence. Mais on pourra se dire aussi: complaisance, politiquement correcte, à l'égard d'un public enfiévré par la critique d'un auteur en mal de publicité. On a lu les propos provocateurs, voire imbéciles, d'Yann Moix dans les médias. D'aucuns ont même parlé d'interdire La meute à la vente. On en a jugé avant même d'avoir lu La Meute. Pas touche à la Suisse ! On croit rêver. Or, voici que Pascal Vandenberghe nous dit que La Meute n'est pas qu'une insulte à la Suisse (d'ailleurs moins pire qu'on ne pouvait s'y attendre au vu des propos débiles de l'auteur) mais également une injure faite à l'honnêteté intellectuelle. Ah bon ? Et ce délit mériterait qu'on mette le livre au pilori, ou disons au semi-pilori ? Mais n'est-ce pas ouvrir, du même coup, la voie à une nouvelle forme de censure prescriptive ? La mise en garde de Pascal Vandenberghe relève du jamais vu, à notre connaissance, et mérite pour le moins débat. Quant au produit des marges bénéficiaires reversé à une bonne oeuvre, disons gentiment qu'elle fait sourire. À qui seront versées demain les marges bénéficiaires des livres jugés comme des "crimes" contre l'humanité. À qui profitera demain la vente admise-refusée de Mein Kampf ? Aux victimes du génocide ?   

  • Du Livre à la Toile

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    À écouter: l'émission Médialogues de Martine Galland et Alain Maillard: http://www.rsr.ch/la-1ere/medialogues

    La critique des livres perd sa place dans la presse, la trouvera-t-elle sur internet?

     "De toute évidence, une société littéraire est en train de disparaître", écrit le journaliste, écrivain et blogueur Jean-Louis Kuffer dans son éditorial du Passe Muraille N0 79 d'octobre 2009.

    "Le déplacement sur la Toile va-t-il s'amplifier et se recentrer, ou au contraire se vaporiser dans une nébuleuse de parlotte?" L'avis de Jean-Louis Kuffer.

     Avec la participation de Dominique Antoine, président d'un club littéraire parisien. Mandaté par France Télévision pour développer la place laissée aux écrivains sur le Net, il produit "Interlignes", sur "curiosphère.tv", la webtv éducative de France 5.

    Avec également les commentaires de Slobodan Despot, directeur des éditions Xénia, premier éditeur en Suisse romande à faire paraître certains de ses titres en version numérique.

     ENVERS ET CONTRE TOUT

    Edito

     

    À quoi ressemblera la scène littéraire dans vingt ans ? Qu’en sera-t-il de la littérature française ?  Y aura-t-il encore des éditeurs romands ? Les médias de la prochaine génération parleront-ils encore de livres ? Un journal littéraire tel que Le Passe-Muraille aura-t-il survécu, sous cette forme, à tout ce que nous observons au seuil de l’année 2010 ?

    Ces questions se posent une nouvelle fois au vu de la dernière rentrée littéraire d’automne, marquée par la prolifération de livres parus dont seule une minorité sera remarquée et commentée, dans une aire de légitimation (surtout médiatique) de plus en plus restreinte. De toute évidence, une société littéraire est en train de disparaître, dont on ne sait ce qui la remplacera. Les revues et les journaux spécialisés de naguère, les rubriques et tous les vecteurs de la critique littéraire sont-il d’ores et déjà condamnés, où le discours sur le livre se redéployera-t-il sous d’autres formes ? Le déplacement déjà bien perceptible de sa migration sur la Toile va-t-il s’amplifier et se recentrer, ou au contraire se vaporiser dans une nébuleuse de parlote ?

    D’aucuns, non sans Schadenfreude, concluent à la fin de la culture en général, et de la littérature en particulier. Plus rien ne se ferait, selon eux, qui fût digne d’attention ; et de ne plus faire attention à rien  de ce qui se fait.

    Or, à ce catastrophisme inattentif, Le Passe-Muraille se propose de résister encore et encore par un regain, précisément, d’attention à ce qui se fait malgré la massification et la montée de l’insignifiance. Transmettre et découvrir, renouer les liens entre passé et présent, rendre justice aux œuvres oubliées, accueillir les écritures d’avenir, et qu’importe que ce soit par le Papier ou la Toile - envers et contre tout !

     

         Les carnets de JLK: http://carnetsdejlk.hautetfort.com/livre

  • La passion du livre

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    Sylviane Friederich fait passer le livre comme un témoin d’humanité

     

    « Je suis autodidacte à 100% », rappelle volontiers Sylviane Friederich même si, en matière de lecture, elle en sait autant sinon plus que moult lettrés. Libraire quasi légendaire pour son accueil et ses compétences, présidente en exercice de l’ASDEL (Association suisse des libraires, distributeurs et éditeurs), choniqueuse littéraire à ses heures (au Temps et à la Librairie francophone) jusqu’au moment où, l’an dernier, les éditions In Folio lui confièrent la direction de leur nouvelle collection de littérature, la patronne de La Librairie  n’a rien pour autant du bas-bleu. Aussi débonnaire en apparence que rigoureuse et tenace, il y chez elle de la militante (notamment pour le prix unique du livre) et de l’humaniste.

    « A la maison, on ouvrait plus souvent une bouteille qu’un verre », précise cette fille de tonneliers-cavistes. «La bibliothèque familiale se résumait à peu près à la série des classiques Nelson, mais ça m’a permis de me « faire » la totale des Dumas, entre autres Balzac et Zola. Celui-ci m’a marquée par ses descriptions de la misère des villes et des campagnes, et m’a transmis un début de conscience sociale et politique. Et puis il y avait la bibliothèque locale que j’ai écumée. Mais en fait, c’est surtout avec les autres que j’ai appris »…

    Les premiers « autres » seront, à sa seizième année, à Zurich, dans une librairie anglophone fréquentée par un certain Kokoschka et les artistes de l’opéra voisin, des amis libraires qui lui révèlent un nouveau monde après l’éteignoir d’un bref séjour à l’Ecole normale lausannoise. «J’y ai aussi rencontré le mythique Wenger, tenancier de la librairie française, auquel, toute jeunote, j’ai acheté ma première gravure de Franz Anatol Wyss, pour 80 francs – une sacrée somme… » Dès cette époque, son double goût pour la littérature et la peinture ne cessera de cohabiter. Après un apprentissage en bonne et due forme à la librairie protestante de L’Ale, à Lausanne, elle assouvira mieux cette passion à la librairie-galerie Melisa, à la rue de Bourg, auprès du libraire-écrivain Roger-Jean Ségalat chez lequel défile la fine fleur de l’intelligentsia locale. A l’approche de la trentaine, après une escale à la galerie de L’Entracte où elle élargit le cercle de ses amis artistes ou collectionneurs, Sylviane Friederich se lance, soutenue par quelques amis, dans la belle aventure personnelle de la librairie-galerie Couvaloup, qu’elle installe dans les murs pittoresques d’anciennes écuries. C’est là qu’elle accueille maints artistes et qu’elle commence à constituer un fonds de librairie à sa ressemblance, nullement confiné ou trop spécialisé mais ouvert au monde: éclectique. Un quart de siècle plus tard, c’est enfin dans un ancien atelier industriel de la rue des Fossés  que La Librairie se transporte, bel espace en dédale de plain-pied et plus spacieux, plus chaleureux aussi, où les enfants se trouvent aussi à l’aise que les esthètes, les fouineurs et les amis.

    De la génération des soixante-huitards, Sylviane Friederich a été marquée par les grandes figures de la contestation et de la résistance intellectuelle, de Martin Luther King à Hannah Arendt. Dans le même esprit, elle a toujours défendu les porte-paroles des cultures périphériques, sans oublier la Suisse romande. « La lecture est un cercle infini, qui m’a conduit à travers tous les siècles et les pays. Il y a parfois des chocs, comme la découverte de Cent ans de solitude de Garcia Marquez. Mais il y a aussi des découvertes plus intimistes, qu’on transmet comme des secrets. Je pense à La Demande de Michèle Desbordes ou aux livres de Sylvie Germain, qui est d’ailleurs venue à La Librairie de son vivant.

    La Librairie, précisément, qui tient du salon débonnaire où l’on s’attarde volontiers seul ou  entre amis, obéit elle-même à une véritable « mise en scène », selon l’expression de la maîtresse de céans. Non du tout pour la frime mais pour s’opposer à la frénésie ambiante.  «La librairie devrait être un témoin de l’Histoire », conclut aussi bien Sylviane Friederich.

     

     

    En dates

    1950. - Naissance à Morges, dans une famille de tonneliers-cavistes.

    1966. -Première expérience en librairie, à Zurich, après un début d’Ecole normale insatisfaisant.

    1967. Apprentissage de libraire à la Librairie protestante de l’Ale, à Lausanne. Proche de la bohème lausannoise et des milieux artistiques et intellectuels.

    1974. Collaboratrice de Roger-Jean Ségalat  à la Librairie-Galerie Melisa, à Lausanne. Se passionne autant pour la littérature que pour les arts plastiques.

    1978. Fondation de la Librairie-galerie de Couvaloup, à Morges. Y organise de nombreuses expositions.

    2003. Installation à La Libraire, dans une ancienne quincaillerie de la rue des Fossés. Expositions, animations, conférences, signatures.

    2005. Présidente de l’ASDEL. En première ligne du combat pour la réglementation du prix du livre.

    2008. Directrice littéraire de la collection Littérature aux éditions In Folio.

  • L’empire d’une passion


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    Entre Lausanne, Paris et la Pologne, Vera Michalski développe, à l’enseigne de Libella, un groupe éditorial de plus en plus influent, regroupant Noir sur Blanc, Buchet-Chastel, Phébus, Maren Sell et Anatolia. Rencontre.

    L’éditeur parisien Jean-Pierre Sicre, qui lui en veut férocement… d’avoir sauvé Phébus, sa maison littéraire au prestigieux catalogue, l’appelle « la femme à la hache ». Vera Michalski « tueuse » ? L’appellation cadre mal avec le style et les choix de la co-fondatrice des éditions Noir sur Blanc, crées à Montricher en 1986 avec son mari polonais Jan Michalski pour jeter un pont vers ce qu’on appelait alors l’Autre Europe. De la même façon, le qualificatif de « riche héritière », que d’aucuns ressassent pour minimiser son mérite en rappelant son lien familial avec l’empire Hoffman-Laroche, ne saurait éclipser l’exigence intellectuelle et littéraire qu’ont fait valoir les Michalski en élaborant le catalogue de Noir sur Blanc avant de racheter les légendaires éditions Buchet-Chastel (où parurent Henry Miller, Lawrence Durrell ou Roger Vailland) et de les revitaliser complètement, sauvant en outre Phébus de la faillite et accueillant tout récemment la collection Anatolia de Samuel Brussell.
    Entre ses bureaux de Lausanne, la parisienne rue des Canettes où une cinquantaine de personnes collaborent à Buchet-Chastel, Varsovie et Cracovie où deux établissements publient les auteurs occidentaux en traduction (de Cendrars à Bouvier, en passant par Naipaul ou Eco), et la meilleure littérature polonaise, Vera Michalski « règne » en déléguant volontiers, tout en gardant la haute main sur la gestion et les choix décisifs. Ainsi est-elle en train de lire elle-même Les Bienveillantes de Jonathan Littell pour décider si, oui ou non, elle en assumera l’édition polonaise. Autant dire qu’elle reste très attentive à l’actualité littéraire internationale.

    - Que vous inspire la pléthore de la rentrée française ?
    - J’estime qu’elle signale, malgré tout, la vitalité de la lecture autant que la propension à s’exprimer. Evidemment, je compatis avec les libraires, mais je pense que cette profusion reste positive. Cela étant, à la dernière rentrée de printemps, les chiffres ont été très mauvais dans l’ensemble de l’édition sur mai et juin parce que le public s’est focalisé sur certains titres, comme le Da Vinci Code, et cela n’est pas bon.
    - Qu’est-ce qui vous pousse à faire de l’édition ?
    - C’est une des métiers les plus captivants qui soient. Je reste fidèle à l’option que nous avions formulée avec mon mari dès le premier catalogue de Noir sur Blanc : découvrir de jeunes talents et rendre justice à des auteurs injustement oubliés. D’abord focalisés sur la Pologne et la Russie, nous avons élargi notre aire. Du vivant de Jan, il nous manquait ainsi l’ouverture à la littérature française. D’où l’idée de faire revivre Buchet-Chastel. Notre intention était surtout d’en relancer la partie littéraire en faisant appel à des gens compétents, notamment Pascale Gautier qui a donné une « ligne » claire à sa collection , avec des auteurs tels Cookie Allez, Philippe Ségur ou Philipe Lafitte. Nous avons également repensé la non-fiction, avec de la géopolitique et de la philosophie, des essais, des biographies de musiciens et de la poésie, ainsi que la série des Cahiers dessinés, que dirige Frédéric Pajak, qui me tient très à cœur et où vont paraître un ouvrage de Pierre Alechinsky et les dessins de Dürrenmatt. Enfin, j’ai été ravie de publier Robert Littell, le père de Jonathan, dont le roman consacré à la CIA, La compagnie, a été un succès.
    - Comment avez-vous vécu la campagne de dénigrement de Jean-Pierre Sicre vous traitant d’ambitieuse tyranique ?
    - Jean-Pierre Sicre est un grand éditeur et un piètre gestionnaire, c’est connu. Après que nous avons renfloué sa maison en difficulté, il m’a demandé lui-même de la racheter, en pensant qu’il pourrait continuer d’agir à sa guise. J’aurais aimé qu’il reste jusqu’à sa retraite, en ce mois d’octobre précisément, mais il s’est comporté d’une façon telle, en pratiquant les calomnies et la menace, que j’ai été obligé de m’en séparer et de le remplacer. Ce qu’il aurait aimé, c’est qu’on paie et qu’on se taise. Il nous a d’ailleurs longtemps considérés comme ses « banquiers suisses », avec une morgue humilmedium_Czapski8.JPGiante. J’ai pourtant gardé la confiance de Daniel Arsand, directeur de collection, et ma nouvelle directrice, Helène Amalric, travaillera dans la continuité du catalogue de Phébus. Sicre n’est pas le premier « fondateur » à mal vivre la fin de son aventure !
    - Jusqu’ou pensez-vous vous développer ? Visez-vous d’autres acquisitions ?
    - Non : je crois que nous avons atteint, aujourd’hui, une dimension qui correspond à mes possibilités. Mes moyens financiers me donnent la chance de faire ce que j’aime, et je n’ai de comptes à rendre à personne, mais je ne fais pas de mécénat pour autant. J’aime que des lmedium_Czapski70001.JPGivres difficiles à vendre, malgré leur qualité littéraire, soient « aidés » par des ouvrages de plus large intérêt public. Je ne suis pas contre les « coups » éditoriaux, mais ce n’est pas ma priorité. En fait, je continue à faire de l’édition comme j’y suis venue avec Ian, par goût, par curiosité, par plaisir et en essayant de propager cette passion.

    Joseph Czapski. Proust contre la déchéance, premier livre paru à l'enseigne de Noir sur Blanc, en 1987.

    Cet entretien a paru dans l'édition de 24Heures du 4 octobre.

    Portrait photographique de Vera Michalski: Florian Cella.

  • Rentrée littéraire Bis

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    Après le raz-de-marée de septembre, on surfe en eaux plus claires…

    Devenue monstrueuse (plus de 600 romans en automne dernier), la rentrée littéraire française d’automne, dopée par la course aux prix littéraires, devient de plus en plus contre-productive. Dommageable aux nouveaux venus (combien de premiers romans morts-nés par noyade ?), le tsunami l’est aussi à nombre d’excellents auteurs qui, naguère, tenaient absolument à « sortir » en septembre. Or, depuis quelques années, avec le Salon du Livre de Paris (des 13-18 mars prochains) en point de mire, de plus en plus de « ténors » de la scène éditoriale française, francophones et étrangers confondus, se réjouissent plutôt de paraître en janvier. A preuve cette année : les nouveaux romans de trois Philippe à succès (Djian, Sollers et Besson), entre autres fleurons du meilleur « linge » littéraire, avec deux substantiels romans de Jean Rouaud (La femme promise) et Richard Millet (La confession négative, tous deux chez Gallimard ), les nouveaux romans d’Olivier Adam, (chronique d’un quotidien familial meurtri intitulée Des vents contraires, à L’Olivier), d’Alain Mabanckou (en crescendo dynamique avec Black Bazar) et de Chloé Delaume( Dans ma maison sous terre), tous deux au Seuil, de Jean Rolin (Un chien mort après lui, chez P.O.L.) ou de nos deux compatriotes Pascale Kramer (L’implacable brutalité du réveil, au Mercure de France) et de Nicolas Pages (I Love New York, chez Flammarion), notamment.  

    La nouvelle donne est également prometteuse au rayon des traductions, avec ce qu’on dit le plus beau roman de John Burnside, déjà remarqué l’an dernier, avec Un mensonge sur mon père (Métailié), le premier livre de Jonathan Coe en première personne féminine (La pluie avant qu’elle tombe, chez Gallimard), et une suite de digressions de Paul Auster sur l’écriture et la solitude avec Seul dans le noir (chez Actes Sud). Enfin une rumeur élogieuse annonce le retour d’une des découvertes de Sabine Wespieser, la Vietnamienne Duong Thu Hong, avec Au zénith toujours, après l’admirable Terre des oublis qui  est aujourd’hui traduit dans le monde entier.

     

     

    Sollers35.jpgSollers

    tel quel

     

    Un roman-de-Sollers fait désormais figure de genre littéraire en soi, avec un narrateur qui n’est autre que l’auteur, entouré de jolies personnes qu’il honore de ses caresses et de son savoir. Après Une Vie divine, la suite de l’évangile selon Nietzsche se décline au fil d’un voyage à travers les lieux et les œuvres géniales échappant au «Parasiste »,  dont le point de départ est un stand de tir du Quartier latin, pour une guerre chic. Comme Sollers est un immense lecteur et un homme de goût, c’est souvent passionnant. L’écriture, fluide et fruitée, est souvent à la fête aussi. Et le roman là-dedans ?  Disons que le roman-de-Sollers est une sorte d’essai voyageur…

    Philippe Sollers. Les voyageurs du temps. Gallimard, 243p.

     

    Besson.jpgBesson

    homophile

    Le dernier roman de Philippe Besson évoque, en finesse, la relation fraternelle intense de deux jeunes Américains de Natchez que tout unit depuis leur enfance, et qui vont évoluer différemment au tournant des sixties, entre révolution des mœurs et guerre du Vietnam. Si l’auteur de Son frère ne manque pas de suggérer certaine sensualité dans la relation de Thomas le contestataire  et de son ami plus conventionnel, c’est dans la relation mimétique avec leur commune amie Claire que tout va basculer, jusqu’à la tragédie. Avec beaucoup de sensibilité, restituant bien le ton de l’époque, le romancier change de cieux tout en restant fidèle à lui-même.

    Philippe Besson. La trahison de Thomas Spencer. Julliard, 270p.   

     

    Dantzig.jpgDantzig

    pour inventaire

    Quand on lui demandait quel livre il emporterait sur la fameuse île déserte, Jean Cocteau répondait : le dictionnaire.

    Un amateur de lecture y ajoutera volontiers le déjà fameux Dictionnaire égoïste de la littérature française de Charles Dantzig, qui a raflé trois prix importants et se retrouve ces jours en poche, et l’ Encyclopédie capricieuse du tout et du rien, nouvelle somme extravagante dont le titre doit figurer impérativement  en tête de toute prochaine liste d’achats de livres. De quoi s’agit-il ? De listes, précisément, sous la forme d’une fabuleuse énonciation du monde, où l’auteur (comme le Pérec du mémorable Je me souviens) va bien au-delà d’un procédé, tout au déploiement des mots et des noms, des catégories et de leurs projections au ciel de la fiction ou de la poésie arborescente. Liste gracile des moments gracieux. Liste des minorités. Liste de la bonté des hommes. Liste aléatoire du succès. Liste de brèves définitions. Liste de ce que je n’ai pas voulu faire : autant de souples tremplins vers le désir, les regrets, les curiosités infinies, les fruits du génie humain, la beauté, la bêtise, autant de fusées lyriques ou de pointes critiques, autant d’esquisses de poèmes, de nouvelles, de romans, de règlements, autant de retouches à un autoportrait du dandy en causeur stellaire.   

    Charles Dantzig. Encyclopédie capricieuse du tout et du rien. Grasset, 789p.

     

     

    Djian.jpgDjian noir

    sur noir

     

    Un sentiment de complète déréliction se dégage de la lecture d’Impardonnables, seizième roman de Philippe Djian confirmant décidément les qualités de cet «enfant du siècle» devenu «auteur culte», selon la formule marketing, qui n’en fait pas pour autant un écrivain à célébrer les yeux fermés non plus qu’à dédaigner. Philippe Djian, comme un Michel Houellebecq, quoique par des chemins différents, a su capter le ton d’une époque et filtrer les sentiments ou les malaises d’une génération, dès ses premiers romans du début des années 1980 (Bleu comme l’enfer, Zone érogène ou 37°2 le matin), avant de développer une observation plus ample et plus aiguë de ce qui dissocie le groupe humain contemporain, société ou famille. A cet égard, des romans tels que Sotos (1993), Assassins (1994, Criminels (1996) ou Sainte-Bob (1998) et Impuretés (2005), ont fondé un véritable univers romanesque, avec une atmosphère qu’on pourrait dire «chaleureusement glaciale» dont les personnages souffrent sans pouvoir l’exprimer, et contribuent parfois à leur propre noyade et à celle de leur entourage, où les enfants sont voués à « trinquer ».     

    C’est d’ailleurs ce qui se passe dans Impardonnables, qui accumule toutes les poisses et toutes les crasses. Le protagoniste, romancier à succès vieillissant, dont la femme et l’une des filles ont été brûlées vives dans sa voiture, sous ses yeux et ceux de son autre fille Alice, apprend au début du roman que celle-ci, actrice en vue et à frasques, a disparu, laissant bien désemparé son compagnon un peu paumé, ex-junkie que la charge de leurs deux petites jumelles embête plutôt – d’où son recours au grand-père. Or ce « jeune vieillard », en exil doré au pays basque, ne s’intéresse « plus du tout » aux enfants, suffisamment occupé de lui-même, que sa nouvelle femme Judith, brillant dans l’immobilier, délaisse de plus en plus, au point de le faire recourir à une ancienne amie devenue détective, dont le fils sorti de prison débarquera dans sa vie comme l’ange exterminateur.

    Ange minable en réalité, fils de nul et qui pleure comme un enfant son chien broyé par la mer. Tous les personnages d’  Impardonnables ont d’ailleurs quelque chose de « broyé », à tout le moins de perdu. Cet égarement plombe toute apparence d’espoir, à la fin de ce roman qui n’en est que plus « humain, trop humain »…

    Philippe Djian. Impardonnables. Gallimard, 232p.

     

    Post scriptum: à noter, à propos du livre du dandy Dantzig, qu'une belle, amicale non moins que lucide approche en est faite sur le blog épatant de Frédéric Ferney, Le Bateau Livre, dont j'avais signalé l'apparition il y a quelque temps. Conversation ininterrompue d'un honnête homme avec les livres et les gens:  http://fredericferney.typepad.fr/

     

    Image ci-dessus: peinture de Verlinde.

     

     

  • Les succès du bouche-à-oreille

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    Gallay.jpgDe L'élégance du hérisson de Muriel Barbery aux Déferlantes de Claudie Gallay

    Le cinquième roman de Claudie Gallay, 47 ans, fut le succès de l’été. Rien pourtant du « pavé de plage » dans Les déferlantes, âpre et beau roman d’atmosphère et d’émotion où il pleut beaucoup sur une humanité cabossée. Inspirée par Le gardien de phare aime trop les oiseaux, du cher Prévert, cette histoire du bout du monde, dans les bourrasques marines d’un phare au large des côtes du Cotentin, brasse amours blessées et secrets de famille, sur fond de province taiseuse, avec une lancinante intensité.
    Sans rien d’accrocheur, le roman de Claudie Gallay a passé cet été le cap des 100.000 exemplaires et ses droits ont été acquis par TF1 international pour une éventuelle adaptation àl’écran, entre autres traductions. Pour les éditions du Rouergue, certes déjà connues et estimées pour leur catalogue jeunesse, c’est le plus grand succès enregistré en une vingtaine d’années – la maison a été fondée en 1986 par Danielle Dastugue. Cette bonne fortune rappelle, évidemment, les débuts fracassants d’Anna Gavalda avec les nouvelles de Je voudrais que quelqu’un m’attende quelque part (1.885.000 exemplaires à ce jour), publié à l’enseigne très littéraire, voire confidentielle, du Dilettante, auquel elle est d’ailleurs restée fidèle.
    Gavalda4.jpgIl peut donc y avoir une vie, pour un bon livre, malgré les ravageuses déferlantes ( !) des rentrées successives, d’où n’émergent que quelques « élus » promus à grand fracas par la machine médiatique parisienne, le plus souvent sous le label des maisons les plus puissantes.
    Or le succès de L’élégance du hérisson de Muriel Barbery, paru en 2006 chez Gallimard, s’est lui aussi confirmé à travers mois et année à l’écart de l’instance de consécration parisienne des prix littéraires et des médias. Autant que Les déferlantes de Claudie Gallay, mais dans une tout autre tonalité, frottée de malice et de fine culture, ce dialogue d’une concierge philosophe et d’une ado suicidaire a connu le succès le plus inattendu (ayant franchi cet été le cap du million d’exemplaires ) grâce surtout au bouche-à-oreille, où le rôle des libraires, et des bibliothécaires aussi, paraît essentiel.
    Le réseau des passeurs
    A cet égard, il est intéressant de relever l’importance, dans le relais du bouche-à-oreille, de passeurs passionnés qui pallient la massification croissante des circuits médiatiques en matière culturelle, sans oublier aussi les groupes de lecteurs eux-mêmes, rassemblés en cercles actifs.
    En marge des succès jouant sur des ressorts éprouvés (romans d’amour ou d’action bien ficelés, comme chez Marc Levy ou Stephen King, thèmes en vogue comme l’ésotérisme revisité par un Da Vinci Code, succès de genre tel le roman historique ou le récit de vie), le lecteurs professionnels proches du public, tels les libraires ou les bibliothécaires, ont probablement été pour beaucoup dans ces autres grands succès du bouche-à-oreille que furent Matin brun de Franck Pavloff, chez le tout petit éditeur Cheyne, Inconnu à cette adresse de Kressman Taylor ou, plus récemment, Mal de pierres de Milena Agus, passé inaperçu lors de sa parution initiale en Italie et redécouvert après son succès en France et en francophonie par les canaux évoqué ici du bouche-à-oreille…

    Est-ce à dire que le succès obtenu par le bouche à oreille soit forcément garant de bonne littérature ? Nullement. Mais celle-ci, dans une société littéraire en voie d'atomisation, voire de disparition, est-elle mieux défendue par les critiques et autres gens de médias que par les libraires et le peuple des lecteurs ? Le débat est ouvert... 

  • Marketing de rentrée

    Angot2.jpgHouellebecq (kuffer v1).jpg
     ÉDITION Rumeurs, effets d’annonce et autres objets de promotion se multiplient avant la déferlante d’automne (676 romans) où Amélie Nothomb, Michel Houellebecq, Christine Angot et Catherine Millet seront « têtes de gondoles ». Aperçu des manœuvres tactiques. Intéressant ? Dérisoire ? Commerce !

    La chose s’intitule L’Automne romanesque. Un vrai livre. Presque 200 pages, illustrées de (belles) photos d’auteurs. 4000 exemplaires dont le public ne verra rien : destinés aux seuls passeurs du livre, libraires et gens de médias. Signé Grasset : rentrée 2008. Bel outil de marketing de rentrée avec présentation de 14 auteurs (12 français), qui détaillent leur ouvrage suivi d’un généreux extrait. La Rolls du genre pour véhiculer Yann Apperry, le jeune auteur « qui monte », avec Terre sans maître, Véronique Olmi, elle aussi bien lancée, dans La promenade des Russes, l’incontournable Elie Wiesel (Le cas Sonderberg) et Charles Lewinsky dont Melnitz, ici traduit, a été dit en Allemagne « un Cent ans de solitude suisse ». Bel effet d’annonce !
    Or la redoutable patronne de Flammarion, Teresa Cremisi, n’est pas en reste, qui joue sur la rumeur confidentielle distillée en 2007 avant la parution de La possibilité d’une île, de Michel Houellebecq (qui en sort le film cette année, coup double !) en annonçant un «roman inédit» de son auteur « culte ». De la même façon, la parlote médiatico-blogueuse a d’ores et déjà répercuté l’affriolante nouvelle échappée des bureaux de Bernard Comment, patron de la collection Fiction & Cie au Seuil : que le nouveau roman de Christine Angot, Le marché des amants, traiterait des amours de la dame et de Doc Gynéco…
    Christine Angot, Michel Houellebecq ou encore Catherine Millet, avec un nouvel épisode autobiographique annoncé, , chez Flammarion ont-ils besoin d’une publicité supplémentaire pour conquérir les « têtes de gondoles » ? Le contre-exemple serait une Amélie Nothomb, qui « fera » ses 200.000 exemplaires sans dopage particulier, et d’autant que Le fait du prince, déjà « tasté » par le soussigné, est un excellent cru de la « star » d’Albin Michel. Disons alors que, pour  entretenir la rumeur avant d’occuper le « terrain », bien des éditeurs envoient désormais des épreuves reliées aux libraires et aux critiques, ou préparent de vrais « coups médiatiques » dont le modèle du genre fut celui de l’an dernier « sur » Les Bienveillantes.
    Cela étant, ce marketing «en amont» n’est pas forcément prescripteur. Les libraires, autant que les lecteurs professionnels, et plus encore le public, « risquent » aussi bien de modifier la donne, comme il en a été avec L’élégance du hérisson de Muriel Barbéry, nullement « boosté » à la source et jouant depuis deux ans le « long-seller»… Et la vraie littérature se borne-t-elle à des chiffres ?
    Lessing2.jpgQuoi qu’il en soit, que l’on préfère les valeurs sûres blanchies sous le harnais (Doris Lessing, Prix Nobel, avec Alfred et Emily, chez Flammarion) ou les francs-tireurs originaux (Philippe Ségur avec Vacance au pays perdu, chez Buchet-Chastel), la rentrée d’automne reste essentiellement à découvrir pièces en mains. Des premiers arrivages, en dehors des titres déjà cités, on retiendra aussi  le nouveau roman d’Olivier Rolin, au Seuil, combinant aventures exotiques et digressions artistiques (autour de Manet) dans Un chasseur de lions, huit nouvelles d’Alice Munro, l’une des écrivaines américaines les plus remarquables du moment, parues sous le titre de Fugitives à L’Olivier, ou, à l’enseigne de Noir sur Blanc, associant les talents (pour le dessin) de Lea Lund et de Frédéric Pajak, L’Etrange beauté du monde

    Des chiffres et des titres

    Statistiques : LivresHebdo annonce 676 romans (-7% par rapport à la rentrée d’automne 2007). 466 romans français et 91 premiers romans. 210 romans étrangers. Une quinzaine de titres seulement disposent d’un tirage initial de 50.000 ex. Amélie Nothomb « part » sur 200.000 ex.

    Retours attendus : Sylvie Germain (Paradis conjugal) chez Albin Michel, Jean Echenoz (Courir ) chez Minuit, Laurent Gaudé (La porte des enfers) chez Actes Sud, Marie Nimier (Les inséparables) chez Gallimard, Jean-Paul Dubois (Les accommodements raisonnables) à L’Olivier, Alain Fleischer (Prolongations) chez Gallimard. Rayon « étranger » : Ismaïl Kadaré chez Fayard (L’accident), Thomas Pynchon (très attendu) au Seuil (Contre-jour), William T.Vollman (Poor people) chez Actes Sud, Richard Ford (L’état des lieux) à L’Olivier.

    Rayon Mademoiselle : Colombe Schneck (Val-de-Grâce), chez Stock, Aude Walker (Saloon) chez Denoël.

    Surprises : Michel Le Bris, essayiste et directeur du Festival Etonnants voyageurs, avec un roman, La beauté du monde, chez Grasset; et ce livre qui pourrait réellement faire date : Zone de Matthias Enard, chez Actes Sud.

    Hors course: Dans l'immédiat une recommandation aux fous de mots et de poésie pensante et sensitive: Apnée de René Ehni. Une fine merveille. Le génie d'un style sans pareil et une espèce de Requiem joyeux, dédié à Dominique Bourgois, en mémoire de son défunt époux Christian, grand éditeur à tiroirs secrets qu'on entr'ouvre ici; en mémoire aussi de Maurice Béjart, par raccroc amical. C'est délirant et hypertinent, fluide et surprenant à tout bout de phrase. Et c'est publié, normal, chez Bourgois ! 

    Ces articles ont paru dans l'édition de 24Heures du samedi 26 juillet 2008

  • Rentrer sortir

     Pajak4.JPG

    Dialogue schizo sur la rentrée littéraire


    Moi l’autre : - Et ça rime à quoi tout ça ?
    Moi l’un : - Tu vois bien : j'évoque l'avant-rumeur de la rentrée littéraire française pour les lecteurs de 24Heures,  quotidien à grand tirage (89.000 exemplaires et des bricoles) dont je suis le mercenaire.
    Moi l’autre : - Et tu vas lire tout ça ? 676 romans, vraiment ?
    Moi l’un : - Mais non voyons ! Mais je te dirai ce qu’il ne te faut pas manquer !
    Moi l’autre : - Quoi pour moi subito ?
    Ehni.jpgMoi l’un : - Là je te dis que ça : Apnée de René Ehni. Sûr qu’on sera d’accord, toi et moi. C’est un pur régal ! Ce petit livre dédié à Dominique Bourgois évoque la figure de son cher disparu. Tu connais Ehni ?
    Moi l’autre : - Le dramaturge ? Me semble qu’on avait vu une pièce de lui à Paris, ca va faire vieux…
    Moi l’un : - Bonne mémoire compère : Que ferez-vous en novembre ?, en 1969. Et toi, que faisais-tu en novembre 1969 ?
    Moi l’autre : - Je lisais Les courtisanes de Michel Bernard, sur lequel tu as commis ton premier papier dans La Tribune. Tu te souviens ?
    Moi l’un : - Comme de ce matin. Donc tu liras Apnée. Tu te rappelles notre rencontre de Christian Bourgois ?
    Moi l’autre : - Il y en a eu pas mal. La dernière à Francfort, tu te souviens, il était tout triste de voir le Nobel passer sous le nez d’Antonio Lobo Antunes, au profit de Saramago… Et quoi d’autre subito ?
    Pajak1.JPGMoi l’un : - Tu vas te régaler, sûrement aussi, avec le nouveau Pajak, L’étrange beauté du monde. Il y a là-dedans un humour et une espèce de mélancolie qui te toucheront, je crois. Et les dessins de Léa Lund, sa compagne, sont également remarquables dans tous les registres, parfois on dirait des paysages de notre ami Thierry Vernet, parfois du Pajak en plus organiquement délié, parfois dans l’expressionnisme ardent et parfois dans la note plus anecdotique, parfois du côté du Delacroix voyageur et parfois dans l’exacerbation jeune sauvage, enfin tu vois quoi…
    Moi l’autre : - Je vois à peu près quoi. Ce me changera de Gustave Thibon…
    Moi l’un : - Quoi, Gustave Thibon…
    Moi l’autre : En déménageant notre bibliothèque, je suis retombé sur L’échelle de Jacob. Et ça me nourrit, ça me sourit comme en 40.
    Moi l’un : - On n’était pas nés en 40…
    Moi l’autre : - Non, mais lui était né, et Simone Weil était née, et Nicolas Berdiaev était encore vivant. Tu te rappelles Le sens de la création ?
    Moi l’un : - Nous voilà bien loin de la rentrée, compère !
    Moi l’autre : - Mais pas du tout du tout ! Thibon n’a pas pris une ride. Ni Berdiaev pour l’essentiel. Et tu sais qui je viens de découvrir ? Lui, avec Eugenio Corti et son fabuleux Cheval rouge, c’est ma vraie rentrée. Tu vois qu’on n’en sort pas ? Ou qu’on en sort comme on veut quand il y a de quoi. Et là j’te jure qu’il y a de quoi ?
    Moi l’un : - Tu vas me parler du premier roman de notre ami Pascal Janovjak ?
    Moi l’autre : - Pas encore. Pas encore fini. Nous en avons parlé toute l’autre nuit, pendant que tu te reposais de ton mercenariat. Il est en train de peaufiner la chose en Sardaigne…
    Moi l’un : - Qui alors ?
    Moi l’autre : - Christian Guillet ?
    Moi l’un : - Christian qui ?
    Moi l’autre : - Christian Guillet.
    Moi l’un : - En deux mnots ?
    Moi l’autre : - Non non non, là faut que je sorte !
    Moi l’un : - Tu vas encore rêver dans les bois ?
    Moi l’autre : - Affirmatif, boss. Je te laisse débloguer. A toute…
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