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  • Une quête d’absolu

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     Into the Wild, de Sean Penn

    C’est un bien grand beau film généreux et limpide qu’Into the Wild de Sean Penn, dont l’empreinte qu’il laisse au cœur est toute pure. L’histoire en est prenante, les personnages principaux sont également de belles personnes, comme on dit, les images et la musique ne sont pas moins superbes et, surtout, il s’en dégage un sentiment général d’autant plus bienfaisant et tonique qu’il n’a rien de complaisant ou d’édulcoré, voire de frelaté, comme pourrait le faire redouter le thème rebattu du retour à la nature. De fait, les rudes lois de celle-ci ne sont pas ignorées ni sous-estimées. Une scène terrible, marquée par le sacrifice « inutile » d’un élan, souligne le caractère très problématique d’une immersion « naturelle », même si la quête du solitaire reste fondée. Le titre d’ En pleine nature ne rend d’ailleurs pas compte du piège que celle-ci représente bel et bien dans le film, alors que l’original Into the Wild en désigne mieux l’ambivalence, qui renvoie aux obstacles et au combat du héros de Construire un feu de Jack London.

    Penn4.jpgL’esprit des Jack, London et Kerouac, mais aussi de Thoreau et de Tolstoï, préside à ce parcours initiatique d’un tout jeune homme déçu par ses parents, dont la mésentente tourne à la haine sous les dehors du mensonge et de l’hypocrisie.

    Deux grandes lignes narratives traversent le film et se relancent l’une l’autre en contrepoint, modulant en outre le passage des années et scandant l'avancée de chaque nouveau chapitre: d’une part, c’est le récit du Magic Bus, la carcasse d’autocar perdue en plein Alaska où Alex Supertramp (c’est le pseudo glorieusement naïf qu’il s’est choisi) va vivre cent jours de solitude absolue ; et, de l’autre, la chronique tenue par sa sœur au fil de ses années de fugue, qui témoigne des conséquences de celle-ci sur les parents restés sans nouvelles, reconnaissant leurs responsabilités et se rapprochant peu à peu l'un de l'autre.

    On le sait, Sean Penn revient de loin : de toutes les défonces et de tous les dégoûts. Or ce qui sidère en l'occurrence est la complète fraîcheur de son regard sur le monde et sur les gens, tous abordés avec tendresse et jusqu’à l’indulgence, s’agissant du père égoïste et violent qui se prend pour Dieu au point, une année, de décider, le con, que Noël n’aura pas lieu…

    L’Amérique d’Into the Wild est à la fois celle de L’Attrape-cœur de Salinger et de Sur la route de Kerouac, des anciens hippies dans les déserts et de Bush Senior justifiant la guerre du Golfe ou des paumés down & out crevant dans les grandes villes; et l’on se rappelle aussi la dernière page de La Route de Cormac McCarthy dont on pourrait dire que Sean Penn la réinvestit avant la catastrophe ou au moment d’en renaître…

    Si la « théologie » de McCarthy est plus profonde dans son aperception tragique et sa visée rédemptrice, que la religiosité tolstoïenne qui se dégage d’Into the Wild, ce film ne représente pas moins, aujourd’hui, un geste de résistance aux forces obscures et destructrices de l’empire du fric, à la violence, au fanatisme, au cynisme ou à la décadence. Le fait qu’Alex, prodigieusement vécu, plus encore qu’interprété, par Emile Hirsch, soit à la fois un fou de lecture et un pèlerin de l’absolu, dont l’apprentissage passe par une nouvelle naissance et une filiation restaurée (avec une femme, puis un vieil homme qui l’adoptent pour ainsi dire en le poussant au pardon des siens), avant la révélation finale de ce que le bonheur n’a de sens que partagé – tout cela élève le film au-dessus des rêveries New Age à base de marshmallow spiritualisant.

    La grande générosité d’Into the Wild va de pair avec une forme lyrique n’excluant pas ici et là quelque pompe ni quelques clichés, mais c’est aussi la loi du romantisme à l’américaine  (on est bien dans la lignée de Twain, London ou Thomas Wolfe), dans un ample mouvement et un grand souffle. Si la scène de l’empoisonnement « naturel » du protagoniste rappelle La bouche pleine de terre de Branimir Scepanovic, c’est à Tolstoï qu’on pense à la fin poignante d'Alex, rappelant la mort « cosmique » du prince André...

    Penn7.jpgSean Penn, Into the Wild. Sur DVD et en salles.

     

     

     

  • Pensées de l'aube (68)

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    De ce dimanche. – Pour nous, les enfants, Pâques, c’était le dimanche des dimanches - un dimanche vraiment plus dimanche que les autres où le ciel était plein de cloches et le jardin plein d’œufs que le Lapin avait peinturlurés et planqués Dieu sait où - donc deux jours après la Croix, le Lapin : tu avoueras que ce n'est qu’un dimanche que ça peut se passer, et ça nous réjouissait plutôt, les enfants, qu’il y ait un dimanche comme ça qui ressuscite chaque année…

    De la foi. – Notre ami le théologien me dit qu’il n’y croit pas vraiment : que son intelligence l’en empêche, puis il me dit : toi non plus tu n’y crois pas, rassure-moi, aussi lui dis-je : non mon ami, je ne vais pas te rassurer, je ne sais pas si je crois, je sais de moins en moins ce que c’est que croire au sens où tu crois que tu ne crois pas, mais surtout (et cela je ne le lui dis pas) je ne sais comment je pourrais l’expliquer à quelqu’un que son intelligence empêche de comprendre rien…

    De la charité . – Vous connaissez le mendigot du Sacré-Cœur : il sort de chez ce pouilleux d’abbé Zundel qui le régale déjà plus qu’il n’en faut, et le voilà qui nous lance à la sortie de l’office, son : Christ est vraiment ressuscité ! que moi ça me fait honte, mais j’ai beau savoir qu’il ira les boire ce soir, je lui donne quand même ses deux euros - ce n’est quand même pas tous les jours Pâques…
    Image : Philip Seelen

  • Riches Heures. Blog-notes 2005-2008

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    Vient de paraître
    aux éditions L'Âge d'Homme.


    Du blog au livre...


    Au lecteur


    Ce recueil, établi à la demande de Jean-Michel Olivier, directeur de la collection Poche Suisse, aux éditions L'Age d'Homme, rassemble une partie de mes Carnets de JLK, blog littéraire ouvert sur la plateforme HautEtFort en juin 2005. Proposant aujourd’hui quelque 2000 textes, dans les domaines variés de la littérature et des arts, de l’observation quotidienne et de la réflexion personnelle, entre autres balades et rencontres, ces Riches heures de lecture et d’écriture s’inscrivent dans le droit fil des carnets manuscrits que je tiens depuis une quarantaine d’années, qui ont déjà fait l’objet de deux publications : Les Passions partagées (1973-1992) et L’Ambassade du papillon (1993-1999), chez Bernard Campiche.
    En outre, ces Carnets de JLK illustrent les virtualités nouvelles, et notamment par le truchement de l’échange quotidien avec plusieurs centaines de lecteurs, de cette forme de publication spontanée sur l’Internet, qu’on appelle weblog ou blog.
    Dans l’univers chaotique qui est le nôtre, où le clabaudage et la fausse parole surabondent, ces carnets se veulent, au-delà de tous les sursauts de méfiance ou de mépris, la preuve qu’une résistance personnelle est possible à tout instant et en tout lieu pour quiconque reste à la fois attentif à la rumeur du monde et à l’écoute de sa voix intérieure. À l’inattention générale, ils aimeraient opposer un effort de concentration et de réflexion au jour le jour, ouvrant une fenêtre sur le monde.


    SOUS LE REGARD DE DIEU. - Pasternak disait écrire « sous le regard de Dieu », et c’est ainsi que je crois écrire moi aussi, sans savoir exactement ce que cela signifie. Disons que ce sentiment correspond à l’intuition d’une conscience absolue qui engloberait notre texte personnel dans la grande partition de la Création. Ce sentiment relève de la métaphysique plus que de la foi, il n’est pas d’un croyant au sens des églises et des sectes, même s’il s’inscrit dans une religion transmise.
    J’écris cependant, tous les jours, «sous le regard de Dieu», et notamment par le truchement de mes Carnets de JLK. Cela peut sembler extravagant, mais c’est ainsi que je le ressens. En outre, j’écris tous les jours sous le regard d’environ 500 inconnus fidèles, qui pourraient aussi bien être 5 ou 5000 sans que cela ne change rien : je n’écris en effet que pour moi, non sans penser à toi et à lui, à elle et à eux.
    Ecrire «sous le regard de Dieu» ne se réduit pas à une soumission craintive mais nous ouvre à la liberté de l’amour. Celle-ci va de pair avec la gaîté et le respect humain qui nous retient de caricaturer Mahomet autant que de nous excuser d’être ce que nous sommes. L’amour de la liberté est une chose, mais la liberté d’écrire requiert une conscience, une précision, un souci du détail, une qualité d’écoute et une mesure du souffle qui nous ramène « sous le regard de Dieu ».


    A LA DESIRADE. – Nous entrons dans la nouvelle année par temps radieux et la reconnaissance au cœur alors que tant de nos semblables, de par les monde, se trouvent en proie à la détresse, à commencer par les victimes des terribles tsunamis qui viennent de dévaster les côtes de l’Asie du Sud-est.
    A La Désirade, la vision de ma bonne amie qui fait les vitres, comme on dit, me semble la plus belle image de la vie qui continue…

    (1er janvier 2005)


    ÉCRIRE COMME ON RESPIRE. - Ce n’est pas le chemin qui est difficile, disait Simone Weil, mais le difficile qui est le chemin. Cela seul en effet me pousse à écrire et tout le temps: le difficile.
    Difficile est le dessin de la pierre et de la courbe du chemin, mais il faut le vivre comme on respire. Et c’est cela même écrire pour moi : c’est respirer et de l’aube à la nuit.
    Le difficile est un plaisir, je dirai : le difficile est le plus grand plaisir. Cézanne ne s’y est pas trompé. Pourtant on se doit de le préciser à l’attention générale: que ce plaisir est le contraire du plaisir selon l’opinion générale, qui ne dit du chemin que des généralités, tout le pantelant de gestes impatients et de jouissance à la diable, chose facile.
    Le difficile est un métier comme celui de vivre, entre deux songes. A chaque éveil c’est ma première joie de penser : chic, je vais reprendre le chemin. J’ai bien dormi. J’ai rêvé. Et juste en me réveillant ce matin j’ai noté venu du rêve le début de la phrase suivante et ça y est : j’écris, je respire…
    Tôt l’aube arrivent les poèmes. Comme des visiteurs inattendus mais que nous reconnaissons aussitôt, et notre porte ne peut se refermer devant ces messagers de nos contrées inconnues.
    La plupart du temps, cependant, c’est à la facilité que nous sacrifions, à la mécanique facile des jours minutés, à la fausse difficulté du travail machinal qui n’est qu’une suite de gestes appris et répétés. Ne rien faire, j’entends ne rien faire au sens d’une inutilité supposée, ne faire que faire au sens de la poésie, est d’une autre difficulté; et ce travail alors repose et fructifie.

    RicheCouve.jpgEn librairie ces prochains jours. Commandes directes : http://www.lagedhomme.com/

  • Pensées de l'aube (67)

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    De la veillée. – Cette fin de nuit de pleine lune te fixait de son monocle opalescent qui s’est bientôt orangé dans les bleus s’éclaircissant, le jour ne semblait pas se rappeler les cruautés de la créature pensante, tu n’avais en toi nulle autre pensée que de remerciement d’être en vie sur cette terre tremblante et souffrante qui souffrirait encore et tremblerait - mais qui t’apparaît si jolie en ce matin du monde…

    De ce vendredi – Tous les saints du calendrier sont à la peine et ça ne va pas s’arranger au fil des heures, vous me dites que vous n’en avez rien à scier mais ça ne s’est pas fait pas sans vous, rien ne se fera sans nous, le premier crachat, la première épine, le premier clou, rien ne vous sera épargné, les mal barrés, croix de bois croix de fer si je mens je vais en enfer…

    Du bonus pascal. – Vos agenouillements de vieilles peaux et de nigauds jeunets les font ricaner, mais après le père Noël, le lapin fait pisser le dinar et ça c’est du solide, on y croit dur comme fer, et puis la pierre qui roule, ma poule, ça fait toujours se déplacer les foules et cartonner les nuitées romaines - enfin ce dieu qui va pour prendre l’ascenseur nous vaut un break super et ça ne mange pas de pain, thank you rabbin...

    ImageJLK: Grammont à l'aube, huile sur toile, 2006. 

  • Pensées de l’aube (66)

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    De ce qui n’est qu’allusion. - A l’éveil des ces jours inclinant au redoux on ne trouve pas de mots assez légers, assez transparents mais qui évoqueraient aussi le poids des montagnes millénaires et la densité de l’air qui les relie aux galaxies, tout ce lien de temps imaginaire et d’atomes de brume un peu chinoise ce matin - des mots qui dévoilent en voilant et qui parlent sans prétendre rien dire que ce qui est…

    Du trait de l’oiseau. – Cependant m’impatientent les chichis du minimalisme et les pâmoisons de toute une anorexie esthétique, car le coup de cisaille de la fauvette dans l’azur du matin, au pic de son coup d’aile sur les champs purinés de frais - ce pur salut à personne et tout le monde dans l’odeur merdoyante du printemps, ne sera jamais couché sur grand papier à la cuve – il fuse de la sauvage et nul ne sait ce que ça veut dire…

    De l’hérésie. – Vous avez raison de nous reprocher d’acclimater la Croix et le Tao, jardins et précipices, Ibn Arabi et Miss Dickinson aux oiseaux illuminés, vous êtes les réguliers de la Règle bien convaincus d’avoir trouvé et qu’en conséquence le Salut vous est dû, tandis que nous autres cherchons un peu partout sans attendre rien, juste émerveillés sans savoir diable pourquoi…
    Image : Philip Seelen

  • Un couple uni



    Nous aimons nous tenir par la main et déambuler ainsi le long des Ramblas.

    Notre dernière querelle date de 1987, le soir précédant mon départ en Pologne. J’étais rentré bourré. Elle m’a dit je ne sais plus quoi. Je lui ai mis une beigne avant de m’en rendre compte. Je lui fis dans l’avion une lettre que mes larmes de sentimental à la con trempèrent de grosses gouttes. Lorsque je suis revenu de Varsovie, elle portait encore des lunettes noires pour cacher son bleu.

    A Varsovie, j’ai passé toute une nuit avec un confident de l’ex-pape, amputé d’une main, qui se rappelait les décombres de la ville en 1945, il avait sept ans et son père lui disait de bien regarder - la ville entièrement reconstruite aujourd’hui où l’on trouve des boutiques de Cardin .

    C’est ce que je lui raconte sur les Ramblas, qui valent toujours le déplacement.

    Ah oui cela encore: notre position préférée est celle du missionnaire.

  • Ceux qu’inspire la rumeur de la mer

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    Celui qui porte un bouquet de jonquilles dans la poche arrière de son jean / Celle qui s’en va tout doucement dans la lumière plombée du fjord / Ceux qui se sont retrouvés pour accueillir la mort ensemble / Celui qui évite de penser à tout ce qu’il sait essentiel / Celle qui trouve les mots trop grands pour ses émotions d e demoiselle / Ceux qui n’osent pas dire qu’ils s’aiment / Celui qui décapite des tortues dans un film javanais / Celle qui a perdu sa sœur dans une manif d’Athènes / Ceux qui se rappellent le jour et l’heure de la mort de Lady Diana / Celui qui estime que The Queen is dead est le meilleur album des Smiths / Celle qui ne veut écouter que Strangeways en mâchant de la rhubarbe / Ceux qui se demandent à quoi l’on rêve quand on a perdu le sens des couleurs / Celui qui se promet de s’engager dans la Légion étrangère s’il échoue à l’examen d’admission à la fonction de Palefrenier Chef du haras de la Comtesse Bouleboule / Celle qui reproche à son fils de ne pas porter de bretelles / Ceux qui se séparent pour survivre / Celui qui a découvert la leçon de sagesse subliminale du roman à succès Jody et le faon / Celle qui ment à en avoir la face bleue / Ceux qui prétendent aimer la pluie en banlieue et les politiciens de seconde zone / Celui qui estime que la vie ne fait que prendre sans rien donner / Celle qui dort toujours dans le sac de couchage de son premier prétendant explorateur / Ceux qui considèrent que le bonheur ne vaut rien sans matelas bancaire conséquent / Celui qui se juge indigne des compliments du vice-président de son club de tango / Celle qui pense que tout désormais est trop tard / Ceux qui sont morts dans le même fauteuil à oreilles de l’institution Le Clair Matin / Celui qui trouve un réconfort au Hamburger Heaven / Celle qui spécule sur le fait que la fille d’un premier mariage de sa bru va se retrouver dans le même lycée que Louis Sarkozy et que son fils Tibère pourrait en profiter d’une manière ou de l’autre en dépit de son penchant récent pour la religion musulmane / Celle qui pense qu’un gros aurait plus de chance avec elle qu’un aveugle malgré la tendance inverse / Ceux qui aiment l’odeur mêlée des clopes et des fish’n’chips / Celui qui a la nostalgie des jardins ouvriers de la Banlieue Ouest / Celle qui passé de la passion pour Sissi impératrice à celle des tailleurs ton sur ton / Ceux qui prétendent avoir assisté au dernier concert de Chet Baker au New Morning, etc.

    Aquarelle JLK: dunes de Sète, 2007.

  • Pensées de l'aube (65)

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    De l’herbe. – Parfois le paysage t’en met trop plein la vue, au point que tu éprouves un manque ou une gêne, le besoin de voir des gens ou de n’entendre les yeux fermés que le merle du matin, et tu te rappelles alors l’herbe première, au bord du désert, l’herbe seule et têtue d’avant les cavaliers, l’herbe foulée et oubliée de partout avant la touffe en gloire de Monsieur Dürer…

    Del cammin di nostra vita. – Il y a tant encore en nous de chemin dans notre forêt obscure, tant de chemin à poursuivre ou à tracer sans savoir où l’on va, mais tu as dû voir une fois une clairière quelque part, peut-être la musique que votre père se passait le dimanche, peut-être vos mères ou vos enfants, peut-être la réminiscence d’un cours d’italien sur la Divine Comédie, enfin Dieu sait quoi nous fait, bœufs et cons, continuer à cheminer dans l’obscurité du jour…

    De l’attention . – Si le monde, la vie, les gens – si tout le tremblement te semble parfois absurde, c’est que tu n’as pas bien regardé le monde, et la vie dans le monde, et que tu n’as pas assez aimé les gens dans ta vie, alors laisse-toi retourner comme un gant et regarde, maintenant, regarde cela simplement qui te regarde dans le monde, la vie et les gens…
    Image : Philip Seelen

  • Max Frisch sans bémol

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    DOCUMENTAIRE. Matthias von Gunten rend hommage à un maître de l’esprit critique… sans trace d'esprit critique.

    C’est un film intéressant et nécessaire, assurément, que ce Max Frisch citoyen qui retrace, avec une tendre déférence, tournant parfois à la dévotion, le parcours de l’écrivain qui fut l’exemple-type de l’intellectuel engagé. Un intellectuel : c’est ainsi que le présente immédiatement Helmut Schmidt, qui insiste sur la légitimité de ce regard critique sur le pouvoir. En contrepoint, ses amis Peter Bichsel et Gottfried Honegger rappellent qui fut l’homme. Présent au monde, Max Frisch le fut en Suisse, dès son intervention contre la xénophobie, autant que devant le monde, comme le rappellent un Günter Grass, qui évoque leur complicité et leurs fâcheries, Christa Wolf rappelant ses rapports avec l’Allemagne de l’Est, ou Henry Kissinger leur différend à propos de l’impérialisme américain, notamment.

    Tissé de documents d’époque (en ralentis répétitifs un peu pompeux), enrichi de citations bien choisies et de quelques fragments de films plus anecdotiques, le film de Matthias von Gunten déçoit en revanche par son manque total de recul critique. La seule opposition à ce maître à penser d’une génération est en effet une lettre de lecteur imbécile, dont la haine rehausse, par contraste, le caractère hagiographique du film.

    Si les vertus de la contestation sont évidemment célébrées, de la lutte contre la xénophobie en Suisse à la guerre du Vietnam, en passamt  par Mai 68 à Zurich, le terrorisme en Allemagne ou la votation sur la Suisse sans armée, le réalisateur passe comme chatte sur braise sur les positions de Frisch face au communisme dans le monde ou au goulag. A ce propos, le témoignage de Christa Wolf reste lui aussi assez platement anecdotique...

    Bref: dommage que tout ça relève un peu trop de la célébration nostalgique entre anciens combattants,et pas assez de l’incitation, visant les nouvelles générations, à découvrir une œuvre dont rien n’est dit du contenu précis des romans (Stiller juste évoqué au passage, ou Homo faber) ou des pièces de théâtre (même si celui de Frisch n’est pas à la hauteur d’un Dürrenmatt, les fables d’Andorra ou de Monsieur Bonhomme et les incendiaires auront fait date), ni rien non plus de son magnifique récit des dernières années intitulé L’homme apparaît au quaternaire. La dernière intervention publique de Max Frisch, aux Journées de Soleure, où il confesse sa seule foi en l’amitié, dans un monde où il semble se résigner à cultiver son jardin, en Candide un peu raplapla, n’a pas de quoi susciter le plus vif intérêt d’un jeune lecteur, alors que les volumes (chez Gallimard) du Journal de Frisch restent, aujourd'hui encore, une lecture vivifiante.

    Frisch.jpgDVD. Max Frisch citoyen. Pelicanfilms

  • Le temps de la violence

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    Octogénaire d’une impressionnante vitalité, le grand romancier mexicain achoppe à la violence du monde dans Le Bonheur des familles…

    Carlos Fuentes approchait de sa 80e année, fêtée en grand pompe l’an dernier à Mexico, lorsqu’il publia Le Bonheur des familles, qu’on dirait le roman d’un jeune auteur plein de sève et de feu impatient de « casser le morceau ». En bref, c’est le roman de la famille mexicaine dans tous ses états et ses éclats, en seize récits liés ensemble par les chants heurtés d’un chœur de tous les âges, des filles-mères de la rue aux fils à papa. Débordant l’immense Mexique où cohabite misère et splendeur, créativité et corruption, c’est aussi à toute la famille humaine que s’adresse le grand écrivain.
    Le titre original du livre, Toutes les familles heureuses, fleure la dérision en écho ironique à l’exergue de Tolstoï : « Les familles heureuses se ressemblent toutes, les familles malheureuses sont malheureuses chacune à sa façon ». En l’occurrence, toutes les « familles heureuses » qu’observe Fuentes sont malheureuses à leur façon, à commencer par celle de Pastor Pagan, qui se demande pourquoi lui seul a jamais été honnête dans l’entreprise dont il vient d’être viré. Même les cinq mille dollars de « bonus » qu’on lui a offerts lui apparaissent comme une incitation à la corruption, « présupposé majeur », au Mexique, « qui règne à tous les niveaux, des membres du gouvernement aux employés, du quincailler au paysan ».
    Carlos Fuentes, que son père fouettait pour lui inculquer les bonnes manières, rit jaune en évoquant la femme de Pastor, chanteuse de boléro réfugiée dans son fantasme romantique, Alma leur fille qui vit par procuration en surfant sur internet ou en suivant le dernier épisode d’un reality show, ou enfin le fils Abel, crâne et velléitaire jeune glandeur revenant au bercail en trentenaire vaincu tout semblable à son paternel. Quatre paumés très ordinaires en temps de crise ou, peut-être, de recomposition dans un Mexique restauré, car la vie selon Fuentes est souvent plus forte que l’ordre traditionnel mortifère ou l’anarchie sur fond de drogue: ainsi le père veuf des trois lascars du deuxième récit se réjouit-il finalement de voir son fils aîné, dont il voulait faire un curé par dévotion à sa femme bigote, le « trahir », saluant verre en main son garçon qui a fui le séminaire et pris son destin en main !
    Au fils des seize récits de ce Bonheur des familles qui n’a rien d’une série télévisée, Carlos Fuentes traverse toutes les couches de la société mexicaine, du couple gay vieillissant et perdant ses repères à cette mater dolorosa écrivant à l’assassin de sa fille pour lui dire qui était celle-ci, en passant par le Président et son fils ou tel curé péchant les yeux au ciel avec l’Indienne dont il vitupère la souillure… Or alternent, en contrepoint, les voix de ceux qui n’ont pas de mots, au fil d’une suite chorale où le romancier grappille les traits de langage et les rythmes d’aujourd’hui, genre rap parodié…
    Un demi-siècle après la parution de La plus limpide région, où il entreprit une première ressaisie romanesque de la nébuleuse humaine-inhumaine de Mexico, Carlos Fuentes ajoute, aux multiples « temps » de son œuvre monumentale (« Mal du Temps » avec Aura, « Temps des Fondations » avec Terra nostra, « Temps politique » avec Le siège de l’aigle, temps autobiographique avec Diane ou la chasseresse solitaire où il exorcise sa passion malheureuse pour Jean Seberg), ce qui pourrait se dire le temps de la violence intime – le roman s’achève aussi bien sur les mots « violence, violence » - et de son exorcisme… Comme si le grand romancier cristallisait, au nom de ses propres enfants disparus – son fils et sa fille sont tous deux morts tragiquement il y a une dizaine d’années -, sa rébellion contre les maux de la destinée.
    Carlos Fuentes, Le Bonheur des familles. Traduit de l’espagnol (Mexique) par Céline Zins et Aline Schulman. Gallimard, collection Du Monde entier, 455p. Simultanément paraît, aux éditions de L’Herne, un passionnant essai sur Don Quichotte, Cervantès ou la critique de la lecture. Un Cahier de l’Herne consacré à Fuentes a paru en 2006.

    Carlos Fuentes en dates

    1928 Naissance à Panama. Parents diplomates. Enfance entre Quito, Montevideo, Mexico, Washington. Etudes de droit à Mexico et à Genève.
    1958 Premier roman, La plus limpide région, critique virulente de la société mexicaine.
    1962 La mort d’Artemio Cruz et Aura. Suivront Le Chant des aveugles, Zone sacrée, etc.
    1977 Terra nostra, son chef-d’œuvre, est consacré par le Prix Romulo Gallegos.
    1987 L’ensemble de son œuvre est couronné par le Prix Cervantès. Nobélisable dès cette époque.
    1999-2005 Mort de son fils Carlos Lemus, artiste hémophile victime du sida en suite d’une transfusion, et de sa fille Natasha, dans un quartier pauvre de Mexico.
    2004 Critique infatigable de l’impérialisme économique et culturel américain, il publie Contre Bush.

    Cet article a paru dans l'édition de 24 Heures du 4 avril 2009.

  • Pensées de l’aube (64)

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    De l’effondrement différé. – On fera son possible en sorte de résister, les enfants, on se sent chaque matin plus proche de céder, ça faut bien l’avouer, les vioques, à chaque éveil c’est plus lourd et plus lancinant, cependant quelque chose nous retient au bord du bord, ou quelqu’un - vous peut-être les enfants ? Quelqu’un qui nous retiendrait à nous et à vous…

    De la fragilité. – Ce serait cela aussi l’imagination de l’amour : ce serait de soulever leurs toits pendant la nuit et de les regarder dormir, les uns en chemises et les autres tout habillés, d’autres encore plus ou moins nus, pelotonnés comme des loirs, enlacés à quelqu’un ou à eux seuls, plus ou moins perdus ou éperdus, jolis ou vilains, à rêver ou à ne rêver pas, comme au premier jour ou au dernier…

    Des humbles. – Mais vous, et je vous en sais gré, vous ne direz rien de vos peines : vous ne ferez que faire votre job du matin au soir, et vous en serez même reconnaissants vu que le job vous l’avez, vous plaindre vous paraîtrait indécent tant il est d’infortunés qui n’ont même pas ça ni point de toit ni rien de rien, ainsi passez-vous toute votre vie comme si tout allait bien – ça doit bien faire des siècles que ça va comme ça…

    Image : Philip Seelen

  • Pensées de l’aube (63)

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    De la route nocturne. – Tu me dis que l’espace est la plus ancienne de toutes les choses, mais c’est la façon dont tu me le dis, à trois heures du matin, en plein nulle part, sur l’autoroute où j’ai longtemps dormi pendant que tu conduisais, encore plus seule que si je n’étais pas là – c’est cette intonation douce de ta voix qui m’a fait penser soudain qu’à cet instant précis nous donnions une chance à l’espace d’avoir moins froid…

    De l’esseulement. – À la station-service ils ont l’air de naufragés, les grands chauffeurs aux bonnets tricotés en usine les faisant ressembler à des chevaliers médiévaux, ou les petits commerciaux à fantasmes bon marché, on pourrait croire qu’ils ne sont personne, mais à les regarder mieux on voit qu’ils sont quelqu’un et que cela même accentue leur air abandonné…

    De l’horizon. – De loin on ne distingue plus bien, avec la fatigue, si ce scintillement est déjà de la terre ou encore du ciel, dans les replis des villages qui s’éveillent ou sous le brouillard en restes d’étoiles, en tout cas cela fait un clignotement de loupiotes, cela met comme un pointillé séparant le rien de ce quelque chose annonçant le matin, entre le silence et les deux infinis, entre le noir et le rayon vert de la radio dont je n’entends qu’un imperceptible murmure en langue inconnue…

    Image: Philip Seelen.

  • Amnésie

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    … C quoi cette occupation en Palestine, dis t’étais pas né papy, y a quarante ans, c’est vieux vieux vieux tout ça , mais le prof y nous a dit : c t les Allemands l’occupation, c les Allemands nazistes qu’ont cramé des juifs - mais l’était pas Juif Nasser Arafat, dis, papy ?…
    Image : Philip Seelen

  • Pensées de l'aube (62)

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    Du jamais vu. – Vous me dites que tout a été dit : que tout a déjà été écrit, mais c’est du flan : rien n’a été dit de ce que je vois à l’instant et de ce que vous voyez à l’instant et de ce qu’ils voient à l’instant à la fenêtre du jour se levant, alors vite il faut le noter, pas une pinute à merdre, jamais on ne verra plus ça, ce qui s’appelle jamais…

    De la recréation. – Il est clair que c’est en Italie que vous avez écrit les meilleures choses sur l’Islande et dans ses carnets de Cape Code qu’elle a le mieux parlé de la foule japonaise - seul le Christ écrivait sur le sable hic et nunc : eux c’est toujours ailleurs et d’ailleurs qu’ils auront griffonné leurs poèmes : Walt Whitman claquemuré dans sa chambre et Shakespeare au pub, et chacun de vous est un autre, il y a plein ce matin de Verlaine dans la rue d’Utrillo, mais ce n’est que trois ans plus tard que je le noterai dans une salle d’attente d’aérogare, je ne sais encore où, alors que je jette à l’instant ces pensées de l’aube devant une image de crépuscule…

    De la vie pratique. – Vous leur souhaitez des subventions et l’Inspiration pour pallier l’angoisse de la page blanche, vous parlez de leur ascèse d’écriture comme d’un sacerdoce, alors que leur seul problème est pour eux de se trouver du papier, un solide crayon et des genoux consentants – le reste est de la littérature : suffit d’avoir ses outils et de noter précisément ce qu’il y a à noter précisément – en biffant précisément les trois putains d’adverbes de trop qu’il y a dans cette dernière phrase…

    Image : Philip Seelen. Crépuscule à la Désirade, 30 mars 2009.

  • Suisse terre d'asile

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    Dernières nouvelles de Fahad Khammas, par Fernand Melgar.

    Fahad K., le réfugié irakien menacé de mort dans son pays par des milices islamistes, est enfermé depuis le vendredi 23 mars dans une cellule dite « sécuritaire » de la prison de l’aéroport de Zurich. Dans cette cellule minuscule, appelée communément le bunker, il est en isolement complet, surveillé 24/24 heures par un gardien. Il n’a accès ni au téléphone, ni à sa mandataire juridique ni à sa famille. Il ne peut ni se doucher (il n’y a même pas de lavabo), ni lire un livre ni regarder l’heure (on lui a confisqué sa montre). On lui a même supprimé la promenade et il reste confiné depuis bientôt 4 jours dans cet endroit complètement vide, mis à part un lit, une couverture et des WC. Fahad K. a perdu 4 kilos et son état physique et psychique est alarmant (communiqués d’Amnesty International et de l'Organisation Mondiale Contre la Torture ci-dessous).

    Lundi après-midi 30 mars, une amie de Fahad K. a pris rendez-vous à la prison pour le rencontrer. Arrivée sur place, il lui a été dit que Fahad K. venait de partir il y a cinq minutes avec des policiers et qu’il ne se trouvait plus dans la prison. La visite a alors été annulée. Nous savons pourtant avec certitude que Fahad K. se trouvait dans la prison et qu’il a même vu, par la fenêtre de sa cellule « sécuritaire », son amie repartir de la prison.

    Pourquoi l’Office fédéral des migrations traite-t-il Fahad comme un criminel en lui infligeant ces traitements dégradants, à la limite de la torture, pourquoi s’obstine-t-il à le couper totalement du monde extérieur ? De quoi a-t-il peur pour se livrer à de pareilles maltraitances ?

    Des milliers de citoyenNEs suisses (plus de 6000 à ce jour) ont signé la pétition demandant à ce que Fahad K. puisse rester en Suisse. Parmi eux de nombreuses personnes nous ont fait part de leur émotion, et ne comprennent pas que notre pays puisse attenter pareillement à la dignité humaine. Elles ont raison : le traitement réservé à Fahad est tout simplement scandaleux et les atteintes à ses droits humains sont inacceptables. Elles doivent cesser immédiatement.

    Pour faire part de votre indignation, écrivez directement par courrier postal (ils ont bloqués leur boîte de courriel) au plus vite aux adresses suivantes pour demander la libération immédiate de Fahad K.:


    Madame la Conseillère fédérale
    Evelyne Widmer-Schlumpf
    Palais fédéral ouest
    CH-3003 Berne

    Monsieur Eduard Gnesa,
    Directeur de l'Office fédéral des migrations
    Quellenweg 6
    CH-3003 Berne-Wabern



    Merci pour votre aide,

    Fernand Melgar

    ***


    Melgar7.jpgORGANISATION MONDIALE CONTRE LA TORTURE
    COMMUNIQUE DE PRESSE



    Suisse: mise à l’isolement d’un étranger en détention administrative en vue de son renvoi malgré des risques pour son intégrité physique

    Genève, 31 mars 2009. Le Secrétariat international de l’Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT) est très préoccupé par l’enfermement en isolement et la dégradation de l’état de santé tant physique que mentale de M. Fahad Khammas, actuellement en détention administrative à la prison de l’aéroport de Zurich en vue de son renvoi.

    Selon les informations reçues, M. Fahad Khammas a été placé vendredi dernier en cellule d’isolement sans qu’aucune base juridique n’ait été jusqu’à aujourd’hui fournie. Ayant cessé de se nourrir, il est extrêmement affaibli physiquement et présente des signes de profonds traumatismes psychologiques. Il n’a pas accès au téléphone et s’est vu limiter dans son droit à recevoir des visites, y compris celle de sa mandataire juridique.

    L’OMCT est très préoccupée par les conditions dans lesquelles M. Khammas est actuellement détenu et exprime sa plus vive inquiétude quant à la détérioration de son état de santé mentale et physique, considérant que cet enfermement en isolement est une pression inacceptable exercée sur celui-ci. A cet égard, dans son rapport annuel daté de 2008, le groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a rappelé aux Etats que « les immigrants clandestins placés en rétention administrative ne sont ni des criminels ni des suspects». Il a également rappelé que la détention administrative appelle au respect de standards particuliers adaptés à ce type de détention.

    M. Fahad Khammas est actuellement en détention afin d’être renvoyé vers la Suède où il est fortement menacé d’un refoulement vers l’Irak, étant donné un premier rejet de sa demande d’asile par les autorités suédoises. En l’espèce, l’OMCT se joint avec force aux diverses voies qui se font entendre quant aux risques pour l’intégrité physique et mentale de M. Khammas en cas de renvoi en Irak étant considéré comme un « traitre » par des milices islamistes du fait de ses activités de traducteur pour l’armée américaine.

    L’OMCT voudrait donc rappeler à la Suisse ses obligations internationales en la matière soit celle de tout Etat qui expulse ou renvoie un étranger de s’assurer que celui-ci ne sera pas soumis à des traitements ou peines contraires à la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, à l’article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à l’article 3 de la Convention européenne des Droits de l’Homme, soit à la torture ou autres traitements ou punitions cruels, inhumains et dégradants. Ces éléments avaient déjà été soulevés dans un courrier du Secrétaire Général de l’OMCT adressé à l’Office Fédéral des Migrations début mars 2009 et qui n’a malheureusement pas trouvé d’écho jusque là.

    L’OMCT appelle donc les autorités suisses à prendre les mesures nécessaires pour garantir l’intégrité physique et mentale de M. Fahad Khammas durant sa détention administrative, à reconsidérer sa mise en liberté et à ne pas l’expulser au risque d’être en contradiction avec ses obligations internationales en matière d’interdiction de la torture et autres traitements ou punitions cruels, inhumains et dégradants.

    Pour plus d’informations, merci de contacter: Orlane Varesano, +41 22 809 49 39


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    AMNESTY INTERNATIONAL
    COMMUNIQUE DE PRESSE


    Fahad K., requérant d’asile irakien débouté
    Protestation contre la détention en isolement à la prison de l’aéroport de Zürich

    Lausanne, 31 mars. Amnesty International proteste contre les conditions de détention de Fahad K., détenu depuis vendredi dernier à la prison de l’aéroport de Zurich. Dans une lettre adressée à Markus Notter, Chef du Département de la justice du canton de Zurich, à Victor Gähwiler, responsable des prisons zurichoises et à la Conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf, l’organisation des droits humains dénonce plusieurs violations du droit en vigueur.

    «Il est inacceptable que le jeune Irakien Fahad K. soit traité comme un dangereux criminel. Il est détenu à l’isolement depuis vendredi passé », déclare Denise Graf, coordinatrice réfugiés de la Section Suisse d’Amnesty International. Elle a rendu visite au détenu mardi matin et se dit extrêmement préoccupée par les conditions de détention de Fahad K.

    Dans une lettre adressée à Markus Notter, Amnesty International attire l’attention sur le fait que les autorités d’exécution du renvoi violent à plus d’un titre le droit suisse, le droit international ainsi que la jurisprudence du Tribunal fédéral en matière de détention administrative. La Conseillère d’Etat, Evelyne Widmer-Schlumpf et l’actuel responsable des prisons zurichoises ont également reçu une copie de la lettre. Dans sa lettre, l’organisation des droits humains demande une clarification rapide de la base légale permettant la détention à l’isolement de Fahad K., ainsi que sur les raisons qui justifieraient l’usage d’une paroi vitrée lors des visites.

    Le 23 mars 2009, le requérant d’asile Fahad K. a été arrêté par surprise à l’Office cantonal des migrations de Zürich. Le Tribunal administratif fédéral avait préalablement rendu une décision de renvoi vers la Suède du jeune Irakien de 24 ans. En Suède, il est menacé de renvoi sur Bagdad. Contrairement à la Suède, la Suisse ne renvoie ni dans le sud, ni au centre de l’Irak en raison de l’insécurité qui règne actuellement dans la région.

    Amnesty International se montre préoccupée par la sécurité de Fahad K. en cas de retour en Irak où il a travaillé comme traducteur pour les forces américaines. Accusé de "traitrise", il est menacé par les milices islamistes et a dû quitter le pays. Environ 300 traducteurs comme Fahad K. ont été tués depuis le début du conflit.

    Fahad K. est l’un des principaux protagonistes du film  La Forteresse, de Fernand Melgar. Ce film est actuellement projeté dans les salles de Suisse alémanique et présente le quotidien des requérants d’asile au centre d’enregistrement et de procédure de Vallorbe.

    Informations supplémentaires:
    Denise Graf, Coordinatrice réfugiés, Tél. 031 307 22 20, Tél. 076 523 59 36

    Images: Chez nous, par Philip Seelen. La Forteresse, de Fernand Melgar.