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  • Prends garde à la douceur

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    De la croix .- Vie et destin et tout est dit de la croisée de vos chemins à lentes foulées de pieds sarclant le temps de vos pensers profonds, ou dansant parfois, rampant ou vous tordant cloués sur vos lits de douleur - et c’est pourtant de tout cœur et l’âme sereine que vous l’inscrirez enfin: vie et destin...

     

    Des vies conjuguées.- Comment allez-vous, ont-ils commencé de vous demander comme si vous n’étiez qu’un, et au sortir du cinéma : comment l’avez-vous trouvé, sans supposer que l’avis de l’un puisse différer du jugement de l’autre, et de fait l’illusion parfaite vous convenait sans vous contenir tout à fait, trop occupés tous deux à voir au-delà de ce que voyaient vos regards conjugués...

     

    De la théopoésie.- Hélas nous autres bohèmes n’avons jamais été de trop fins théologiens, trop impatients ou trop librement emportés alors que vous argumentiez avant de manger du corps de l’Absolu comme s’il fût plus qu’une symbolique idée, et tant de mots latins pour en imposer quand la poésie le disait les yeux fermés dans la langue du tout humain...

     

    Des marteaux et des marées.- La Raison m’était trop froide, et le seul sentiment trop tiède, te diras-tu in petto en te rappelant leurs chicanes de fauves intelligents mâles et femelles se jetant à la gueule l’argument entre cafés et chapelles, et c’est ce manque de plus tendre collaboration que tu déplores aujourd’hui dans le tintamarre et la confusion des principes, entre jactance hagarde et robotique...

     

    Des doublures .- La séparation des genres et des âges ne les a jamais occupés ni préoccupés, elle dans le cambouis et lui troquant le bracelet de force pour les vocalises imitées de l’oiseau Soprane, elle et lui se complétant sans ignorer la compétence inusitée de l’autre ou son envie d’en tâter (la subite attirance d’Ophélie pour la conduite motorisée à tombeau ouvert), et pourquoi ne pas ignorer les frontières ou brouiller les critères si ceux-ci ou celles-là réfrènent nos élans conjugués...

     

    Du trouble-fête.- Celui que vous avez rejeté était peut-être un Veilleur, mais on n’en est pas sûr: on n’est sûr de rien dans votre semblant de fête où veiller ne peut qu’être suspect...

     

    Des motifs oubliés. - Nous ne savons pas qui étaient les millions d’affamés de toutes les terres où sévirent les affameurs, nous sommes en vie sans être sûrs de notre droit à l’être, nous ignorons ce qu’aurait été la vie de millions de suicidés aux motifs obscurs ou occultés, nous croyons savoir qui nous sommes sans en être sûrs...

     

    Des illuminés.- Distinguer les porteurs de lumière des imposteurs n’est pas donné à qui n’a pas reconnu la lumière en lui, et conclure à la folie des lumineux relève trop souvent de la crainte de la découvrir...

     

    De l’abnégation.- Celui qui se croit rejeté, ou celle qui l’est en effet, ceux qu’on ignore ou qu’on écarte ont la chance d’être rendus à eux-mêmes où il leur sera donné de renaître s’ils ne se rejettent pas...

     

    De l’évidence.- Ton mystère ne résidait pas dans ce qui m’était caché de toi, tes secrets ou tes obscurités, mais dans ce que je découvrais chaque jour de toi de nouveau, qui me semblait chaque jour plus beau d’être révélé en pleine lumière...

     

    De la vanité.- À se reprocher dans ses écrits le néant de ceux -ci, et d’y insister sans répit, il ne faisait qu’y ajouter avec l’amère volupté de qui n’a rien à dire et fait comme s’il le savait...

     

    De la confiance .- Nous n’avons pas eu besoin de nous confier beaucoup pour nous fier l’un à l’autre, sans trop le seriner aux autres vu que ceux-ci le voyaient assez: que nous étions confiés l’un à l’autre...

     

    De la bonté gratuite.- Qu’une bonne pensée, un beau geste, et toutes les formes de l’attention bienveillante fussent l’objet d’une rétribution, et donc d’une sorte de commerce, nous révulsait également, nous qui n’étions pas ce qu’on peut dire des gens bien de naissance ni n’étions sûrs d’être bons par nature, juste convaincus de la beauté sans prix de la bonté...

  • Prends garde à la douceur

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    De la distance.- Nous nous étions éloignés des événements. Nous avons continué de participer, mais de loin. Le Mal ne nous laissait plus de choix: il fallait se replier. Ce n’était plus la situation générale et le confinement obligé pour tous mais l’attaque personnelle, à la fois sournoise et brutale. Pour le dire vraiment : nous étions dépassés. Et cependant nous avons refusé de céder au Mal, et c’est pourquoi nous l’avons affronté de loin sans en parler...

     

    Des conditions objectives.- C’est entendu: le Mal est en chacun (entendons : chacune et chacun) et tous y ont part plus ou moins active selon les moments et les pulsions, les défenses intégrées ou les impulsions du milieu - on connaît, mais ce qui saisit à la gorge est l’effet de surprise, à commencer par les malformations de naissance ou la première idée de meurtre...

     

    De ce qui est à faire.- Vous croyez que tout est fait dès l’origine et que tout est donné, que tout est parfait et à consommer ou que vous êtes refait à la base alors que le Job, pour le dire comme vous parlez, est à venir et tous les jours que le Job requiert d’attention et de bienveillance, de sérieux et de persévérance, d’aspiration enragée à la sainteté de chacun (entendons : chacune et chacun) et à la justice pour tous - tout ça pour le Job...

     

    De l’inconnaissable.- Ceux-là ricaneraient de l’astronome porté à la mystique ou du mathématicien fidèle au temple de quartier, forts de leur ignorance du mécanisme stellaire ou des improbabilités calculées, alors qu’à s’enfoncer dans le trou noir on y voit plus clairement la beauté des choses ...

     

    De la direction.- Y a-t-il quelque chose de plus haut que le surnommé Plus-Haut des sermons et des menaces, se demandent les doux hérétiques infoutus d’admettre que le Très-Haut ait signé le bon à tirer des calamités naturelles et des malfaisants, posant la question de l’intention initiale :  qu’ils fussent eux-mêmes le résultat d’une intention - et cela leur plaît en effet: qu’au-dessus du Plus-Haut se pose la question sans réponse qui leur sourit…

     

    Du scandale .- Quant au Mal je ne m’y ferai jamais, lance l’innocent au Commandeur des prières, pas plus qu’au Bien que vous bénissez pareillement en fermant les yeux à moitié...

     

    Des façons de s’élever .- La conclusion des ricanants me déplaît, me disais-tu toute rayonnante de ta lumière de mécréante apparente, en cela qu’elle n’est que grimace, et je trouve ça bien laid, au contraire des évangiles de l’enfance qui sont de si beaux récits qu’ils font du bien, et que veut-on de plus que ce qui nous fait être meilleurs que ce que nous croyons...

     

    De la possession.- De la société de convoitise que vous avez conçue, nous nous sommes éloignés en privant nos enfants de tout superflu, et s’ils nous en avaient voulu nous en eussions été d’autant plus contents: poil aux dents...

     

    De ton odeur.- Que tu fusses la sœur des fleurs, c’était prouvé par ta façon de signifier le bouquet de ton seul parfum secret…

     

    Des mots de trop.- Quant à nommer ce qui ne peut l’être : mettre un autre nom que le mot LOVE dont nous usions sans penser jamais à ce qu’il signifiait, nommer le bien partagé que nous était l’éveil partagé après le sommeil, nommer ce lien ou la simple présence et les éloignements quotidiens, mettre des noms à tout moment et jusqu’aux dissonances -, nous lui aurons toujours préféré regards et silences...

     

    Du simple chant .- À celui-là qui évoque en mots la lumière et qui plus est, les yeux au ciel : la lumière de la lumière, je suggère plutôt de le chanter...

     

    De la rivière.- En remontant plus tard le cours du temps, devant cette mer brassant vos heures vous vous rappellerez cette lumière de l’eau de source descendue des hauteurs entre les herbes de la terre, et les arbres, les visages et les maisons, le fil de l’eau et tout ce vert...

    Peinture: Stéphane Zaech.

     

  • Prends garde à la douceur

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    (Pensées du soir, XVI)
     
    Du sentiment d’impuissance.- Ce que rapportait désormais le multimédia en flux tendu, à propos du pays quasi voisin soudain envahi, transforma la vague idée d’une entité aux plaines infinies en réalité presque tangible dont les images de l’agression brutale que subissaient ses habitants suscitèrent une réelle compassion qui engagea les uns et firent les autres regarder ailleurs comme il est normal de le faire, estimaient-ils sans l’exprimer de vive voix ni le penser même dans de nombreux cas malgré la vision réitérée de l’atroce dévastation...
     
    De ce qui recommence.- Un soir il fut question, à la télé, de ceux qui survivaient après deux autres guerres, dont l’un n’avait plus de jambes mais se rappelait le temps joyeux de ses années où tirer sur l’ennemi de classe et dénoncer les parasites sociaux faisait partie de l’honneur des combattants patriotes, mais on parlait autrement aujourd’hui lui signifiait son interlocuteur du média qui n’avait pas connu ces années-là et semblait s’en prévaloir...
     
    De l’oubli programmé.- Des milliers de pages et de documents témoignaient de ce qui n’aurait jamais dû se répéter, avait-on longtemps ressassé, mais l’urgence de tourner la page se substituait à présent au devoir de mémoire et ravivait l’ancien ressentiment...
     
    Du vrai désarmement.- En vérité, répétera très justement, et non moins inutilement, le sage hostile à toute forme d’agression de son semblable, il n’est d’autre sagesse que de savoir qu’on ne sait pas ce qu’on sait - ce que ne voudra jamais entendre le fou, à vrai dire légion, qui ne veut entendre que ce qu’il n’entend pas...
     
    De ceux qui prétendent savoir. - Plutôt que de langue de bois, c’est de bouche pleine de fer qu’émane le nouvel expert de plateau de télé, mais la guerre fait feu de tout bois...
     
    Des personnes déplacées.- Celles et ceux qui là-bas étaient hier chez eux au milieu de leurs aïeux vivants encore ou morts depuis longtemps se retrouvent désormais chez eux partout où les accueillent ceux et celles qu’ils tenaient hier pour des étrangers et dont certains ont connu ailleurs leurs parents et autres aïeux...
     
    De la résilience. - Une autre aïeule, inconnue au bataillon , dissimule un tatouage national sous son jupon et fait cuire ses gâteaux de Pâques sur son vieux poêle endommagé au milieu de sa cuisine sans murs, au milieu de sa maison sans toit, et tout à l’heure elle ira les faire bénir à l’église du quartier dévasté, à supposer que celle-ci ait tenu bon sous les bombardements...
     
    Du langage approprié.- Dans sa nouvelle façon de parler, l’assaillant explique à l’assiégé que ce qu’il lui impose ne vise qu’à le protéger, puis à le libérer, ce que l’assailli fait mine de ne pas comprendre pour mieux protéger sa propre liberté...
     
    De la pureté.- Leur absolu se veut une armure et c’est en son nom qu’ils extermineront les impurs adonnés à la simple vie, ce malheureux obstacle à la parfaite contemplation du néant...
     
    D’une question indue.- Il y a trois vies de chiens, et beaucoup plus de guerres, que vous vous demandez pourquoi tant de jeunes gens se précipitent aux fronts divers en avérés chiens de guerre, mais à cette question vos chiens de paix n’ont pas de réponse, et d’ailleurs c’est l’heure d’aller se promener...
     
    D’autres révélations.- Cependant la guerre elle-même leur aura tendu un miroir , dans lequel ils auront eu garde de ne pas se contempler, tout à leur actes et à leurs actions déjouant l’abjection, et de la violence aveugle et brutale procéda comme un nouvelle innocence sans renom...
     
    Des gestes de la vie.- Se lever de bon matin, saluer le jour et sa lumière, compagne ou compagnon et compagnie, et le café, le pain de vie, endosser ses habits de cérémonie, révérence aux voisins amis ou peut-être moins, parcours du combattant de la journée ouvrée, avances et avanies, vacances des après-midi – souvenir des petites convalescences et relance des guérisons, et le monde arrive au soir où l’on s’enlace de se revoir - et l’autre monde nous attend, des rêves plus ou moins innocents, et caetera…
     
    Peinture: Edvard Munch.

  • Prends garde à la douceur

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    (Pensées du soir, XV)
     
    De quelque oxymores.- Douce violence, atroce beauté, froide passion qui tue, vertu qui se venge, bonté calculée, liberté cloîtrée, divine cruauté...
     
    De l’illusion féconde.- Vous n’aviez pas l’âge de le comprendre lorsque le vieil homme vous a dit que seul finit bien ce qui ne finit jamais mais ce soir, au désert de votre solitude sereine, vous l’entendez enfin...
     
    Des aveux différés. - Que tout finisse mal est la conviction non déclarée de la plupart d’entre nous, et jusqu’aux plus optimistes qui restent les plus déçus, mais ceux qui viennent ont-ils la moindre chance d’être consolés par votre aveu d’ignorance - cela non plus vous ne le savez pas et c’est pourquoi vous avez résolu de vous taire...
     
    De l’inattendu.- Passés le mépris et la tristesse, une pensée inconnue, accessible à la lumière, est peut-être encore possible, ainsi le tout-est-perdu-ou-presque est-il devenu la formule du nouvel archipel de pensée où les gens se font et se feront, encore, des signes...
     
    Du storyteller.- Les séries à rebonds prolifèrent, mais le Poète fera comme toujours dans l’inouï : du vrai jamais vu ni reproduit par numérique imitation, mais le pillage et le montage ne seront pas moins de la fête, tout en malices et délices où depuis tout temps excellent les trouvères et les griots d’Afrique noire et de Chine jaune...
     
    Des impros à venir.- Au gré de maints poètes non titrés et un peu partout, au fond des rues et sur les toits aux jardins suspendus, se signale ainsi la descendance en colliers de vocables et constellations phoniques ou sémantiques à tagadams slamés ou à sonnets stylés selon les âges et les quartiers - tels Cantos ou autres Romanceros se diffusant alors par les galeries ascendantes du média à l’heure de pointe de la mondiale Écoute...
     
    Du grand n’importe quoi.- La confusion régna tant que domina le micmac combiné de l’hémisphère gauche et des prétendues Lois du Marché, double instance de virtuelle régulation programmatique dirigeant chaque matin les mêmes billions processionnaires de sans-visages à calculettes et baise-en-ville selon les flux et reflux automatisés du Système...
     
    De la tyrannie.- De l’enfant malformé à la vieille grabataire il n’y a donc qu’une plainte continue et qui se retient pour ne point vous insupporter, fringants que vous êtes et nécessaires à la société, sur quoi la nuit se remplit de pleurs - mais à d’autres l’insomnie ! murmure en vous la voix du juste au sommeil...
     
    Des voix dans le désert.- Debout sur votre camion vous clamez à la Nature qu’elle ne serait rien sans vous et les rapports et autres poèmes que ce soir vous allez faire sur elle - elle et Dieu qui, Lui non plus ne saurait prier dans le désert sans vous et ne vous a fait, sur votre camion, que pour être cité ce soir dans vos rapports et autres poèmes...
     
    D’autres conjectures.- Je ne dirai pas qu’Il est Tout-Puissant, incapable qu’Il est de retenir séismes et tsunamis, mais comment ne pas prendre soin de quelqu’un qui est aussi sensible qu’un enfant, aussi imprévisible qu’un adolescent, aussi limité qu’un handicapé ou qu’un impotent - et qui ne demande même pas d’être aidé...
     
    De la banalisation. – Ce n’est pas tant que vous soyez choqués, au sens traditionnel de la pudeur agressée, devant l’exhibition mondiale et tarifée de la copulation multigenre : c’est que vous humilie personnellement l’humiliation volontaire de toute ces personnes avilies par le culte conjoint du cul et du dieu dollar - toutes les heures et tous les jours pour le bénéfice des avides et des cupides défenseurs par ailleurs de la morale et des valeurs puritaines et démocratiques du Système…
     
    Peinture: Robert Indermaur.

  • Prends garde à la douceur

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    (Pensées du soir, XIV)
     
    De la loyauté.- En cas d’erreur ou de malfaçon par défaut d’expérience en chantier, le dire franc marquera le début de la réparation...
     
    De la dépendance. - Le Système étant organisé pour la gestion de la catégorie sociale hors d’usage des Seniors, il fut entendu que vous seriez aidés et accompagnés au gré de protocole appropriés auxquels votre fierté refusa longtemps de se plier, avant que les excès de l’âge ne vous fasse (parfois) fléchir sans (toujours) reconnaître ce qui vous semblait la plus amère injustice - dépendre d’un Système...
     
    Du ressentiment.- Les apparences de durable répit social coïncidèrent, durant ces années sans conflits généraux en nos contrées, avec la montée d’un mécontentement dont la source était le plus souvent l’envie et le mépris croissant des prétendus importants et de la caste régnante, mais l’écran principal inaccessible jusque-là se fragmenta bientôt en une multitude de petits miroirs où chacune et chacun eurent enfin loisir de montrer leurs dents...
     
    Des muses muselées.- Les machines supposées supplanter les devineresses de l’aube et les agents secrets de la Subconscience butèrent sur les objets du jardin d’enfant et le naturel populaire des champs ou des chantiers et des zincs de cafés - les machines mimétiques se plantèrent dans le simulacre numérique...
     
    De la survie .- N’oubliez pas la musique, avait recommandé le Livre, et tu l’as si bien entendu qu’aux mots qui enivrent tu as préféré te bercer de l’harmonie de ce qui est...
     
    De l’acclamation .- Votre mère, la toute brave et naturelle, avait une façon tout à elle d’ouvrir les fenêtres de vos chambres d’enfants au premier soleil, et quelle joie plurielle elle vous préparait sans s’en douter !
     
    D’une autre évidence.- Cela semble aller de soi: que ceux qui n’aiment pas les oiseaux n’aiment rien, comme il est naturel que ceux qui mangent les oiseaux les aiment à leur façon, chaque façon d’aimer excluant ceux qui n’aiment rien...
     
    De la succession .- Vous ne reprochez pas à la fleur nouvelle de remplacer celle qui n’est plus, aussi me saluerez vous passant et souriant, avant de m’oublier à votre tour souriants et bientôt trépassés...
     
    D’autres références.- Vous peinez à croire à l’ignominie de ce pontife moscoutaire envoyant nos beaux jeunes gens à l’abattoir, mais relisez donc L’Enfer de l’affreux Dante et rappelez-vous : tant de canailles ecclésiales et tant de filous et de félons partout sacrifiant au djihad du Dieu fou...
     
    De son humble demande.- Point d’invocation pastorale à mon chevet mortel, avait-elle exigé sans exclure musiques de paradis ou blues d’enfer, au temple instauré mais que mes amours fassent l’office et que ma joie demeure sans autre sacrifice...
     
    Du nom perdu.- Se sachant seul au-dessus des milliards d’implorants ou de proclamants, et vraiment seul à savoir qui il est sans chercher à se trouver, innommable à jamais et frustré décidément de tout prénom, le Paraître se tait...
     
    D’autres accès que l’excès.- Tous ces fusils et ces assauts prouvent assez Ton existence, Dieu méchant, que ma non moins divine conscience rejette à l’inexistence de tes troupes rampant dans leur propre sang, et moi tranquillement je Te le dis: que seul un Dieu dont la paix succède à la pensée sera digne de m’être connu, parce qu’Il me reconnaît...
     
    De la pudeur .- Au demeurant il en irait, pour certains, de la douleur comme du plaisir, et je suis de ceux-là et portés comme eux à ne pas en parler à trop haute voix, voire même, à la paysanne, à n’en pas faire un plat...
     
    De quelque oxymores.- Douce violence, atroce beauté, froide passion qui tue, vertu qui se venge, bonté calculée, liberté cloîtrée, divine cruauté...
     
    Peinture: Olivier Charles.

  • Prends garde à la douceur

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    (Pensées du soir, XIII)
     
    De l’aube revenue.- Quelle adorable personne s’est-elle vêtue ce matin de quel parfum et de quelle parure de prairie aux corolles de printemps ouvertes comme autant de mains à l’onction du ciel...
     
    Du retour annoncé. - Et lorsque tout te semblerait si parfait que cela te paraîtrait achevé, la grâce de tout recommencer te serait accordée comme au début de chaque matinée...
     
    De l’éternel présent.- Ceux qui veillent depuis toujours, veilleuses et veilleurs des quatre coins des nébuleuses, le savent a jamais : qu’il n’y a que le présent des choses qui puisse vous révéler votre éternité...
     
    De la timidité.- Mais puis-je vivre encore et donner encore un peu d’eau à l’assoiffé dont les jambes sont paralysées, demande la toute vieille en clignant de l’œil à l’eau du puits, et son miroir sourit...
     
    De ce qui compte.- L’inventaire admettra la priorité du café et des médias, du déodorant et du cinéma, de tout ce qui cesse de nous démanger que nous avons mangé et donc du ventre où se confrontent le serpent et le dieu caché, et le bain de soleil en été et le bain de silence aux égarés d’avance...
     
    De l’infertilité.- Laisse-toi pénétrer, te murmurait le soir la Nature en manteau noir dont les doigts en éventail peignaient tes longs cheveux dorés par ces faciles étés des bonheurs dérobés , et tu laissais couler en toi la nuit aux paupières baissées...
     
    De l’insécurité.- Vous ne savez ce qui vous attend, qui monte du fond de la pensée, vous craignez plus que tout votre ignorance et de le savoir vous ferme à ce qui justement serait un début de connaissance...
     
    De la vaine certitude.- Sûrs de leur savoir les sachants, que je sache, n’auront jamais su que savoir de source trop sûre, au dam du sourcier qui sait que rien n’est sûr que le secret de la source cachée...
     
    De l’âge de la nuit.- Tes joues fraîches sont d’un enfant qui dort, mais ton flanc d’un athlète après l’effort se plie et se déplie sous l’effet d’un cœur pris du remords d’une amoureuse infidèle et la nuit passe, les années passent dans le sommeil sans bruit des hirondelles endormies, autant de corps qui se délassent et se déplacent entre les cœurs jusqu’au jour retrouvant ses heures...
     
    De l’inattendu.- Ce qu’il y a de meilleur en vous, et c’est le sage en vous qui le dit, n’est autre que ce caillou sans bruit dont on ne sait s’il est du jour ou de la nuit, âme nue ou pur esprit et qui sait, à ce que dit encore le sage en vous, ce que sont les choses...
     
    Du faux semblant .- Ce qu’ils croient leur choix n’est que leur façon de se leurrer du fait qu’ils ne sont que les proies du désespoir, et comment ne pas le voir à leur façon de broyer du noir en feignant d’en sourire...
     
    De l’apaisement.- Plus tard votre vue baissera, aussi vous semblera-t-il que la beauté s’éloigne alors que vous seul vous éloignez, la beauté au cœur, et la bonté...
     
    De notre présence .- Je ne saurais dire absolument qui est là quand je suis là et que tu es là, ni dire absolument qui n’est plus là, restant ici sans toi...
     
    De l’équilibre.- Ce n’est pas à la prétentieuse maîtrise des phénomènes que nous aspirons mais à la conversion des pertes et des tracas en possibles radieux, et cela vaut pour les parcours d’arêtes aux incidents réversibles et aux traversées du désert fertiles en enseignements variés, autant dire que la compulsion même instinctive et la transmutation des métaux lourds en substructures laissant passer la lumière seront appréciées dans les nouvelles combinaisons d’énergie indispensables au maintien debout de l’artefact ou de la personne concernés...
     
    Image JLK, 2017: le sans-abri de San Diego.

  • Prends garde à la douceur

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    (Pensées du soir, XII)
     
    De la chose promise.- Les enfants viendront, lui avait-on dit, les enfants viennent, confirma le chien d’un aboi surpris, les enfants sont là proclamait tout ce qu’il y avait d’objets qu’ils bousculaient de leurs gesticulations et de leurs cris, et c’était comme une communication de joie et comme une augmentation de présence qui l’impatientait et le réjouissait à la fois tant les enfants sont imparfaits et tellement plus vrais en cela qu’on en redemande - et ce dimanche il se dit qu’il ne mourra pas ni ne mourra jamais si les enfants sont là...
     
    De l’impondérable.- Vous vous fiez aux enfants parce qu’ils vous échappent, et le leur reprochant c’est avec l’accent de n’y pas croire que vous leur faites entendre votre désir secret de les voir vous défier à tire-d’ailes, et les voyant s’envoler vous feignez la colère et savez qu’il font semblant de s’en affecter ...
     
    De ce qui reste vrai.- Je ne voulais rien dire d’autre aux enfants que ce que je dis des enfant qui nous augmentent, et je le sais depuis mon enfance: que je n’aurai que ça à dire de vrai et que les enfants en auront été la preuve...
     
    De ces moments d’insouciance.- C’est grâce au reste d’enfance en vous que reste votre nostalgie des après-midi de vacances qu’à tout moment vous aimeriez prolonger au dam de vos conférences - et vous savez que cela même fonde la confiance que vous inspirez...
     
    De la conséquence.- Ce qu’ils attendent de vous se lit dans le plus pur de leurs yeux, et vous savez que les décevoir sera le premier jugement qui vous donnera le sentiment de vous être trahi...
     
    De la puérilité.- Quant au culte américain de l’enfance, vous le vomissez de toute votre ardeur attentionnée, tant cette complaisance est nocive et contre nature, quand le seul esprit d’enfance est cinglante lumière et tranchant de diamant...
     
    De tel dépassement.- Dépouillons le Vieil Homme, s’exclame l’enfant demeuré sous l’armure du chevalier, et le conseil de l’apôtre fait florès auprès des garçons enfourchant de concert leurs blancs destriers et s’exclamant: dépouillons notre peau de petits couillons !
     
    De l’inattendu.- D’une voix incertaine vous expliquez à l’enfant que vous ne savez pas à quoi il sert, pas plus que vous ne pensez le contraire, et de cela il conclut que vous vous serez montré sincère sans être sûr de vous avoir entendu...
     
    De la parole donnée.- Ce que vous avez donné à l’enfant n’est que le don qui vous a été fait sans que jamais vous n’ayez mesuré son prix, pas plus que ne vous vient l’idée d’évaluer ce que vous aurez transmis...
     
    De la communauté.- Vous avez dit : mes enfants sans le penser vraiment tant ils étaient de partout sur ces chemins variés et partout où ils s’étaient retrouvés au gré des événements divers, et pourtant c’étaient vos enfants, à vous autres mères et pères qui attendiez d’être reconnus...
     
    Du refus de n’être rien.- Vous ne permettrez pas à l’enfant de croire au néant, tout ce que vous croirez bon de lui enseigner mais pas cela, ou alors puisse-t-il ne pas vous croire...
     
    Des lectures du soir. – Ce qui se passait sous la lampe nous échappait, tout passant par la voix qui lisait et les images projetées sur nos écrans intérieurs, les mots ne disant pas toujours les mêmes choses; et pourtant ils étaient tous protégés, qui lisait et qui écoutait les yeux ouverts ou fermés, tous étaient enlevés ensemble à la présence apparente et tous aujourd’hui se le rappellent comme un partage de l’innocence…
     
    Du contraire entrevu. - Ils vous ont été donnés pour vous laisser prouver que vous les attendiez et leur demander peut-être, un jour, de prouver qu’ils vous attendaient, mais rien n’était assuré et vous ne demanderez aucune preuve, en attendant, de ce qu’ils ont reçu ce que vous leur avez donné…