Ou comment l’utopie révolutionnaire contribue à notre asservissement...
« Stay woke ! », s’écrie la conscience blessée devant l’atrocité de ce qui est, et je me le rappelle tous les matins en prenant des nouvelles du monde nous arrivant au même instant de partout, et je me dis que ça ne devrait pas être, comme je me le suis dit enfant à la découverte d'un premier oiseau mort dans notre jardin, comme je me le suis dit l’an dernier après qu’un jeune flic paniqué de nos régions eut flingué un Noir au comportement inquiétant, et comme je me le dis ce matin en prenant des nouvelles d’Ukraine et environs.
« Reste éveillé ! » Hier soir encore, l’atrocité du monde m’est revenue avec les épisodes insoutenables de cette série coréenne (Juvénile justice, sur Netflix) consacrée aux conséquences des mauvais traitements infligés aux enfants devenant parfois de monstrueux délinquants, et l’inventaire des calamités imputables à ce que Montaigne appelait l’hommerie se trouvait une fois de plus ressassé, enfants et femmes battus, viols et violences à n’en plus finir, et j’entendais la voix de ma conscience meurtrie me répéter : comme cela a toujours été, mais il ne faut pas dormir...
Sur quoi j’entends que « stay woke », en américain d’aujourd’hui, voudrait dire tout autre chose en matière de changement. Un poète le clamait jadis : il faut changer la vie. Et voici que les nouveaux éveillés le prennent au pied de la lettre en changeant les lettres de la vie, l’ADN devenant NADA ou n'importe quoi.
On y reconnaîtra le retournement des slogans, caractéristique de toutes les révolutions, et avec les dernières nouvelles , atroces, d’Ukraine ou des fronts des commissariats et des services d’urgences du monde entier, nous arrive ce matin la rumeur que tout ça ne serait qu’assignation arbitraire et qu’en réalité il suffirait de changer les mots pour changer les choses, mais comment supporter cet aveuglement ? Comment ne pas voir que prendre ses fantasmes pour la réalité nous prépare de nouveaux lendemains qui déchantent ?
Restons éveillés mais sans esprit de vengeance et cette propension actuelle a endosser la souffrance des autres pour se blanchir. Répondre à la haine par la haine, ne voir partout qu'abus et noirceur, faire de l'Occident seul ou du seul mâle blanc des monstres est la meilleure façon d'ajouter à la confusion et au chaos, etc.