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Martin et son double

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(Extrait d'un journal en cours de journée)
Ce samedi 24 avril. - Je tombe réellement des nues à la lecture de l’Inside story de Martin Amis, qui relève a la fois de l’autobiographie réinventée et de la bio dédoublée en décalage diachronique, comme si je me racontais moi-même en passant en revue les personnage que j’ai été et qu’ont été chacune et chacun d’entre vous dont je prendrais à témoin celles où ceux en qui j’ai le plus confiance pour détailler ou commenter ( je vous laisserais donner votre avis) telle ou telle situation et décider si je l’aborderais aujourd’hui, ou pas, de telle ou telle autre façon...
Comment se débarrasser de ce qu’on appelle la religion au profit de ce que William James, frère du fameux Henry, préférait appeler l’esprit religieux, et comment parler vraiment de sexe dans un roman - ou comment raconter ses rêves ?
C’est ce que se demande Martin qui cite bientôt Kingsley (son père écrivain en vue) comme un personnage du roman qu’il est en train d’écrire, dont il évoque l’antisémitisme «mécanique « en des termes qui me rappellent, entendus de sous la table du salon de mes grands-parents paternels, les propos de mon père et de mes oncles d’accord avec mon grand-père pour estimer qu’«ils sont partout», propriétaires de grands magasins lausannois et surtout influents en cercles fermés partout où il y a de l'argent - et j’entends et j’enregistre bien avant de poser à mes parents l’inévitable question des camps, à savoir : savaient -Ils ou pas ?
Martin Amis avait entrepris la composition de ce roman sur «sa vie» en Uruguay, il y a des années de ça, et le résultat l’avait navré : c’était un livre mort, faute sans doute de fiction – faute d’être un roman.
Est-ce à dire qu’une vie «romancée» s’impose ? Pas du tout. Le roman est une résurrection ou il n’est rien qu’un livre mort, même pas une biographie. On le comprend en lisant Inside story, qui suit un fil invisible mais solide, me rappelant ce que disait Roland Barthes, selon lequel le roman fait d’une vie un destin.
On pourrait dire alors que dans le véhicule du roman, Martin a pris la place du mort et commente la façon de conduire et les options directionnelles du chauffeur en train de nous conduire tranquillement « à tombeau ouvert ».
Jusque-là, se dit le Martin passager, trois choses ont été difficiles pour les romanciers et c’est de parler du sexe, de la religion et des rêves.
Trois sujets impossibles, illicite pour le premier jusqu’à la légalisation de L’Amant de Lady Chatterley, mais d’après le Martin romancier même là D.H. Lawrence n’a pas parlé de sa vraie voix…
Donc on s’attend (on n’en est même pas à la page 33) à ce que le romancier casse le morceau à sa façon, et ça commence bientôt avec le récit de ses premières «affaires», à commencer par celle qui lui fait rencontrer Phoebe au seuil d’une cabine de téléphone…
Or la première «description» physique de Phoebe est d’une «poésie» de vrai roman nabokovien, mélange de sensualité sémantique et de grâce ailée, de malice et de semi-obscénité (comme on parlerait de semi-obscurité) qui fait réellement apparaître en 3 D cette femme terriblement attirante en fonction de critères échappant aux clichés de la « terrible attirance » conventionnelle...

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