UA-71569690-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Bateaux ivres

    DjqtDSaXcAAMMTn.jpg

     

    Verlaine le pouillu,
    tout amoureux fou d’un voyou
    renifle dans sa verveine;
    il a mal partout,
    à la tête et au cœur couillu,
    car aimer lui fait de la peine.

    Cet Arthur est un saligaud :
    ce foutu gigolo
    qui tord le cou aux vers
    et fait rendre gorge à l’orage,
    les peignant tout en vert
    en vrais Peaux-Rouges coupe-gorge -
    ce débauché de l’Ardenne bleue
    est un démon vaudou
    bandant comme un mât de garenne
    et cinglant jusques aux étoiles
    quand il se fait la malle
    sur son bateau nu titubant
    de cinglé tout en moelle.

    Alors Verlaine qui n’en peut plus
    lui tire un coup au fond du cœur:
    un bon coup de couteau
    chargé de vraies balles en métal -
    on sait que ça fait mal;
    mais Verlaine aime à en faire peur,
    il n’est plus que douleur
    et de raison: que dalle !

    Cependant, et bien étonnant
    au dam du philistin:
    c’est que Rimbe à la fin pardonne,
    trouvant à son ami
    l’excuse de la maldonne
    et des jeux joyeux du destin;
    la belle excuse enfin
    de qui perd la boussole en mer
    et se noie dans la prose,
    les yeux égarés de beauté -
    deux anges naufragés,
    et la musique en toute chose...

  • Les garçons bien élevés

    capture-d_ecc81cran-2016-09-13-acc80-3-18-35-pm.png
     
    Pour Aloysius et son double.
     
    Les garçons qui font la vaisselle
    n’ont plus l’air emprunté
    de leurs pères aux noires aisselles,
    quand ils buvaient le thé
    au milieu de leurs péronnelles.
     
    Les garçons tricotent en riant
    des bonnets d’opéra,
    et se coulent ainsi que des chats
    dans les lits des divas
    qui les cajolent en ondulant
    de leur valseur valsant.
     
    Les garçons seront désarmés
    si vous les gourmandez
    ou les privez de leurs jouets,
    ou les montrez du nez
    dans les vestiaires mal aérés.
     
    Les garçons de ce temps voudraient
    tant qu’on les courtisât
    qu’ils se tendent soudain
    dans leurs tenues d’équitation
    aux éperons têtus,
    et les voici tantôt saillant
    et tantôt ferraillant,
    se lançant fiers dans la bataille
    des messieurs qu’on empaille...
     
    Peinture: Bronzino

  • Péchés véniels

     

    69332417_10220595587066490_20452621378650112_n.jpg

    (Aux dames de bonne compagnie)

     

    Les beaux garçons sifflent les filles:
    c’est l’ordre naturel,
    comme les queues du billard brillent
    sur l’herbe du bordel.

    Ces dames sont très philosophes,
    qui voient passer la vie;
    laissons-les égrener les strophes
    de la mélancolie.

    Ce sont les veilleuses attentives
    des péchés délicieux
    qui nous rendent les heures plus vives
    au décri des fâcheux -
    mais laissons ces bonnets de nuit,
    et reprenons nos jeux...

  • Coulant de source

    Bellini01.JPG

     

    Coulant de source

     

    Ma première liberté prise

    à l'insu de tous,

    même de l'unique camarade de ruisseau du moment,

    relie toujours

    une source jamais vue 

    et le lac où tous plongeaient,


    corps adorables


    de l'idéale fantasmagorie

    à jamais sans âge.


    Mais déjà j'étais l'enfant trop conscient,


    l'adolescent des rêveries en lisière,


    le compagnon errant des rivages.


    Déjà!


    Cela fait maintenant


    le temps d'une vie.


    Au ciel de cette nuit blanche


    passe un avion silencieux.
     
    (Cracovie, mars 2016)

  • Au temps accordé

     

     

    bouquet_diurne.jpg

     

    Pour que la douceur dure un peu,
    pour que te soit moins dur
    le temps venu de nos adieux,
    dans un lointain murmure
    tu en reviens à ces années
    de toutes nos enfances
    où nous venaient les premiers mots,
    les premières souffrances,
    et le rebond tout aussitôt
    de nos impatiences...

    Tant d’images, de tendres visages.
    dans les ondes profondes,
    et l’oubli de nos âges.
    Tout à nos souvenirs communs.
    nous oublions le temps
    où jeunes et vieux n’étaient qu’un...

    Alors à nos mains tu confies
    les deux tiennes enfin...

  • Un si crâne garçon

    69400807_10220587504264425_6760287204032905216_n.jpg

     

     

     

    Il était parti pour la gloire:
    il en avait rêvé
    et ne pensait qu’à des victoires
    en nouant ses lacets.

    Petit, il se voyait gérant
    de tous les logiciels,
    arraché de tous les néants,
    aimé des dieux du ciel,
    adulé par toutes les mères
    et jalousé souvent
    par les amants de ces mégères...

    Je suis unique, chantait-il
    sous le soleil et sous l’averse,
    et tous les dieux me bercent
    comme le pharaon des îles.

    Mais un tram au coin de la rue
    guettait notre prodige,
    sur lequel son dévolu
    fut jeté, et vertige ;
    ce tramway prénommé Désir,
    tout ferraillant de fer
    l’écrase et le broie et le tire
    jusques au Cimetière.

     

    Paul Léautaud: "C'est cela, la vie. On travaille, on fait des livres avec des tas de salutations à Pierre et à Paul. On attend la gloire, la fortune - et on claque en chemin".

  • Devant l'enfant qui dort

    posters-vassily-kandinsky-bleu-de-ciel.jpg

    (Pour Timothy)

    Elle a la tête à la renverse,
    la Terre vue des étoiles;
    on dirait un enfant qu’on berce
    dans le nébuleux des voiles
    d’un beau navire entre les lunes,
    et le ciel a un goût de prune:
    l’enfant le reconnaît -
    cela lui rappelle le lait
    qu’il boit les yeux fermés
    quand la nuit devient une roue,
    là-haut au ciel très doux
    où tournoie le blanc des nacelles.

    L’enfant sait déjà bien des choses
    à son premier sommeil
    où Petite et Grande Ourse veillent
    tandis que tout repose.

    Peinture: Vassily Kandinsky

     
  • Comme un rêve éveillé

    70177624_10220662751985571_7142692069658591232_n.jpg

     

     

    J’étais perdu dans la savane,
    mais à y resonger,
    ce vieux relent de caravanes
    m’est un rêve étranger.

    Je suis en seyant pyjama,
    dans cet aéropage
    de séducteurs en panamas,
    qui me semblent hors d’âge.

    Tu es tout nu dans les bureaux
    des juges en cravates
    en train d’aligner des zéros
    au nom du Psychopathe.

    Ils travailleront à la chaîne
    de l’usine onirique
    tant que nul autre enfant ne vienne
    à eux des Amériques.

    Elle est parfois contrariée
    par ton sourire errant
    la nuit remuant ses marées,
    et ton regard dément.

    Dans ce monde on ne rêve pas,
    dit la Dame aux yeux mauves
    qui te berce au creux de ses bras
    de fée aux dents de fauve.

    Peinture: Robert Indermaur. PP. JLK

  • Au poète éperdu

     

    342513.jpg

    (En mémoire de Crisinel)

     

    À fleur d’eau j’entends murmurer
    le soir, ici, tout seul,
    sa voix comme voilée
    par le temps lui faisant linceul -
    sa voix désespérée.

     

    Entre seize et vingt ans,
    nous nous étions cherchés, là-bas,
    dans les déserts ardents
    où l’amour ne se connaît pas.

     

    Ses mots remontent des grands fonds
    de l’eau comme apaisée
    au souvenir de son seul nom
    de vieil enfant muet.

  • L'innocent

    1977600149.jpg

     

    (Pour Edmond V.)

     

    Tout nous appartient-Il vraiment?
    À qui est donc ce corps ?
    Qui a pesé l’étonnement ?
    Quel silence est-il d’or ?

    L’enfant ne voit pas les questions:
    il n’entend que les voix
    dans la patience sans raison
    de ce qu’il ne sait pas.

    Ou ce que l’enfant sait est autre
    qui fait de lui un prince
    ou tel demi-dieu sans apôtre
    d’on ne sait quelle province.

    La-bas règne la précision
    de l’animal parfait
    et de la fleur, ce pur blason
    qu’on ne cueille jamais

    Tu ne sais ce qui t’a élu:
    le sacré est en toi,
    et les mots peut-être advenus
    ne te trahiront pas

    Tu es nu sous tes vêtements
    de jour comme de nuit,
    et ton voyage dans le temps
    sera ton seul ami.

  • Proust

    couv-535.jpg
     

     

     

    La terrible douleur

    de n'être pas aimé,

    ou tout faire pour ne l'être pas

    quand ce ne serait pas assez... 

     

    Nous avons espéré

    tout ce temps écoulé

    que l'enfance passe

    mais l'enfance n'en finit pas

    de se retenir de passer

    pour un baiser volé...

      

    Des rivières se retenant

    elles aussi de s'enfuir

    s'accrochent aux cuisses

    musclées des nageurs

    à langueurs de sirènes;

    et les filles de musiciens

    aux arènes de nuit,

    injurient les familles...

     

    L'intelligence de tout

    est immense et partout,

    rien n'étant séparé

    dans la vision de l'esseulé

    recevant à dîner

    des flopées d’ennuyeux:

    de conseillers fiscaux

    de duègnes déguisées

    en experts militaires;

    et les oiseaux de nuit,

    et les requins sans bruit,

    les prêtres attifés

    avec leurs gigolos,

    les courtisans fardés -

    tout un théâtre hallucinant

    de masques effarés;

    toute une comédie affreuse,

    odieuse et délicieuse;

    et ce regard sérieux

    du populo matant

    l'étalage précieux

    aux vitres embuées

    du grand hôtel factice…

     

    Tous ces visages nus

    de faux-culs alignés

    le long des galeries

    de tous les artifices,

    tous ces vieillards puérils

    ces vieux enfants séniles

    soudain bouleversants

    en la vérité vraie de ce temps retrouvé

    par delà toute attente...

      

    Ainsi la mer allée

    sera demain l'amante

    de ce matin passé:

    ce type couché nous a ouvert

    de nouveaux chemins sur la mer...

     

    (Cracovie 2016)

     

    100095643.jpg

  • Bateaux ivres

    67581510_10220370453958303_4722135440360996864_n.jpg

     

    Verlaine le pouilleux,
    tout amoureux fou d’un voyou
    renifle dans sa verveine;
    il a mal partout,
    à la tête et au cœur couillu,
    car aimer lui fait de la peine.

    Cet Arthur est un saligaud :
    ce foutu gigolo
    qui tord le cou aux vers
    et fait rendre gorge à l’orage,
    les peignant tout en vert
    en vrais Peaux-Rouges coupe-gorge -
    ce débauché de l’Ardenne bleue
    est un démon vaudou
    bandant comme un mât de garenne
    et cinglant jusques aux étoiles
    quand il se fait la malle
    sur son bateau nu titubant
    de cinglé tout en moelle.

    Alors Verlaine qui n’en peut plus
    lui tire un coup au fond du cœur:
    un bon coup de couteau
    chargé de vraies balles en métal -
    on sait que ça fait mal;
    mais Verlaine aime à en faire peur,
    il n’est plus que douleur
    et de raison: que dalle !

    Cependant, et bien étonnant
    au dam du philistin:
    c’est que Rimbe à la fin pardonne,
    trouvant à son ami
    l’excuse de la maldonne
    et des jeux joyeux du destin;
    la belle excuse enfin
    de qui perd la boussole en mer
    et se noie dans la prose,
    les yeux égarés de beauté -
    deux anges naufragés,
    et la musique en toute chose...

     

     

  • Péchés véniels

    1713367705.jpg

     

    Les beaux garçons sifflent les filles:
    c’est l’ordre naturel,
    comme les queues du billard brillent
    sur l’herbe du bordel.

    Ces dames sont très philosophes,
    qui voient passer la vie;
    laissons-les égrener les strophes
    de la mélancolie.

    Ce sont les veilleuses attentives
    des péchés délicieux
    qui nous rendent les heures plus vives
    au décri des fâcheux -
    mais laissons ces bonnets de nuit,
    et reprenons nos jeux...

  • Et ce qui fut sera

     

    450043049.2.JPG

     

    Je voudrais tout recommencer,
    et que tout soit pareil :
    mon enfance aux tempes vermeilles,
    à beaucoup s’ennuyer
    durant les pluies d’été;
    puis au seul de l’adolescence,
    nouer des amitiés
    jurées pour toutes les vacances.

    Mon amour m’attendra là
    dans le bar que tu te rappelles,
    et par les allées des années
    Je ne reviendrai que pour toi;
    et pour elles et pour eux,
    et pour les tendres heures
    à parler jamais de retour -
    nous allons tout recommencer.

  • Réfugiés

    images.jpeg

     

    Les enfants des années cinquante
    étaient en laine grise,
    l’air soumis, et comme en attente,
    seuls avec leurs valises.

     

    De grands yeux suppliaient les riches
    de les voir dans le noir,
    de très grands yeux de maigres biches
    le long des long couloirs.

     

    Nous les regardions arriver
    sans trop savoir quoi dire;
    ils parlaient d’ailleurs l’étranger
    sans le moindre sourire.

     

    Ce sont les enfants d’un hiver
    qui me fait toujours froid,
    et tous leurs yeux, toujours ouverts,
    nous attendent là-bas.

  • En attendant l'éveil

     

    Unknown.jpeg

    On voit de beaux enfants partout
    regarder en silence
    on ne sait quoi, on ne sait où,
    en immobile transe.

    Nul ne sait ce qui vous angoisse,
    petits rêveurs bien coiffés
    à la candeur où l’ombre trace
    un signe indéchiffré.

    Je vois en moi passer les heures,
    dit l’un d’eux au miroir
    qui le regarde, un peu moqueur,
    souriant dans le noir.

    Les enfants savent bien des choses
    qui n’ont point de reflets
    dans la cour où poussent les roses
    cernées de barbelés

    Je vois en vous la beauté grave,
    et la joie sans pareille,
    et cette innocence qui brave
    le déni des merveilles.

    L’enfant demeuré vous attend
    dans le jardin secret
    où vous savez les innocents
    à jamais éveillés.