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Le romancier et les fainéants

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À propos d'Un personnage de roman de Philippe Besson, composé dans la foulée d'un certain Emmanuel M. en quête de destin national...
On peut ne s'intéresser guère à la politique politicienne, comme c'est mon cas, et ne suivre les aléas de la politique française que de loin - je ne regarde quasiment plus la télé suisse et française - tout en restant très curieux en matière de faits contemporains significatifs et de psychologie humaine, et c'est ce qui a retenu mon attention en crescendo à la lecture du récit -reportage indéniablement romanesque tiré par Philippe Besson, avec l'accord immédiat de l'intéressé, des mois qu'il a passés auprès d'Emmanuel Macron, dès le lendemain du départ du jeune ministre rompant avec Hollande et le socialisme de gouvernement, jusqu'à son intronisation présidentielle, donc en moins d'une année.
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Ce livre est-il d'un littérateur courtisan ou d'un ami fasciné (Besson était assez proche des Macron avant leur courte longue marche, en complicité particulière avec Brigitte) par la possibilité d'une double aventure politique et romanesque ? Oui et non. Non pour ce qui est d’un éventuel léchage de bottes, qu’il n’est à aucun égard, mais oui sans doute pour le pari littéraire, s'agissant d'ailleurs de compères réellement passionnés de littérature - et les grandes figures de Stendhal et de Balzac, de Bonaparte et de Torugo seront évoquées tout au long du parcours de ces messieurs-dames, avec le cercle croissant des marcheurs de bonne volonté et le théâtre, parfois le cinéma, voire le cirque "too much", c'est Besson qui souligne, d'une campagne finalement historique par la rupture politique qu'elle a signifiée et par les déchirures personnelles qu'elle a provoquées.
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Or c'est sur cet aspect très personnel, touchant autant les gens de gauche de bonne foi (ces socialistes fidèles au parti depuis des décennies et ne s'y reconnaissant plus, comme un Bertrand Delanoë et tant d'autres) que les déçus de tous bords et plus encore ceux qui ont envie de faire quelque chose de leur avenir, etc.
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Les commentateurs qui se sont rués sur le livre de Philippe Besson pour le mettre en pièces au motif qu'il ne s'y trouve rien qui n'ait été dit par eux, surtout impatients de vilipender son "personnage", se sont gardés de dire quoi que ce soit du vrai fonds humain et politique du livre, bien présent dans les gestes et paroles très précisément rapportés des protagonistes, avec le mélange de pénétration intelligente et d'orgueil d'Emmanuel M. en butte à autant d'hésitations et de doutes que de sourde détermination têtue, de fragilité liée au manque d'expérience et de soudaine affirmation de force, de naïvetés parfois ou de foucades de "sale gosse", le mot est encore de Besson, et de capacité d'encaisser les pires saloperies (sur lui-même ou sur Brigitte, très présente aussi dans le livre et cent fois plus intéressante que ne l’insinue la perfide Anne Sinclair en son aigreur de socialo de luxe), avec une vision d'avance sur tout le monde.
Tel journaliste de L’Obs - magazine qui a amplement joué sur la médiatisation du candidat, soit dit en passant -, prétend que le Macron de Besson n’est que prétention et qu’obsession de son image, vacuité de projet et clichés alignés, mais c’est d’une mauvaise foi crasse qui passe sous silence l’essentiel d’Un personnage de roman, tout de nuances et de finesses souvent pimentées d’humour, jusqu’à l’humain-trop-humain.
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Dans un entretien de haut vol publié par le même Obs , le penseur allemand Peter Sloterdijk, grand francophile à sa façon peu servile, a exprimé avec une généreuse lucidité les attentes légitimes qu'on peut fonder sur le jeune libéral social-démocrate europhile trop prématurément jugé par ceux qui s'agitent pour que rien ne bouge, plus ou moins vissés à leurs privilèges ou à leurs préjugés idéologiques. Aux ronchonnements teigneux d'un Alain Badiou ou d'un Régis Débray, sans parler des gesticulations grotesques d'un Michel Onfray, Sloterdijk a opposé tranquillement une analyse à large spectre n'excluant pas une confiance et un pari sur l'imprévu (plus imprévu qu'imprévisible à la Trump) et l'indispensable refondation à venir.
Vue de tout près, dans l'optique affectueuse, et sincèrement critique aux moments où cela s'impose , de l'écrivain accumulant ses notes hyper-précises sur les faits et gestes du candidat, mais aussi sur la meute médiatico-politique et ses avatars internautiqes, l'aventure d'Emmanuel M. revêt dans Un personnage de roman, autant de charme stendhalien que de gravité croissante, jusqu'au moment où l'ami de l'auteur, plus sensible et surtout plus secret qu'on ne l'a dit, change de stature en entrant "en charge". Ceci noté sans flagornerie par l'écrivain peu à l'aise sous les ors de l'Elysée, dont l'honnêteté ne saurait être mise en doute, ni la sensibilité sans jobardise.
Avec ces qualités, largement illustrées par les romans antérieurs de Philippe Besson, contraste brutalement la réception quasi hystérique des bien-nommés fainéants - non du tout les vrais travailleurs de la société française mais les foutriquets de son “élite” médiatique incapables de montrer aucune attention au contenu réel d'un livre ou d'une aventure humaine et se déchaînant en hyènes de feuilleton vulgaire, etc.
 
Philippe Besson. Un personnage de roman, Julliard, 247 p.

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