Celui qui envoie paître la brebis sceptique / Celle qui de l'Arctique n'a vu que trois bandes blanches se distinguant entre elles par d'imperceptibles nuances à sa pleine satisfaction d'Américaine du nord en quête d'absolu / Ceux dont on a retrouvé les squelettes au milieu de leur argenterie typiquement anglaise prise dans les glaces / Celui qui quitte ses hommes afin de mourir seul dans la nuit polaire et non sans leur annoncer poliment qu'il pourrait en avoir pour longtemps / Celle qui devant la moraine pelée de la mer de glace pense Sahara plus qu'Antarctique / Ceux qui ne se sentent jamais en sécurité quand ils naviguent en eaux vierges / Celui qui a un faible pour le silence et ce que Plotin appelait "le vol du solitaire vers le solitaire" / Celle qui constate que l'eau salée devient douce en gelant /Ceux qui pris dans les séracs continuent d'imaginer des problèmes d'échecs / Celui qui avec ses compères à tracé trois grands cercles concentrique parfaits dans le brouillard à 333 mètres du refuge du Requin soudain révélé par la clarté de la lune à 3 heures du matin / Celle qui sait que Dieu cesse de la voir quand elle ferme les yeux / Ceux qui ont perdu tous leurs orteils dans le froid et continuent de jouer du Scarlatti sur leurs clavecins bien tempérés / Celui qu'on a retrouvé à l'état de squelette encore souriant à la Reine Mère / Celle qui danse avec les ours blancs qui n'en feront qu'une bouchée au final / Ceux qui n'auront jamais eu si froid aux yeux / Celui qui meurt de froid avant ses poux dont on doute qu'ils fassent long feu / Celle qui conserve en elle la foi du charbonnier sans être réchauffée pour autant / Ceux qui prolongent leur rêverie physique et métaphysique devant les aquarelle du dernier Whistler, etc
(Cette liste a été composée dans les marges de l'effarant recueil de textes d'Annie Dillard intitulé Apprendre à parler à une pierre et récemment réédité chez Christian Bourgois)
Peinture: Caspar David Friedrich.
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Ceux pour qui marcher solitaires dans la nuit est une expérience capiteuse / Ceux qui, sur un vaste tapis d'amourettes dont les épillets retombants virevoltent, jouent au Dromadaire dans les verts paradis de l'enfance / Ceux qui parcourent la lande à la recherche de la Cueilleuse d'Yeux bleus...