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Là-haut

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«Soudain j’en suis sûr. Je le sais. Je n’ai plus le choix. Il faut que j’aille travailler là-haut. Il faut que je me sépare de ceux qui sont en bas. Il faut que, dans l’impatience d’être seul, je saute hors du monde.

 

C’est comme le hourvari dans la forêt : le chevreuil anxieux soudain saute hors de la voie pour ne plus être repéré, pour ne plus être pourchassé, pour ne plus être sonné, pour ne pas mourir.

 

« Là-haut » est une peite chambre sous le toit. Ce n’est qu’un matelas de quatre-vingts centimètres de large sous un Velux. Et ce n’est qu’un vieux corps nu qui,chaque jour, au milieu de la nuit, se glisse sous le drap, se glisse sous le ciel, se glisse sous la lune, se glisse sous les nuages qui passent, se glisse sous l’averse qui crépite. 

 

Si un jour je ne me rends pas là-haut, si un jour j'en e me retranche pas des autres hommes, des malaises surviennent et l’envie de mourir remplace l’envie de fuir. Si je ne vais ne serait-ce qu’une seule heure là-haut, dans mon lit de silence, ne voyant que l’immense profondeur céleste par l’espèce de chien assis qui offre sa lumière à la page, mes maux se dissolvent, la paix gagne, l’âme s’ouvre, je ne souffre plus de rien, je m’oublie, l’intérieur de la tête non seulement se dégrise mais s’effrite, mon âme devient transparente, translucide, sinon lucide, sinon devineresse.

 

Siècles,familles, enfants, nations se dissolvent là-haut.

 

Page du ciel toujours lisible entre les tuiles et les rebords de zinc ».

 

(Extrait du prochain livre de Pascal Quignard, Mourir de penser, neuvième section de Dernier royaume, à paraître en août chez Grasset, lu au moment de l’apparition d’un petit rouge-queue descendu du nid sous le toit, là-haut, se reposant au bord de la nouvelle grande fenêtre de  ma chambre d'en haut…)

 

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