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Ceux qui vont de colocs en colloques

 

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Celui qui a rencontré  Liz Norton à la coloc de Salamanque l’année de la chasse aux étourneaux / Celle qui se rappelle le brouillard de Salamanque dont seules les têtes des passants émergeaient comme dans une toile de Magritte / Ceux qui se sont mis ensemble pour dire à Fabien le Français arrogant de mieux nettoyer la baignoire après ses bains interminables / Celui qui a partagé à Tübingen la chambre d’un futur serial killer alors passionné de poésie érotique japonaise / Celle qui a pleuré lorsque le Français arrogant lui a lancé qu’elle était juste bonne à se faire mettre en cloque par un des mecs de la coloc / Ceux qui ont fait connaissance à la coloc de Valladolid où ils ont approfondi une première fois la thématique de la fameuse Controverse dont certains sont devenus spécialistes plus tard et se sont retrouvés en divers congrès / Celui qui a fait pas mal de pays aux frais de la fac de lettres de Bologne /  Celle qui a fait voter un fonds spécial pour ses voyages en Chine où elle a fait mieux connaître les premiers poèmes de Gustave Roud l’esthète des sous-bois / Ceux qui ne vont plus qu’aux colloques offrant l’hébergement avec piscine / Celui qui connaît tous les spécialistes mondiaux du Canto XIII de la Commedia de Dante dont il a lui-même proposé une relecture au niveau des substructures latentes / Celle qui répète volontiers à ces dames du salon de coiffure Chez Rita que son professeur de mari ne lui dit rien de ses rencontres extras de conférencier souvent absent  mais lui rapporte à chaque fois son petit cadeau / Ceux qui se sont brouillés à Berkeley au symposium sur le Lien et ont renoué à Nantes au colloque sur la Séparation / Celui qui a beaucoup travaillé sur les écrits attribués à Kilgore Trout avant de rencontrer la veuve de Kurt Vonnegut qui lui a révélé la vérité dont il tirera un article sur le thème du refoulé mystifiant / images-4.jpegCelle qui a rencontré Roberto Bolano dans un cocktail où il lui a dit qu’elle avait la même dégaine qu’un des personnages de son roman-somme à paraître probablement après son décès / Ceux qui ont cru voir la silhouette de Benno von Archimboldi derrièreles fusains du Hilton de Montréal alors qu’il s’agissait de celle de Réjan Ducharme / Celui qui a été surpris (physiquement) par la taille du professeur Umberto Eco rencontré à Malmö et que diverses femmes journalistes harcelaient pourtant / Celle qui a découvert Le nom de la rose en version espagnole pendant sa coloc de  Tolède d’où elle est revenue diplômée et toujours méfiante à l’égard des moines érudits montrant certaine alacrité dans la libidinosité /  Ceux qui sont reconnus de leurs pairs après avoir publié des articles jamais lus par leurs mères /Celui dont on prétend qu’il lève une femme dans chaque colloque et parfois deux quand ça se prolonge / Celle qui se trouvait à Amsterdam dans la salle des spécialistes allemands d’Archimboldi jouxtant celle des commentateurs anglo-saxons beaucoup plus expansifs et applaudis par le public  / Ceux qui prétendent avoir rencontré Elizabeth Costello à tel ou tel congrès alors qu’elle n’a cessé de se tourner les pouces dans le livre qu’elle a inspiré à J.M. Coetze peu avant son Nobel / roberto-bolano-blanes-2.jpgCelui qui révèle gravement à ses collègues du Colloque 2666 que Roberto Bolano a piqué l’idée des salles rivales d’Amsterdam (et leur effet comique) à un roman de Martin Amis, avant qu’un chercheur anglais précise que celui-ci l’a fauchée au roman de Colm Toibin consacré à Henry James et que Liz Norton se lève enfin  pour indiquer la source de cette super idée chez Borges l’Argentin et Boccaccio l’Italien / Celle qu’on dit l’incollable des colloques / Ceux qui rédigent le Routard des Colloques avec restaus chics et bon trucs du cru, etc.  

 

2666.jpg(Cette liste a été jetée sur une nappe de papier de l'Hôtel El Hana International, à Tunis, en marge de la lecture de 2666 de Roberto Bolano)

 

Commentaires

  • (…) Et pendant toute cette journée, la salle de bal de l’Airport Sheraton bourdonne de conversations. La plupart des écrivains, ici, sont âgés – des vieux à vous donner la chair de poule, des retraités qui se cramponnent à leur merveilleux récit. Ils agitent leur manuscrit entre leurs mains tavelées de taches de vieillesse et ils s’exclament : « Hé ! Lisez mon histoire d’inceste ! »
    Une grosse part de ces textes traite de douleurs personnelles. Ils puent la catharsis à plein nez. Le mélodrame et l’autobiographie. Un ami écrivain a surnommé ce genre de littérature : « Le-soleil-brille-les-oiseaux-chantent-et-mon-père-est-encore-monté-sur-moi.»


    Chuck Palahniuk, LE FESTIVAL DE LA COUILLE et autres histoires vraies

  • Ceux qui suivent tous les colloques traitant du rapport qu'ont leurs écrivains préférés à leur bibliothèque et qui ont ainsi une vision de ce que sont les rencontres fécondantes, sortes de creusets où se préparent les œuvres de fiction à venir centrées sur la notion de la problématique de l'Autre / Celles qui de collocs en collocs évaluent la place fondamentale de la figure de l'ange et de ses motifs récurrents / Celui qui mis en situation de partager ses ressources suggère d'accorder la primauté à l'importance fondamentale de la relation à l'invisible, l'insécable, l'impartageable...

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