Comme un malaise.- De Lisbonne en Algarve, traversant les immensités montueuses de l'Alentejo, la splendide autoroute à six pistes, dûment subventionnée par la manne européenne en vue de la mise en valeur de la côte méridionale du Portugal - réputée "de rêve" pour le vacancier britannique, batave ou teuton -, déroule en novembre son ruban souple et lisse sans le moindre encombrement, quasi pur de trains routiers et autres pollueurs. Cependant une gêne vous prend à dévaler ce toboggan rutilant pour peu que vous pensiez à l'état économique du Portugal actuel et, plus précisément, aux paysans de ces régions souvent "oubliés" dans la course à la prospérité...
Le Grand Tour.- Nous faisons en somme, à notre façon, une espèce de grand tour dévié, contre toute logique touristique, hors saison et en nous guidant à l'instinct et au désir plus qu'en vertu des conventions. Aux XVIIIe et XIXe siècles, le Grand Tour fut, à travers l'Europe, de Paris à Athènes via Venise (pour l'initiation érotique) et Rome, le voyage-école des fils de bonne familles supposés compléter leur formation littéraire ou militaire (l'un et l'autre s'accordant alors), esthétique ou commerciale, philosophique ou botanique, entre autres disciplines réputées former l'honnête homme et plus rarement, la jeune fille policée.
Tout cela est un peu révolu même si la notion de "tourisme" vient de là, qui voit aujourd'hui des cohortes de Chinois faire leur parodie de grand tour, de bijouteries suisses en boutiques de mode italiennes ou parisiennes et d'un Monument à l'autre, succédant aux ex-apparatchiks russes et autres émirs arabes. Dans le bled perdu d'Ocedeixe, à la frontière de l'Algarve et de l'Alentejo, la seule boutique ouverte, ce samedi, était un grand bazar chinois. On en trouve, désormais, dans toutes les villes d'Espagne et du Portugal...
Contourner le Système. - Que nous le voulions ou non, le tourisme de masse est devenu le produit mondialisé du Système, et c'est avec "ça" qu'il faut faire. Mais comment y échapper ? Et le peut-on seulement ? Il me semble qu'on le peut, en déjouant les automatismes de la consommation de masse et en bravant les mots d'ordre du conditionnement publicitaire. En restant soi-même, chacun est capable de distinguer ce qui est frelaté de ce qui ne l'est pas, le toc ou le faux de ce qui n'en est pas.
Diaboliser le tourisme est aussi vain que de l'exalter: sachons juste rester éveillés...