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  • Nouvelles techniques de sublimation

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    Maintenant nous allons faire les marmottes, déclare Mademoiselle Lepoil. Nous nous sommes assez excités: nous nous replions dans nos bras et nous dormons le reste de la vie.

    Dès que vous sentez monter le sang vous vous efforcez de penser à votre mère. Ne faites rien, ne vous permettez aucun écart que désapprouverait votre mère, disent aujourd’hui les Américains.

    La nature est économe de ses énergies: sachons l’imiter. Voyez la délicatesse du rapprochement chez les campanules ou l’innocence du ballet des loutres. Observez qu’il n’est point de viol dans la nature. Penser à cela chaque matin peut aider.

    Il est recommandé de ne pas laisser l’oncle approcher l’enfant. Le regard du père doit être surveillé de près. On interdira, le dimanche, le pyjama des frères à devant fendu.

     

  • Décadence ou mutation ?


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    À propos de Nabokov et du politiquement incorrect, des femmes qui « s’ » écrivent, et des premiers romans de Philippe Sollers et Sacha Sperling.

    À La Désirade, ce samedi 17 avril. – Bonne conversation du matin avec L. Lui parle de ma (re)lecture d’hier soir, d’Une curieuse solitude, premier roman de Philippe Sollers. Lui dit que cette maturité à 21 ans, cette qualité d’écriture sont rarissimes, quasi inexistantes aujourd’hui au même âge. Puis, à propos de ma lecture parallèle des essais et conférences de Vladimir Nabokov, je lui dis mon sentiment que nous vivons dans un monde grossier et dégénérescent, ce qui la fait se cabrer, non sans raison. Me dit qu’elle en a marre des fossoyeurs qui concluent à la nullité de tout ce qui se fait aujourd’hui. Elle convient du fait que nous stagnons ou régressons à beaucoup d’égards, par effet de masse, tout en préférant se concentrer sur les bonnes choses de ce monde et les bonnes volontés qui s’y manifestent; plutôt qu’une décadence elle ressent la période difficile d’une gestation et d’une mutation, à laquelle il faut participer au lieu de tout pousser au noir. Puis elle retourne à sa lecture de Des femmes « s’ »écrivent, traitant des enjeux d’une identité narrative…
    Jouant l’emmerdeur-qui-interrompt, je lui lis cependant, un moment plus tard, un bout de la préface de John Updike au volume des Littératures de Nabokov, où il est question de cette oscillation entre adhésion et rejet face à notre époque, et de l’attitude la plus souple à adopter entre deux positions d’excès.
    Revenant à Sollers, je me dis aussi que ce début parfait, avec ce beau roman proustien qui fait un peu remake du Diable au corps, manque tout de même de spontanéité et de naturel, de vif et de sauvagerie (le protagoniste à seize ans, l’auteur en a vingt…) et que cela a un côté jeune prodige, avec sentences morales à la française et scènes « à faire » qui vont forcément susciter les applaudissements de la galerie, Mauriac et Aragon en tête. Or, n’est-ce pas trop beau justement ?
    Lorsque je compare ce roman au premier roman de Sacha Sperling, paru l’an dernier sous le titre de Mes illusions donnent sur la cour, je vois bien l’abîme qu’il y a entre la texture de ces deux écrits - cachemire fin et t-shirt débraillé -, et l’intelligence littéraire de Sollers, sa conscience immédiate de participer d’une filiation (on sent la référence proustienne à plein nez, entre autres), son élégance et sa « science » des sentiments, sa perception de l’homosexualité féminine qui renvoie là encore à l’Albertine de Proust - tout cela contraste évidemment avec le langage perdu de Sacha Winter, l’ado de Sperling, ses pauvres phrases ou son lyrisme à l’américaine, notamment. Et pourtant. Pourtant je me dis que le petit barbare d’aujourd’hui m’en dit autant que le fils à papa de 1958 sur sa génération et la société qui l’entoure, et que, comme Bret Easton Ellis aux States, avec Informers ou Less than zero, la réfraction émotive de ses carences, affective mais aussi existentielle, nous secoue plus que les sensations surfines du jeune esthète français.
    Les « littéraires » n’ont pas manqué de faire la moue devant l’aspect si peu « littéraire », justement, du roman de Sperling. Or c’est, par contraste, l’aspect si terriblement « littéraire » d’ Une certaine solitude qui m’en éloignerait plutôt aujourd’hui, à cela près que c’est l’amorce d’une œuvre où celle-ci s’affirme déjà puissamment à de nombreux signes, tandis qu’il est impossible de dire si Sacha Sperling fera vraiment, lui, plus qu’un premier livre significatif…

    Vladimir Nabokov, Littératures. Laffont, coll. Bouquins, 1211p.
    Annemarie Trekker. Des Femmes « s’ »écrivent ; enjeux d’une identité narative.coll Histoire de vie et de formation. L’Harmattan, 231p.
    Philippe Sollers. Une curieuse solitude. Seuil, 1958.
    Sacha Sperling. Mes illusions donnent sur la cour. Fayard, 2009.

    Image: photo de LK.

  • Ceux qui tendent au Contrôle

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    Celui qui agit toujours sur pesée d’intérêt / Celle qui sait ce qu’elle fait même quand elle ne fait rien / Ceux qui invoquent la menace du Système avant le moindre signe perceptible de quoi que ce soit / Celui qui ne juge que les fautes tenues pour telles par le Consensus / Celle qui assimile toute réflexion éthique à une prise de tête / Ceux qui invoquent la logique comme une instance animiste / Celui qui a toujours laissé ses femmes gérer sa fortune dont l’effondrement ne le chagrine que pour elles / Celle qui a confié sa carte de crédit à son amie scientologue et en constate les effets matériels à motifs il est vrai spirituels / Ceux qui ont renoncé au culte de Maman pour embrasser celui de Mammon / Celui qui sent qu’on attend qu’il consente à dire le mot / Celle qui se dit la Tour de contrôle de son Hollandais volant  / Ceux qu’une même soif de vertu rassemble dans le Bunker des Justes / Celui qui affirme que Vincent (Van Gogh) a manqué d’un bon psy et d’une amie sûre / Celle qui pense qu’elle aurait pu guérir Francis (Bacon) de son éthylisme chronique et de sa déviation sexuelle prononcée / Ceux qui estiment qu’il y a un Génie par génération mais pas toujours en France / Celui qui pratique la composition séquentielle avec des bouts de fer et des bouts de papier carbone dont il mixe les frottements au moyen d’un ordi super sophistiqué en tout cas c’est nouveau / Celle qui pense que Rembrandt n’aurait rien fait de bien sans sa mère et sa fidèle épouse qui étaient quand même aux fourneaux on l’oublie / Ceux qui achètent des rames de papier et commandent des roses pour écrire comme Garcia Marquez / Celui qui contrôle les finances de l’Entreprise tout en aimant rappeler sa rencontre avec Jean Cocteau mais ce n’est pas ce que vous croyez non non non / Celle qui s’est mise à la peinture sur porcelaine qui lui reviendra moins cher que son antidépresseur / Ceux qui considèrent l’écriture comme un chouette hobby / Celui qui présente les premier poèmes lettristes de son fils Justin (quatre ans) à un ami éditeur introduit dans les médias / Celle qui se dit que si Marc Levy ramasse des millions pourquoi pas elle ? / Ceux qui fondent le collectif Nouvelle Pléiade destiné à restaurer l’Amour courtois dans les banlieues sensibles / Celui qui fait l’acquisition d’un Stradivarius et se rend bientôt compte que le jouer va lui demander de prendre des cours et trouver du temps qu’il n’a pas donc la seule solution sera le safe vu la recrudescence des vols dans les beaux quartiers / Celle qui se décide enfin à écrire au Vatican pour leur dire de faire retraite loin des tentations / Ceux qui savent qu’ils sont des Rimbaud en puissance mais préfèrent se lancer dans de solides études qui leur permettront de faire du commerce dans la région d’Aden et du Harrar où c'est reparti depuis quelque temps, etc.

    Image :Philip Seelen

  • Zone critique

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    Autour de Paul Auster, Henry Bauchau, Patrick Modiano, Michèle Lesbre, Emmanuelle Bayamack-Tam


    Littérature : le direct du jour sur RSR/Espace 2.
    Autour de la table : Louis-Philippe Ruffy (meneur de jeu), Sylvie Tanette (L’Hebdo), Elisabeth Vust (Culturactif) et JLK (24 Heures).
    Rediffusion : dimanche 18 avril, 12h.

    En débat : Invisible de Paul Auster, L’Horizon, de Patrick Modiano ; Le Déluge, d’Henry Bauchau ; Nina par hasard, de Michèle Lesbre ; La Princesse de. d’Emmanuelle Bayamack-Tam.

    L’émission est diffusée tous les jours de 11h – 12h, sur le deuxième programme (culturel) de la Radio Suisse Romande (RSR). Les domaines alternent. C’était aujourd’hui le tour de la littérature. Louis-Philipe Ruffy présente chaque livre dans les grandes lignes avant d’engager le débat. Son regret du jour : pas assez d’étincelles, ses trois invités se montrant massivement d’accord dans le rejet de deux titres (Auster et Bauchau) autant que dans leurs adhésions (Modiano et Bayamack-Tam, avec un bémol négatif pour Lesbre de la part de Sylvie Tanette.)

    Auster2.jpgPaul Auster, Invisible. Actes Sud.
    D’entrée de jeu, LPR introduit le thème de l’auteur qui se répète, ressasse les mêmes thèmes, voire réécrit le même livre. Quid de Paul Auster, dont les derniers livres ont parfois déçu ? JLK craignait le pire, à l’annonce d’un nouveau roman travaillant le thème de l’identité «d’un point de vue philosophique », mais Invisible lui semble renouer avec l’énergie de la fiction et la lisibilité, après deux gros passages à vide, sans convaincre vraiment par sa «déconstruction». EV se montre plus sévère : montage artificiel et incohérent. Nuance le jugement à propos de la jeunesse du protagoniste et de sa relation incestueuse avec sa sœur, mais dans l’ensemble : roman raté. Même déception manifestée par ST, qui évoque toute une catégorie d’auteurs américains bons techniciens mais pauvres de contenu. JLK rappelle pourtant les Philip Roth, Saul Bellow, John Updike et autres Cormac Mc Carthy, qui échappent à ce jugement. Bref, grosse déception…

    Bauchau.jpgHenry Bauchau. Le Déluge. Actes Sud.
    Avec plus de 30 ouvrages (romans, essais, poésie), cet auteur nonagénaire s’est acquis une grande estime. LPR rappelle son passé de psychanalyste, qui se ressent fortement dans cette histoire d’un peintre fou sur les bords, qui a cela de particulier qu’il détruit tout ce qu’il fait par le feu. Or, la psychiatre parisienne qui le coache le confie aux bons soins d’une jeune universitaire rongée par le cancer, qui va aider l’artiste à réaliser son chef-d’oeuvre en y mettant elle-même la main avec l’aide d’un mécanicien rallié à la bonne cause. Convaincant ? Absolument pas ! objecte EV : pas crédible du tout. Trop d’images naïves et trop de grandiloquence. On regrette d’égratigner l’auteur de La Déchirure, mais trop c’est trop ! JLK pleinement d’accord : selon lui le livre le plus kitsch qu’il ait lu depuis longtemps, qui donne une image grotesque du travail d’un artiste. Celui-ci sans intérêt, et les thèmes de la thérapie par l’art et de la création collective sont traités de façon démagogique, sur fond de lyrisme infantile. Vraiment rien à sauver, s’inquiète LPR ? Hélas rien, regrette ST qui daube également sur l’indigence de ce roman aux personnages «complètement improbables».

    Modiano5.jpgPatrick Modiano. L’Horizon. Gallimard.
    Et Modiano, lance LPR en présentant son dernier opus, ne fait-il pas toujours le même livre, comme il l’a reconnu lui-même ? Le fait, d’ailleurs à nuancer en finesse, ne gêne pas ST qui aime tout de Modiano : son univers, sa façon inexplicable de parler si justement de la pluie ou des rues de Paris, son rapport avec le temps, sa mélancolie aussi. Mais qui expliquera pourquoi Modiano nous touche ainsi ? JLK fait remarquer que le charme d’un écrivain ne s’analyse pas plus que la musique de la pluie. Or Modiano a une musique à lui, qu’il module sans monotonie. EV Pleinement d’accord elle aussi. Bref, le quatuor unanime y va de la même chanson : lisez le dernier Modiano…

    Lesbre2.jpgMichèle Lesbre. Nina par hasard. Sabine Wespieser.
    LPR rappelle ensuite le parcours de Michèle Lesbre, du roman noir à quelques romans évoquant finement la condition des femmes sur fond d’usines en difficultés dans le nord de la France. Seule Française autour de la table, ST vibre moins que ses confrères pour ce livre qu’elle trouve un peu gâché par les clichés d’un regard forçant un peu sur l’opposition du noir et du blanc, les gentils d’un côté et les moins gentils de l’autre. EV se montre moins sévère, pour un roman dont elle apprécie la sobriété de la langue et la justesse de l’évocation des relations entre les personnages, malgré leur côté « typé ». JLK plaide lui aussi pour le ton et le climat du roman, qui annonce le tchékhovien Canapé rouge (Nina par hasard est en effet une réédition de 2001), et relève le fait que les clichés sont parfois le fait de la réalité même…

    Bayamack.jpgEmmanuelle Bayamack-Tam. La Princesse de. P.O.L.
    Dernier livre choisi par LPR : un roman assez tortueux, voire scabreux parfois, qui « travaille » les questions de notre relation au corps et à l’identité sexuelle, dans un monde où cela « transite » grave dans le transgenre. Daniel, adopté par un père qui rêvait d’une fille et une mère impatiente de le voir affirmer sa virilité, sera plutôt une fille « dans un corps de macaque ». Réussite ? Pleine réussite pour EV, qui souligne la force expressive de la romancière et sa façon de rendre les émotions du protagoniste. Très bluffante réussite pour JLK, qui ne pensait pas s’intéresser jusqu’au bout à un transformiste camé fou de Julio Iglesias et de Dalida. Et l’opinion, partagée par LPR, l’est aussi sans réserve par ST que le talent de la romancière a subjuguée, notamment capable de « décrire » une fellation à répétition sans complaisance ni vulgarité. Autant dire que c’est « la révélation » du moment pour les critiques réunis sur la Zone…
    L’émission sera retransmise dimanche 18 avril à 12h. sur Espace 2. Podcast également possible sur le site.http://www.rsr.ch/espace-2/zone-critique

  • Ceux qui s'apaisent

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    Celui qui se réconcilie avec lui-même après de longues négociations / Celle qui démasque les contempteurs douteux / Ceux qui parlent guerre des sexes pour mieux asservir l’un ou l’autre / Celui qui rompt le mécanisme mimétique des chaises de coiffeurs illustré dans Le Dictateur de Chaplin / Celle qui relativise tout pour obtenir un simulacre de concorde / Ceux qui ne se contenteront jamais de la paix des cimetières / Celui qui a esquivé toutes les forme de rapprochement insincères au bénéfice de son splendide isolement / Celle qui n’en a plus rien à foutre du Diplôme de Reconnaissance de la société sociale / Ceux qui se donnent rendez-vous à Davos pour leur G4 des copains d’abord / Celui qui s’initie enfin au saxophone alto des rêves de son adolescence que vient de lui offrir sa énième maîtresse un peu fortunée / Celle dont le corps s’est refermé comme une huître vers la cinquantaine mais dont l’âme reste ouverte comme une chambre d’enfant le matin quand les petits sont au jardin / Ceux qui font encore la moue mais plus la guerre / Celui qui ne regrette aucune des choix qu’ils a faits dans sa vie et même pas les pires quoique / Celle qui sublime ses déceptions amoureuses par le truchement de poèmes cryptés très difficiles à mettre en musique / Ceux qui ont découvert que certains sourires limpides pouvaient cacher des cloaques / Celui qui se shoote aux parfums des allées du Mozart Park / Celle qui danse en pensée en se traînant jusqu’à l’abribus tagué par les petits salopiots qui lui ont retrouvés son chat Poulou / Ceux qui vendent la peau de l’ours pour s’acheter une couverture chauffante plus pratique au lavage / Celui qui te fusille du regard à bout pourtant à cause de ta dégaine de bohème et se met à roucouler comme une fille toute simple quand tu les complimente sur ses médailles militaires / Celle qui fait des pipes dans les zones réservées aux fumeurs / Ceux qui détendent l’atmosphère des réus de cadre avec des saillies clairement sexuelles voire homosexuelles si l’on est entre mecs libérés ah ah / Celu qui dit en interview qu’il aspire à voir Dieu et qui demande à relire la copie du journaleux pour vérifier qu’il n’a pas sucré cet aveu tou de même scandaleux en démocratie populiste / Celle qui dit Mon Dieu Mon Dieu sans être sûre sûre qu’il existe mais avec la conviction que c’est bien le sien nom de Dieu / Ceux qui sont bon non par faiblesse mais par paresse, etc.
    Peinture JLK: vers Villars-Sainte-Croix. Huile sur toile.