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Retour de flammes

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Dialogue schizo sur le cinéma contemporain après une conversation avec Freddy Buache sur la terrasse de Da Luigi, à Locarno...

Moi l’autre : - Et alors ?

Moi l’un : - Alors quoi ? T’as entendu le père Buache : il n’y a plus rien. Plus rien de grand ne se fait dans le cinéma d’aujourd’hui. Le Festival de Locarno n’est plus rien ou pas loin. Après Bergman, nib de nib. On retire l’échelle. Même chanson que Godard : après nous le déluge…

Moi l’autre : - Et  ça t’énerve ?

Moi l’un : - Et comment que ça m’énerve ! Surtout qu’il y a du vrai dans ce qu’il dit, le Freddy. On a vu ce même soir Uomini contro de Francesco Rosi, sur la Piazza Grande, et du coup tout se remet en place, comme avec Lubitsch : il y a le grand cinéma d’un côté, et de l’autre cette foison, pour ne pas dire ce magma : plein de films, pleins même de bons films, mais lequel qui nous marque vraiment comme To be or not to be ? Dis-moi lequel sur les vingt ou trente nouveaux films que nous avons vus à Locarno cette année…

Moi l’autre : - À y réfléchir, des tas d’images me reviennent, des tas de moments, quelques grands moments, surtout des grands moments d’émotion…

Moi l’un : - Ce n’est pas ce que je te demande. Je te demande de me citer un film qui t’aurait fait un effet comparable à celui d’Irène, le dernier film d’Alain Cavalier, ou de Saraband de Bergman, des Vitelloni de Fellini ou de Mère et fils de Sokourov, ou Film socialisme de Godard…

Moi l’autre : -  Je dirai : Le Directeur des ressources humaines d’Eran Riklis.

Moi l’un : - Tu auras relevé la réaction de Buache quand je le lui ai cité : rien que de parler d’un Israélien le fait grimper aux murs.

Moi l’autre : - N’importe quoi ! Tu connais son côté dogmatique et partisan. Mais ça peut nous aider à relativiser, aussi, l’avis de ces vieux hiboux dont le jugement a si souvent été soumis à leur idéologie…

Moi l’un : - La nouvelle génération n’en est plus du tout là, et c’est peut-être ce que les « vieux » ont de la peine à encaisser. Cela étant, au-delà de l’engagement proclamé des Tanner et consorts, l’observation et l’implication sociales des « jeunes » comme Fernand Melgar, Jean-Stéphane Bron, Ursula Meier ou Lionel Baier, pour ne parler que des Romands, sont tout aussi conséquentes.

Moi l’autre : - Avec le film de Riklis, j’ai aussi envie de citer Low Cost de Baier, justement, même si ça reste dans les petites largeurs…

Moi l’un : - Là encore, Freddy Buache regimbe. Comme à la sortie de Garçon stupide, quand il nous a fait sa petite bouche : c’est encore du cinéma, ça ? Je n’en suis pas sûr. Et là non plus, le cher homme n’est pas sûr que ce soit du cinéma, alors que c’en est à pleins tubes. J’en aime un peu moins la fin, comme écriture, mais les deux premiers tiers sont magnifiquement filés et résolvent la question du cinàma telle qu’Alain Cavalier la résume : comment passer d’un plan à l’autre…  

Moi l’autre : - C’est un film de poète et de peintre, mais qui en reste à une espèce de projet fulgurant. Le côté Work in progress de Baier. Son souci de vitesse et d’immédiateté vécu quasiment en temps réel.

Moi l’un : - Oui, Buache est une trop vieille tortue pour le suivre, mais il a envie de parler avec Baier : donc ça le travaille. Encore un effort, Freddy. Il lui en a d’ailleurs fallu pour se mettre àé Godard en d’autres temps. Et la patte-pensée de Baier a une parenté avec celle de Godard, ça ne fait pas un pli…

Moi l’autre : - Mais nous parlions de choc lié à une oeuvre vraiment marquante et qui « restera », comme on dit…

Moi l’un : - Alors là, je n’en vois pas une. Même pas Film socialisme, si on ne le relie pas à l’ensemble de l’œuvre de Godard. Buache me dit que James ou pas, de Michel Soutter, lui est apparu comme l’œuvre parfaite. Donc à revoir… Mais Le directeur des ressources humaines, Low cost, et le très attachant Beyond the Steppes, ou La petite chambre si émouvante, n’atteignent pas le niveau des œuvres vraiment référentielles, comme Trouble in paradise pour citer un sommet du 7e art… 

Moi l’autre : - Cuvée décevante alors que Locarno 2010, malgré le bien que tu en as écrit ?

Moi l’un : - Absolument pas ! Passionnante, mais par fragments rassemblés et mis en rapport les uns avec les autres, comme d’un immense Work in progress collectif, précisément, qui relie les films d’hier et d’aujourd’hui, les courts et les longs.

Moi l’autre : - Point de grand film de « synthèse », mais une quantité d’essais et d’analyses, si l’on peut dire…

Moi l’un : - C’est tout à fait ça, et ça recoupe ce qu’on vit en littérature. L’époque est à la mutation et à l’absorption d’une réalité tellement nouvelle, dans ses données, que son expression adéquate mettra encore du temps à se trouver, et c’est vrai pour toutes les formes d’art. Quand Freddy Buache m’a dit comme ça que le cinéma après Bergman lui semblait fini, je lui ai répondu qu’on pouvait dire qu’après Nicolas de Staël la peinture ne faisait que se répéter, ainsi de suite. Ce nivellement par les hauteurs, à vrai dire, peut se pratiquer jusqu’à l’absurde. Jouhandeau estimait qu’après le XVIIe la littérature française avait sombré dans la vulgarité, et notre prof d’italien réduisait la littérature italienne à Dante et quelques gnomes siciliens, de Pirandello à Sciascia. Bref la gondole de Fellini se dandine entre absolu et relatif, e la nave va…       

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