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Godard in Progress

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À propos de Film Socialisme, quand on était encore avant Adieu au langage...
(Dialogue schizo)


Moi l’autre : - Alors ce dernier Godard ? BONUS ou MALUS ?


Moi l’un : - Je me réjouis de ce que tu me poses la question dans ce langage binaire débile, que JLG a tourné en dérision dans son dernier Vrai/Faux passeport de 2006. Et je te réponds d’un clair et net BONUS. Pour ma part, et bien que me sentant plus proche de Fellini ou de Bergman, de Cassavetes, de Sokourov ou du dernier Cavalier, je dirai de ce film qu’il est essentiellement intéressant.


Moi l’autre : - Intéressant ? Pas plus que ça ?


Moi l’un
: - J’ai bien dit « essentiellement », au sens d’un intérêt fondamental. Comme Michel Butor disait à Bernard Pivot, quand celui-ci lui demandait pourquoi il avait consacré trois livres à Balzac : parce que Balzac est intéressant. On retrouve d’ailleurs Balzac dans Film Socialisme, qui suscite l’intérêt d’une jeune fille sous l’œil imperturbable d’un lama...


Moi l’autre : - Et que raconte donc ce film ?


Moi l’un : - À peu près rien qui participe de ce qu’on appelle une « story » ou du traitement développé de personnages, lesquelles se réduisent à des présences atomisées : un jeune photographe sur un paquebot et une jeune fille russe en quête de passé, un philosophe (Alain Badiou) donnant une conférence devant un auditoire vide et une chanteuse à guitare (Patti Smith) apparaissant le temps d’à peu près quinze secondes, un enfant blond et un lama, deux perroquets au tout début et une chouette vers la fin, plus une foule humaine allant et venant, se livrant tantôt à l’aérobic et tantôt à la messe catholique, ainsi de suite.


Moi l’autre : - Donc ça ne « raconte « rien…


Moi l’un
: - Au contraire, cela raconte énormément, à cela près que la narration se trouve modulée par des images et des paroles dont l’interaction constante cristallise en forme mouvante et constamment critique. Ce qu’on appelle les belles images déferlent littéralement et sont à tout moment zappées, comme les citations ou les dialogues dont on perd la moitié dans le bruit du monde. Il y a là comme un coïtus interruptus sémantique et poétique de chaque instant, mais qui ne frustre pas pour autant dans la mesure où il dit quelque chose de notre monde où tout est également zappé sauf à tomber sous le coup de notre arrêt sur image, qui recèle souvent un leurre. Au demeurant, les images se constituent bel et bien en tableau en mouvement, même si tout cliché implose dès qu’il apparaît, tout ça module une musique qui est à la fois poème et peinture et nous touche « direct au système nerveux », comme le disait Philippe Sollers à propos du peintre Francis Bacon…


Moi l’autre : - Pas trop prise de tête tout ça ?


Moi l’un : - Ca pourrait l’être évidemment, et j’imagine les conversations graves à la sortie de la salle, mais on peut le prendre plus légèrement. En ce qui me concerne, j’ai accueilli la chose sans réfléchir, comme une suite d’images dont beaucoup seront peut-être du genre subliminal, à se révéler après coup. On a beaucoup parlé de la déconstruction sous l’angle de la critique, mais il y a finalement assez peu d’œuvres qui se déconstruisent réellement dans le temps et l’espace, comme ce film dont le langage s’affirme en se contestant et se consumant pour ainsi dire, sauf dans sa partie centrale plus théâtrale et plus mystérieuse, qui se joue dans un garage français, autour d’un enfant blond. Cet enfant blond, qui porte un pull aux armes de l’Union soviétique, est un député français en puissance. JLG ne souligne pas, et d’autant moins que le môme est adorablement blond et doucement invasif, dans un milieu que le père dit en déficit d’amour, mais là encore tout flotte tandis que la jeune fille lit Balzac. On se gardera de trop disserter à ce propos, mais j’aimerais bien entendre JLG parler de la divinisation des enfants blonds dans le monde actuel, et de l’infantilisme du cinéma nouveau, entre autres…


Moi l’autre : - On a parlé du dernier film de JLG…


Moi l’un : - Je n’en sais rien, mais ce qui est sûr est que Film Socialisme n’est pas un ouvrage de ringard tirant l’échelle derrière lui. C’est un film mélancolique et tendre à la forme extraordinairement inventive, qui devrait donner envie aux jeunes cinéastes de faire des films personnels. Comme il est, je ne le prends pas du tout comme un film testamentaire, plutôt comme le dernier élément d’un Work in progress. E la nave va…

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