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En sept lettres vives

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Un livre fraternel de Pascal Rebetez

L’art épistolaire est souvent apprécié pour le naturel et la spontanéité qu’il suppose, et cela vaut pour les correspondances les plus « écrites » autant que pour celles qui furent rédigées « en courant ». Le genre peut d’ailleurs se traiter comme tel, «à froid», et garder tout son intérêt, lié naturellement au contenu et au ton de la lettre. La meilleure preuve en est donnée par Pascal Rebetez, quinqua en crise affective qui, pour son seizième livre, rassemble sept textes «commandés» par la Radio suisse romande – Espace 2, plus précisément sept lettres dont on se moque à vrai dire de savoir si elles ont bel et bien été envoyées et reçues, tant elles sont substantielles et vivantes à la fois – tant elles sonnent juste à tout coup.
Leurs destinataires (l’ex-compagne de l’auteur, un enfant à venir, sa mère, sa fille, un ami artiste, son père et un voleur qui lui a fauché un tableau) déterminent à la fois le ton et le contenu de chacune de ces missives, toutes accordées par le même besoin de vérité sans fard. Les circonstances et le décor dans lesquels chaque lettre a été écrite comptent aussi beaucoup. Les mots à vif de la première, à la femme perdue, écrits à Hanoi City, sont à la fois aiguisés et relativisés par le décor du Vietnam toujours plombé par le souvenir de la guerre, comme l’évocation du même lieu fera contraste avec celle du petit monde propre-en-ordre de la mère qu’il dit « championne du monde de l’assurance, du contrôle de l’hygiène et des bonnes manières ». Au passage, on notera que la vivacité assez « rosse » de la lettre à la mère est tempérée par la grande tendresse du fils, largement partagée à l’endroit du paternel défunt ou de sa fille danseuse à laquelle il écrit depuis le festival du film de Locarno.
Sans peser jamais, Pascal Rebetez se livre beaucoup, dans ces lettres lestées d’expérience existentielle, qui ont à la fois valeur d’autoportrait et de messages à ses frères humains. De fait, c’est avec autant de gravité tendre qu’il s’adresse au « petit dragon » qui fera bientôt de lui un grand-père en dépit de sa dégaine d’éternel gamin, qu’à son père le Jurassien frondeur en lequel il reconnaît sa propre fibre rebelle. La singulière dernière lettre à l’anonyme voleur d’une œuvre d’art (volée…), marque d’humour et de dérision cette quête du présent-passé que l’écriture ressaisit comme elle peut, sans trop savoir si elle sera vraiment reçue. Bouteille à la mer... Tu vois ce que je veux dire de ce qui n’a pas (tout à fait) disparu ?

Pascal Rebetez. Je t’écris pour voir. Editions de L’Hèbe, 153p.

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