Lecture d'Achever Clausewitz, de René Girard (5)
Tristesse de Hölderlin
- BC évoque la résistance à mener par de la l’effondrement d de l’institution de la guerre.
- RG affirme qu’une résistance individuelle est vaine.
- Relève que les Evangiles ont une « intuition formidable du mimétisme ».
- Importance à cet égard des récits apocalyptiques, occultés puis oubliés.
- Rappelle « le temps des païens » cité par Luc.
- Les Evangiles nous disent que le réel n’est pas rationnel mais religieux.
- Evoque le ratage des juifs, malgré les prophètes, et le ratage des chrétiens à travers l’Holocauste.
- Cite la demande de pardon de Jean Paul II à Yad Vashem et y voit un signe des temps, un geste sublime.
- Deux cercles : la vie du Christ qui se termine par la Passion. Et l’histoire des hommes qui se termine par l’Apocalypse. Le second cercle est contenu dans le premier.
- « L’esprit apocalyptique n’a rien d’un nihilisme : il ne peut comprendre l’élan vers le pire que dans les cadres d’une espérance très profonde ».
- Laquelle ne peut faire l’économie d’une eschatologie.
- Comment Luc constate que la violence réconcilie les ennemis après la Passion : « Et à partir de ce jour-là, Pilate et Hérode qui étaient des ennemis devinrent amis ».
- Que « la mauvaise violence est unanime contre le Christ ».
- Cite la première Epître de Paul aux Thessaloniciens, le plus ancien texte du NT, moins de 20 ans après la crucifixion.
- Paul en appelle à la patience des croyants, affirmant que le système va s’effondrer de lui-même.
- Satan sera de plus en plus divisé contre lui-même : c’est la loi mimétique de la montée aux extrêmes. »
- Ce mimétisme est contagieux, qui va atteindre la nature elle-même.
- Matthieu annonce que « l’amour se refroidira chez le grand nombre ».
- Le temps des païens » est à considérer comme « un lent retrait du religieux ».
- On va en outre vers l’effacement de toute distinction entre le naturel et l’artificiel.
- Paul aux Thessaloniciens : « Quand les hommes se diront : paix et sécurité ! C’est alors que tout d’un coup fondra sur eux la perdition ».
- Le Christ dit qu’il n’est pas venu apporter la paix.
- En fait il met un terme à la volonté de dissimuler les mécanismes de la violence.
- « La révélation judéo-chrétienne met à nu ce que les mythes ont toujours tendance à taire ».
- Le paradoxe est que le christianisme provoque la montée aux extrêmes en révélant aux hommes cette violence.
- « Tel est l’avenir affolé du monde, dont les chrétiens portent la responsabilité. Le Christ aura cherché à faire passer l’humanité au stade adulte, mais l’humanité aura refusé cette possibilité. »
- RG reconnaît « un échec foncier ».
- Mais la proximité du chaos n’exclut pas, selon lui, l’espérance.
- BC souligne le fait que la démarche de RG s’inscrit dans une perspective darwinienne
- RG affirme qu’on ne peut entrer en relation avec le divin que dans la distance.
- Et que seule la médiation du Christ permet cette proximité-distance.
Un dieu « tout proche et difficile à saisir ».
- RG en vient alors à Hölderlin.
- Son œuvre l’habite depuis longtemps.
- Hölderlin se retire pendant 40 ans à Tübingen.
- Beaucoup moins hanté par la Grèce qu’on ne l’a dit. RG le voit « effrayé par ce retour au paganisme qui hante le classicisme de son époque ».
- Son âme oscille entre la nostalgie et l’effroi.
- Cite le poème Patmos.
- Qui annonce le retour du Christ beaucoup plus que celui de Dionysos.
- Le Christ « se retire au moment même où il pourrait dominer ».
- C’est le silence de Dieu qui se donne à entendre dans le silence du poète, selon RG,
- Hölderlin devient de plus en plus chrétien, à mesure qu’il se retire du monde.
- Lui-même, notamment avec Goethe, a vécu le mimétisme de manière intense, « un maniaco-dépressif d’une intensité inouïe ».
- « Grâce à Hölderlin, ce grand mendiant de l’affection des autres, j’ai compris que la folie de Nietzsche était liée à l’apothéose de Wagner ».
- Cite le choc que produit sur Nietzsche la lecture des Mémoires écrits dans un souterrain de Dostoïevski.
- Hölderlin choisit le retrait pour dépasser le mimétisme.
- S’il hésite entre Dionysos et le Christ, son choix s'affirme.
- Hölderlin perçoit la différence essentielle entre la promiscuité divine et la présence de Dieu.
- RG affirme qu’il n’y a qu’une bonne proximité, se réduisant à l’imitation du Christ.
- « Malgré toute la pression qu’exercent sur lui la mode et ses amis, le poète pressent la vérité : Dionysos, c’est la violence, et le Christ c’est la paix ».
- Evoque alors la conversion de Hölderlin au catholicisme.
- Et remarque une fois de plus que « la destruction ne porte que sur ce mon de ; pas sur le Royaume ».
Le Royaume est «ce que Pascal appelait l’ordre de l’esprit, passage nécessaire vers l’ordre de la charité ».
- Le modèle mimétique nous fait sans cesse retomber dans l’enfer du désir.
- Les grands écrivains ont compris cette loi : Proust, Dostoïevski, Cervantès, Stendhal, notamment.
- Evoque ensuite les bons modèles qui nous rendent plus libres, et les modèles-obstacles qui nous enchaînent au mimétisme.
- « Echapper au mimétisme, étant donné ce qu’est devenue son emprise croissante, est le propre des génies et des saints ».
- Au risque de régression, RG oppose la recherche d’une médiation…
- Que BC définit comme « médiation intime »
- En revient à l’imitation du Christ, qui ne consiste pas à en être fasciné mais à s’effacer devant lui.
- « L’identification suppose une aptitude singulière à l’empathie ».
- Une excessive empathie est mimétique, mais l’excessive indifférence l’est autant.
- RG évoque alors la réserve polie, l’accueillante distance de Hölderlin dans sa tour, avec ses visiteurs.
- RG finit par évoquer le mythe fondateur védique de Purusha, l’homme archétypal mis à mort par une foule de sacrificateurs. Or que représente cette foule, puisque cet homme est primordial ?
- « De ce meurtre, on voit sortir tout le réel. »
- Un mythe fondateur « tellement vieux que la violence en est sortie »
- « C’est la conception védique, absolument apaisée, de ces choses ».
- RG lui voit une parenté avec la sortie pacifique du mimétisme que signifie la retraite de Hölderlin.-
René Girard, Achever Clausewitz. CarnetsNord, 363p.