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Dantec électrorock

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Lecture de Grande Jonction (7)

On est reparti dans une envolée épico-poétique fascinante au-delà de la 600e page de cette Grande Jonction parfois fastidieuse, m’a-t-il semblé, avec de vrais « tunnels » où le romancier s'enferre, et qui rebondit ici dans une nouvelle suite d’illuminations narratives dont la première rejoint les représentations du «dernier des hommes» du début du XXe siècle, selon Nietzsche ou Dostoïevski et son Chigalev, le nivellisme généralisé dans L’inassouvissement de Witkiewicz ou l’homme formaté du 1984 d’Orwell, tout s’acheminant aussi bien vers la constitution d’une seule « grande marque déposée, monomodèle, monosérielle », scellant une « indifférenciation générale de toute l’humanité ».
Parallèlement à la collision frontale du Grand Blizzard et du Vent de Sable, avatars physique et climatique d’une catastrophe d’ordre ontologique et métaphysique, c’est de fait à l’apparition d’un « néomonde» gris, univers de boue figurant quel morne paradis, qu’on assiste alors qu’une nouvelle atteinte de La Chose, qui s’en est prise déjà à ce qui constitue l’individu, en attaquant son langage, travaille désormais à l’effacement de tout texte écrit à la surface du globe afin de préparer un nouveau mode de communication indifférencié évoquant le cerveau intégré de la fourmilière, pour reprendre une vieille métaphore contre-utopique.
Or on en revient précisément, ici, en pleine contre-utopie flamboyante, avec les forces régressives de l’Anome, personnalisées par le pseudo-pape Cybion Ier et ses évêques bidons, qui entendent s’approprier le mouvement de dévolution comme n’importe quelle secte vulgaire, à quoi s’opposent les chevaliers de la Juste Cause, dans la foulée du jeune Link de Nova, guitariste « élu » aux pouvoirs guérisseurs, flanqué de ses alliés néo-chrétiens Youri et Campbell, qui demandent crânement le baptême dans la foulée, du Professeur spécialiste en nombres transfinis et de quelques autres initiés de divers grades.
Alors que le Non-Être, essence du mal comme chacun sait, prépare l'avènement du Règne du Faux, Link de Nova, guitare Gibson Les Paul en bandoulière, prêt à faire « chanter le corps électrique de la planète entière » et à l’irradier de la Lumière de son Halo, assume son rôle de Chef d’Orchestre du Camp: grande jonction (il y en a une quantité d'autres qui nourrissent ce titre) entre la Musique et La Foi, sous le signe de Sainte Electricité. Hosanna.  
A la grande offensive mortifère visant les textes de la Bibliothèque rescapée, et donc la mémoire vive de l’humanité, s’oppose en outre le combat de Youri, qui a compris que « l’amour était en lui-même l’infini de tous les infinis propice à l'accomplissement de toute individuation », dont la belle Judith sera la Béatrice « dantesque », tandis qu’il incombe au père de Link, Djordjevic l’homme du livre, de produire pour sa part le manuscrit qui empêchera la destruction de ladite Bibliothèque.
Or tout cela, au fil de pages qui retrouvent le souffle et la fulgurance des meilleurs chapitres de Cosmos incorporated, relève d’une réflexion-narration superbement imagée et maîtrisée, dans un espace romanesque de visionnaire à la fois délirant et hyper-contrôlé dont on se réjouit, soit dit en passant de lire American Black Box, la suite du Théâtre des opérations, son journal dont le 3e tome est annoncé pour le début de 2007…
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Commentaires

  • Il est passé aujourd'hui dans Fog, une nouvelle émission de Arte. Il est assez excentrique et farouche je l'aime bien comme individu.

  • Gracias Cuca cool. Merci de me rappeler les bons jours sur ton blog d'Ortille Lyrique. Et tu verras: le livre plaira à ton Cyberchat

  • Bonjour monsieur Kuffer,

    je suis parvenu à ce moment du livre de Dantec... J'avais dû cesser de suivre votre "lecture de Grande Jonction" pour ne pas gâcher le suspense de la lecture. On vous sent à la fois enthousiasmé par l'inventivité, et parfois comme amusé par le côté "too much", si je puis dire, non?
    J'ai pris l'habitude, ces derniers jours, de venir vous lire, le plaisir chez vous étant le choix à peu près infini des auteurs, des thèmes évoqués...
    Bien cordialement, et félicitations pour ce travail titanesque,

    Bruno

  • Yes, c'est vraiment too much ce que vous m'écrivez. Too much, but thanks a lot matelot.

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