Sur cette plage infinie, noyée dans un ciel de plomb,
Qui écrase la mer aplatie sur l’horizon bouché,
Et les vagues rampantes sur le sable humide,
Je scrute les scories et les strates,
Rejetées par les flots des tempêtes et des marées passées…
Cueillant dans les galets,
Ces émeraudes douces et polies, témoins de liesses ou de solitudes,
Tessons et bris de verre, rendus inoffensifs par le flux incessant,
Triant coquilles pétrifiées et fossiles, vestiges d’autres époques,
Ramassant squelettes d’oursins désarmés et coquillages brillants,
Fantômes vides des multitudes myopes et grouillantes des fonds,
Récoltant ces trésors de mémoire, humides et scintillants,
Bientôt spectres secs et ternes, dans une coupe,
Foulant aux pieds, meuniers du sable, les coques fragiles,
Suivant l’empreinte éphémère, d’un pied nu, d’un fer,
Ou d’un filet d’eau, indécis, ruisselant vers la mer effacée…
Butant sur un blockhaus aveugle, ensablé sur le flanc,
Dérisoire rempart de combats oubliés,
Devinant dans la brume, les lointains colombages du Normandy,
Qui protègent le confort douillet d’un faste révolu, et ses secrets d’alcôve,
Fouillant ces passés, proches ou perdus dans la nuit des temps,
Comme Midas, dans ce désert minéral, dans ce silence immobile,
En quête d’une voix métallique et virtuelle,
Pour se forger des souvenirs qui ne seront jamais…
Frédérique Noir
Ce poème inédit a paru dans la dernière livraison du Passe-Muraille, juillet 2006, No 70.
Les Saintes, aquarelle de Frédérique Noir, médecin aux Hôpitaux de Paris.