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Le tueur et la demoiselle

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Le dernier roman d’Amélie Nothomb

Quinze ans et quinze titres après Hygiène de l’assassin, qui révéla son talent atypique et tout à fait original, n’en déplaise aux vigiles du littérairement correct qui la snobent à qui mieux mieux, Amélie Nothomb en revient à un tueur propre sur lui que le goût des sensations neuves, révélé par un morceau de Radiohead (Pulk/Pull revolving Doors) alors qu’il se sentait « châtré de partout » après la fin d’un fol amour bête, lance dans une nouvelle carrière de tueur à gages « expérimental » mettant en valeur son ton inné de tireur d’élite.
Après avoir « explosé » un commercial de l’alimentaire, un journaliste évidemment inutile à la société, un ministre et une directrice de centre culturel non moins offensants par leur seule existence, avec une volupté virginale (« Rien n’est vierge comme un tueur ») et croissante, cet onaniste de l’acte semi-gratuit (et doublement payé) se trouve piégé dans une embrouille plus compliquée que ses exécutions impeccables à deux-coups, où telle jeune fille sauvage, comme les aimait Anouilh, le prend de vitesse et au dépourvu, ayant, elle, une raison supérieurement motivée de tuer : le viol, par son salaud de père, de son plus personnel secret.
Vif et incisif, superbement enlevé, truffé comme à l’ordinaire de digressions pénétrantes (sur les cinq sens comparés, le sexe, la rencontre, l’intimité, les textes sacrés), ce Journal d’Hirondelle, après un Acide sulfurique controversé, d’ailleurs assez injustement, et un peu bâclé tout de même sur la fin, relève de la meilleure veine de la romancière pêchant ici dans les eaux perverses d’un Mishima qu’elle admire, entre conte (a)moral et méditation paradoxale, au fil d’une écriture cinglante et truffée de trouvailles d’un humour sardonique assez irrésistible.

Citations au vol :

« C’est le corps qui rend gentil et plein de compassion pour le prochain ».

« Rien n’emporte autant l’adhésion que le cliché de zinc ».

« Le corps n’est pas mauvais, c’est l’âme qui l’est ».

« C’est le gras du cerveau qui a inventé le mal ».

« Un tueur est un individu qui s’investit davantage dans ses rencontres que le commun des mortels ».

« Si Proust avait assassiné Joyce dans ce taxi, on serait moins déçu, on se dirait que ces deux-là s’étaient trouvés ».

« Les petites dindes qui forment la majorité des vierges, sont aussi dépourvues de mystère que leurs aînées. Mais il y a ces cas de demoiselles silencieuses qui, elles, sont ce que la nature humaine a produit de plus étranger».

« On entend beaucoup moins bien la musique les yeux fermés. Les yeux sont les narines des oreilles ».

« Aucune fleur ne fleurit autant que la pivoine. Comparées à elle, les autres fleurs ont l’air de maugréer entre leurs dents ».

Amélie Nothomb. Journal d’Hirondelle. Albin Michel, 136p.

Commentaires

  • D'accord pour l'humour irrésistible et l'écriture toujours impeccable, mais ce dernier livre m'a tout de même déçu. Je trouve ça trop court, ou plutôt trop peu approfondi. Et ce personnage principal, sans nom défini, ressemble beaucoup trop à ce que Nothomb a fait jusqu'ici.

    Bien sûr, on passe un bon moment à la lecture de ce roman. Mais comparé à de précédents textes de l'auteur, je trouve celui-ci en-dessous.

  • Ce n'est pas du tout mon avis. L'économie narrative est maigre et nette, prompte, elliptique comme cela va si bien à ce genre de conte moral grinçant. Je trouve ça mieux qu'Hygiène et moins touffu que pas mal de ses autres romans. Surtout cet humour à froid me ravit, et la forme me rappelle aussi mon ami Gripari qui aurait sûrement apprécié lui aussi. Ce n'est pas tout à fait ma coupe de saké, cette littérature, Mishima est évidemment d'une autre étoffe et d'un autre calibre, mais c'est tout de même plein de notations fines et parfois même d'une totale originalité. Non, je ne trouve pas qu'elle se répète, la p'tite tueuse à tutu...

  • J'aime bien cette Amélie Nothomb. Elle a, à mes yeux, gardé cette capacité de l'enfant ( et c'est un côté très féminin aussi...) à noter toutes sortes de petits détails qui échappent à peu près tous, et à enchaîner dessus dans son imaginaire très riche , assez délirant , cette capacité intacte en fait à jouer ....Je trouve d'ailleurs que l'on rencontre assez souvent cet aspect un peu décalé dans la création belge, notamment dans le cinéma, je ne sais pas pourquoi. Et dans la littérature japonaise, peut être aussi, très surprenante . Je lis actuellement Kafka sur le rivage de Haruki Murakami . Il y pleut des sardines et des sangsues, et on tue des chats.....c'est un très beau livre, un conte sur ce qu'est le destin, et, je ne sais pas pourquoi ( peut être l'importance du Japon dans la vie d'Amélie), ce livre m'a fait penser à Amélie Nothomb.

  • Tout à fait d'accord, Marie, avec ces deux rapprochements entre les romans d'Amélie Nothom et le cinéma belge, d'une part, et la littérature japonaise, enfin d'une certaine. C'est elle qui m'a conseillé la lecture d'une nouvelle fascinante d'Yukio Mishima, Patriotisme, et son humour étrange, mieux compris par le public que par les critiques littéraires parisiens à ce qu'il semble, est proche à la fois du cinéma belge (je pense aux Convoyeurs attendent ou au charmant C'est arrivé près de chez vous) et du surréalisme de même souche. Elle a d'ailleurs passé ses enfances dans les Ardennes bleues où ça grouille de poètes et de sirènes mais aussi de pipes qui n'en sont pas... Ah Marie: il fait encore nuit sur les Préalpes et je présume que la nuit vous arrive à Tahiti, donc beaux rêves à vous...

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