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Le verbe fait slam


Treize jeunes « slameurs » » au Grand Café littéraire.
Le slam (du verbe anglais claquer, ou frapper) , mouvement poétique et mouvance sociale tout à la fois, issu de l’underground urbain américain, se vouait originellement à sortir la littérature des salons pour donner la parole à tous, avec des apparence de spectacle, parfois même de combat (« pour rire ») de gladiateurs du verbe. Apparu dans les année 80 à Chicago, devenu bientôt art collectif populaire à forte revendication sociale, le slam est une résurgence bouillonnante des performances mémorables des poètes beatniks, tel un Allen Ginsberg, ou des lectures publiques de Ted Berrigan et Anna Waldam, qui se livraient à des joutes poétiques en tenues de boxeurs. L’aspect communautaire et démocratique du slam, et sa pratique dans les bars, le distingue évidemment des milieux littéraires ou académiques, et pourtant le souci de la langue, et sa revitalisation, fait partie de ses principes et de ses attraits. C’est d’ailleurs ce que le public, initié ou pas, aura découvert au Salon du livre de Genève, où se déroulait une confrontation « nationale » alternant les performances en allemand, en français et parfois même en anglais. Ainsi le jeune étudiant en géologie neuchâtelois qui se produit sous le nom d’Abstract Kompost déploie-t-il, avec une réelle originalité, des variations poétiques chatoyantes en trois langues qui nous ont rappelé le dernier « concert » parisien d’Allen Ginsberg, dont il nous a dit tout ignorer par ailleurs…
Treize filles et garçons venus des quatre coins de la Suisse et dont le plus âgés frisaient à peine la trentaine, s’affrontaient donc dans cette très débonnaire « compétition », pour une symbolique bouteille de whisky. Sept « juges », désignés au hasard par le meneur de jeu, allaient attribuer des notes de 1 à 10, le trio final se trouvant départagé par acclamations de la salle. Remarque immédiate : les Alémaniques, souvent plus subtils dans leurs compositions que les Romands, assez basiquement « rap », se trouvaient un peu défavorisés aux yeux des jurés. C’est finalement le jeune Christophe à dégaine de petit prince rêveur de banlieue, slameur genevois aux textes à la fois élégants et émouvants, rythmés façon hip hop mais dont le contenu et les mots dégagent une véritable aura, qui a décroché la fiole. Pourtant, plébiscité lui aussi par le jury autant que par le public, le Neuchâtelois Abstract Kompost et quelques Alémaniques (Elsa Fitzgerald et le désopilant Ato dans son « Non, je n’aime pas l'érotisme/ erotik mag ich nich») poussent plus loin encore dans l’originalité et l’invention verbale. La variation du Neuchâtelois sur le thème du Vocabulaire relève ainsi d’une défense et illustration déjantée de la vie organique de la langue, qui épate. Mais on aura compris que l’élément concours reste assez symbolique pour la communauté des slameurs, dont beaucoup sont à l’évidence déjà complices. En outre, on remarquera que les slameurs ne se prennent pas les pieds dans le rideau de röstis…
Le slam est-il « encore » de la littérature ? se demanderont gravement d’aucuns, craignant la facilité ou le n’importe quoi. Et ces textes, parfois très « efficaces » sur scène, tiennent-ils par écrit ? En principe, les slameurs américains purs et durs tenaient au caractère oral, éruptif, souvent improvisé de leurs performances et se refusaient à toute publication. Or plusieurs des textes les plus élaborés entendus à Genève évoquent toute une lignée d’« action poétique » qui va des proférations de Maïakovski aux textes de Prévert, de Boris Vian ou de l’intempestif Kurt Tucholsky. Bref : l’esprit de la langue souffle où il veut, et pourquoi pas via le slam ?!

Prochaine soirée de slam au 2.21, à Lausanne : le 30 mai à 20h.30. Entrée libre. Slam au Schiffbau de Zurich, le 13 mai. Renseignements : www.rubikon.ch ou www.u20slam.ch.

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